Psychopathes vs narcissiques - leurs différences essentielles

9 juil. 2025

Quelles distinctions peut-on établir entre les narcissiques et les psychopathes ? Leur pensée, à la fois automatique et pathologique, trouve son origine dans un dysfonctionnement neurologique — non encore détecté — et dans des traumatismes vécus durant l’enfance. Il n’est pas toujours facile de les différencier, tant leurs croyances, leurs choix, décisions et comportements peuvent se ressembler.

Le narcissisme pathologique est un trouble de l’identité, proche de la psychose, qui se caractérise par une perte de contact avec la réalité et par l’inconscience des motivations internes de la personne qui en est atteinte.

À l’image de Narcisse dans la mythologie grecque, le narcissique pathologique est investi dans la vanité, l’excès d’intérêt personnel, l’indulgence envers lui-même, l’admiration de soi, l’autogratification, l’absorption en soi, l’autojustification de ses droits sur les autres, l’auto-adulation, l’autovictimisation et l’autoduperie. Pourtant, il ne s’aime pas. Son narcissisme extrême n’est qu’une compensation de la honte toxique et de la haine de soi.

Pour cette raison, les narcissiques pathologiques sont préoccupés par deux choses :

1.     La gestion de leur image par les apparences :
Ils ne s’intéressent pas à ce qui est authentique ou substantiel, mais à ce qui ressemble au réel — comme la simulation, l’imitation ou la mimique. Autrement dit, ils imitent les êtres humains sans pour autant éprouver les sentiments qui caractérisent un adulte autonome, tels que la compassion, l’empathie ou l’amour véritable. Ils ressemblent à des androïdes programmés, capables d’imiter des émotions positives, mais incapables de les ressentir. Ils confondent l’amour avec l’abus — parmi bien d’autres confusions.

2.    Leur approvisionnement narcissique :
Leur capacité à transformer les autres en sources d’attention, d’adulation et d’admiration pour en extraire une provision narcissique, ainsi qu’à avoir des suiveurs.

Cette activité autoréférentielle peut être ouvertement exposée — comme chez les narcissiques classiques ou manifestes — ou au contraire dissimulée, comme c’est le cas des narcissiques cachés.

Pour étudier leurs comportements et leur dynamique interne cliquez sur ces titres :
Les narcissiques classiques.
Les narcissiques cachés.

La psychopathie, quant à elle, est caractérisée par des symptômes tels que le détachement émotionnel, une empathie froide purement cognitive, l’absence de culpabilité et de remords, l’irresponsabilité et des comportements impulsifs.

La psychopathie est le point de rencontre entre peur, pouvoir et sadisme. Cette confluence constitue la stratégie de survie de tout psychopathe.

Certains narcissiques — une infime minorité — sont en réalité des narcissiques psychopathes. Ils utilisent des techniques propres aux psychopathes pour s’assurer une provision narcissique. Ces individus sont antisociaux, provocateurs, impulsifs, et manquent de contrôle. Toutefois, il s’agit d’un groupe extrêmement restreint. On les appelle des narcissiques malins, bien qu’ils soient plus des narcissiques cachés malveillants ou des narcissiques classiques.

Comment les reconnaître ? Le professeur Sam Vaknin, figure de référence dans l’étude du narcissisme pathologique depuis plus de 35 ans, apporte un éclairage particulièrement limpide sur ces questions. Cet article propose une synthèse de plusieurs de ses interventions consacrées à ce sujet.

Les narcissiques ne vivent pas dans la réalité

Les narcissiques pathologiques ne vous perçoivent pas comme une personne réelle, car ils ne vivent pas dans la réalité, mais dans un monde mental appelé « paracosme » façonné par leurs fantasmes infantiles.

Ainsi, lorsqu’ils posent leur regard sur vous, ce n’est pas réellement vous qu’ils voient, mais une projection mentale — un avatar créé à partir d’une image figée qu’ils ont construite dans leur esprit, à partir de la photo mentale instantanée qu’ils ont fait de vous.

En réalité, ils observent leur propre interprétation de votre personne. Cela peut vous sembler inconcevable, mais c’est une vérité dérangeante — leur narcissisme pathologique est un trouble de l’identité, aux confins de la psychose.

La psychose est un état psychopathologique dans lequel l’individu perd tout ou partie de son contact avec la réalité. Elle se manifeste par des troubles majeurs de la perception (hallucinations), de la pensée (délires), de l’affect et du comportement.
Cette perte de cohésion psychique entraîne une désorganisation de l’identité, rendant floues les frontières entre le monde interne et externe.
C’est-à-dire que la personne psychotique ne peut pas distinguer clairement les objets de son univers mental des personnes appartenant à la réalité extérieure.

C’est le cas des narcissiques pathologiques : Si vous êtes la partenaire ou le conjoint de l’un(e) d’entre eux, inconsciemment il va prendre une photo mentale instantanée de vous. Puis il va l’introjecter et en faire un « objet interne ». Dès lors, la « relation », se passera exclusivement entre lui et son avatar de votre image — mais vous serez exclu(e).

Semblable à une machine déréglée, les narcissiques pathologiques rejouent sans fin les mêmes scénarios psychotiques. Ils portent en eux ce programme qui se réactive inlassablement à chaque rencontre avec une victime.
Par conséquent, ils ne perçoivent que l’attention, la reconnaissance ou l’adoration que les autres leur portent, car cela alimente leur image grandiose et illusoire d’eux-mêmes.
Ils n’existent qu’à travers leurs sources d’approvisionnement narcissique — c’est-à-dire les personnes qui leur offrent attention, admiration et validation — sans lesquelles leur illusion de grandeur s’effondrerait.

Les psychopathes sont ancrés dans la réalité

Contrairement aux narcissiques pathologiques, les psychopathes sont ancrés dans la réalité. C’est précisément pour cette raison qu’ils vous perçoivent véritablement — mais à travers le prisme du prédateur. Lorsqu’ils cherchent à vous extorquer quelque chose, ils vous voient clairement, non comme une personne, mais comme une proie.

Ils observent avec une attention clinique vos habitudes, vos failles et vos réactions émotionnelles, afin de vous manipuler avec une efficacité redoutable.
Vous n’êtes pas invisible — vous êtes une cible. Leur regard est lucide, froid, calculateur, dénué de toute connexion affective. Vos vulnérabilités et comportements sont minutieusement surveillés, non pour vous comprendre, mais pour mieux vous exploiter.

Comme les narcissiques, les psychopathes nourrissent un fort sentiment de supériorité. Ils ignorent la réalité par grandiloquence, mais ne la prennent jamais pour un fantasme. Leur narcissisme se manifeste de manière plus contenue, moins théâtrale : ils ne cherchent ni à attirer l’attention, ni à obtenir un approvisionnement narcissique.

Tous deux scannent leurs cibles, chacun à sa manière :

  • Le narcissique le fait pour instaurer une dépendance psycho-émotionnelle, essentielle à son équilibre intérieur.

  • Le psychopathe, lui, opère dans un tout autre registre : il observe pour prendre ce qu’il veut — votre argent, vos idées, vos connaissances, vos projets, votre énergie… Mais il ne dépend émotionnellement ni de vous, ni de personne.

Voyons leurs différences d’un point de vue éthique et moral…

Les narcissiques n’ont pas l’intention délibérée de nuire

Les narcissiques et les psychopathes sont dépourvus de toute moralité : ils n’en possèdent ni trace, ni allusion, ni ombre. Cependant, contrairement à une idée reçue largement répandue en France, les narcissiques pathologiques ne sont ni mauvais ni pervers au sens strict.

Les narcissiques pathologiques n’agissent pas avec l’intention consciente de nuire. Bien au contraire, beaucoup d’entre eux intègrent des valeurs morales à leur sentiment exagéré de supériorité et d’importance. Pour les narcissiques pathologiques, le laxisme moral est perçu comme une faiblesse — voire comme une forme d’infériorité. Ils méprisent ceux qui, selon leurs critères, sont incapables de demeurer moralement irréprochables.

À la différence des psychopathes, ils sont totalement inconscients de leurs motivations profondes, même lorsque leurs objectifs semblent clairs. Leur but inconscient est de transformer chaque personne qu’ils rencontrent en un objet interne — une figure mentale avec laquelle ils construisent un fantasme partagé.

Les psychopathes sont joyeusement et délibérément destructeurs

Obsédés par des objectifs personnels, ils cherchent à satisfaire leurs pulsions égoïstes par tous les moyens, sans le moindre remords. Ils sont bien moins aptes à tisser des liens humains — même de façon chaotique, comme c’est le cas chez les narcissiques.
Ainsi, si un psychopathe vous promet une liaison amoureuse, un mariage ou un partenariat commercial, il vous ment intentionnellement.

Psychopathes et narcissiques ignorent les règles, les normes et les repères sociaux. Mais le psychopathe pousse ce mépris à l’extrême. Il est ce criminel de carrière — manipulateur, froid, impitoyable — là où le narcissique, bien que profondément dysfonctionnel, reste émotionnellement engagé dans ses interactions, au moins temporairement.

L’attachement des narcissiques à leur fantasme partagé

Les narcissiques pathologiques sont profondément dépendants de l’attention, de la reconnaissance, de l’admiration, de l’adulation et de l’énergie psychique des autres, car leur régulation émotionnelle, leur équilibre intérieur, leur estime de soi et leur confiance personnelle sont entièrement externalisés. C’est pourquoi ils réduisent les autres à des sources d’approvisionnement narcissique — à des objets internes, destinés à s’intégrer dans la mécanique implacable de leur fantasme partagé.

Ce fantasme suit un schéma inévitable : une phase de repérage, puis d’idéalisation, marquée par un bombardement amoureux et un maternage psychologique envers l’objet interne façonné à partir de la personne réelle, devenue objet externe.
À cela succède une phase de dévalorisation de l’objet interne, puis, plus tard, de l’objet externe, suivie du rejet cruel de la personne réelle et de son remplacement.
Lisez l’article qui contient les neuf phases prévisibles dans une relation de couple, en cliquant sur ce titre : Le fantasme partagé des narcissiques.

Le narcissique n’abandonne jamais son fantasme partagé, car, pour lui, c’est sa seule réalité. Lorsqu’il est contraint de revenir à la réalité — lorsqu’il est brutalement réveillé — il décompense : ses défenses s’effondrent et il se sent blessé, voire mortifié. En ce sens, les narcissiques sont bien plus psychotiques, plus délirants que les psychopathes.

Le narcissique ne peut survivre une minute sans son fantasme partagé. C’est la motivation inconsciente de sa dynamique interne qui le pousse à se séparer de la figure maternelle, afin de s’individualiser et de se sentir souverain.

La personne en face est donc instrumentalisée au gré de ses besoins psycho-émotionnels.
Dès que ce fantasme se fissure, il remplace aussitôt sa victime par une nouvelle « mère » de substitution. Il cherche une cible immédiatement — comme on changerait de miroir pour éviter d’affronter son propre vide.

Cependant, et c’est là une différence fondamentale : les narcissiques croient réellement à leurs propres fabulations amoureuses. Ils se perdent dans leur fantasme partagé, se méprennent sur la nature de leurs sentiments, et finissent par se tromper eux-mêmes.

L’absence d’attachement des psychopathes

Les psychopathes, en revanche, n’éprouvent aucun besoin psychoaffectif envers quiconque, car ils ne cherchent pas à obtenir un approvisionnement narcissique. Leur besoin, compulsif, est concret et utilitaire. Ils ne souffrent pas de distorsions cognitives comme les narcissiques.

Ainsi, le sentiment de grandeur propre au narcissique croise ici l’impulsivité, la tromperie et les tendances malfaisantes propres au psychopathe.

Les psychopathes peuvent se sentir grandioses, mais cette grandeur est davantage intériorisée. Ils n’essaient pas de valider leur sentiment de grandeur en convainquant les autres de leur importance. Ils sont donc bien moins dépendants des autres que les narcissiques. C’est pourquoi ils sont moins pro-sociaux ou communautaires que ces derniers.

Les psychopathes peuvent mettre en place un fantasme partagé et commencer la relation par un bombardement affectif, mais ils ne s’y laissent jamais prendre. Pour eux, le fantasme partagé n’est qu’un outil, un scénario conçu pour servir un objectif précis et conscient : vous extorquer, vous utiliser, puis vous écarter.

Les phases émotionnelles et cycliques propres au narcissisme pathologique ne se manifestent pas chez eux. Ils utilisent le fantasme partagé comme un levier pour obtenir ce qu’ils convoitent : sexe, argent, pouvoir, statut, contacts... Mais ils ne dépendent psycho-émotionnellement de personne.

C’est pourquoi, naufragés sur une île déserte, les psychopathes pourraient bien survivre.
Les narcissiques, eux, s’effondreraient.

Le psychopathe motive les autres par l’amour ou par la peur

Ce sont ses deux motivateurs principaux : l’amour et la peur. En tant qu’enfant, le psychopathe en herbe souhaitait s’associer aux autres pour socialiser, demander de l’aide, s’intégrer, avoir toutes sortes d’interactions interpersonnelles et tomber amoureux. Mais la réalité est qu’il a appris à se méfier de l’amour plus que de toute autre chose. De son point de vue, l’amour est inconstant, éphémère, passager. Il n’est pas digne de confiance.

Dans l’histoire de l’enfant présentant des traits précurseurs de la psychopathie, l’amour a toujours été lié à la trahison, au rejet, à l’abandon, à la souffrance, à la douleur. L’amour a été une expérience néfaste pour lui. Ainsi, il a appris qu’on ne peut pas compter sur l’amour comme fondement, car l’amour est décevant, désenchantant, désillusionnant et douloureux. Ce n’est pas un atout fondamental.

En revanche, il peut se servir de l’amour pour exploiter en simulant l’amour, il peut manipuler l’amour pour motiver les autres, tout en faisant semblant d’aimer. Pour lui, cela est légitime, à condition de ne pas tomber amoureux et de ne pas ressentir d’émotions.

Pour lui, les émotions positives sont la mort. Les émotions sont l’antonyme de la survie : c’est soit les émotions, soit la vie. Ainsi, le psychopathe a appris dès l’enfance que l’amour doit disparaître. Contrairement aux narcissiques, il n’essaiera plus jamais. Il n’y a donc pas d’amour dans le répertoire du psychopathe, sauf comme instrument machiavélique. Dans ce cas, ce n’est pas vraiment de l’amour. C’est une simulation d’amour, une chorégraphie robotique de l’amour – assez pour convaincre la cible visée qu’elle est aimée.

Ce à quoi le psychopathe fait confiance, c’est la peur

Comme vous l’avez vu, la psychopathie est le point de rencontre entre peur, pouvoir et sadisme. Le psychopathe croit que la peur est un facteur de motivation efficace.
Pour lui, la peur est stable et sécurisante. Et surtout, la peur est prévisible.
Lorsqu’il utilise la peur comme moyen de contrôler ou de motiver les autres, il pense pouvoir prédire et anticiper leurs comportements avec une certitude absolue.
Bien sûr, c’est une illusion. C’est totalement faux.

Mais quel choix lui reste-t-il ?
Il se méfie de l’amour. Il abhorre l’amour. Il nourrit une colère sourde contre l’amour.
Ses expériences avec l’amour ont été marquées par la douleur — à commencer par sa propre famille, sa mère, ses premières figures d’attachement.
Il ne veut pas faire l’expérience de l’amour. Il ne sait pas aimer. Et même s’il avait su aimer, il aurait réprimé cet élan. Il l’aurait étouffé.

Mais il sait manier la peur. Et la peur, c’est le seul outil dont il dispose. Elle est toujours présente, facile à provoquer, et semble garantir des résultats.

Pourtant, là encore, sa vision est contrefactuelle. Car en réalité, les gens terrorisés deviennent imprévisibles : ils se rebellent, ripostent, fuient, portent plainte, exposent leurs bourreaux. Ils finissent par échapper au contrôle.
Mais le psychopathe refuse de voir cela. Il préfère s’enfermer dans cette illusion, car s’il devait renoncer à la peur, il ne lui resterait rien. Plus de stratégie interpersonnelle.
L’amour est exclu. Et si la peur devient inefficace, que lui reste-t-il ?

Ainsi, le psychopathe s’en remet à la peur. Mais pour que la peur fonctionne, encore faut-il avoir du pouvoir. On ne peut inspirer la peur que si l’on détient un pouvoir réel sur autrui.

Lorsqu’une personne sait que vous avez du pouvoir sur elle, elle sait aussi que vous pouvez lui nuire : la briser, l’humilier, la priver de ses proches, de ses biens, de sa liberté.
Et dès qu’un tel pouvoir est établi, son corollaire est la peur. Il ressent de la peur.

Le psychopathe est donc obsédé par le pouvoir qu’il obtient à partir de la crainte qu’il suscite.
C’est une soif de contrôle par la peur, une stratégie de survie façonnée dès l’enfance.

Voyons maintenant leur processus d’idéalisation et d’auto-idéalisation…

L’idéalisation des narcissiques et la certitude des psychopathes

Les narcissiques pathologiques présentent deux types d’idéalisation.

1. Le besoin d’être idéalisés par les autres
Ce besoin est compensatoire : ils ont besoin que les autres leur disent qu’ils sont extraordinaires, supérieurs, uniques, spéciaux, etc. C’est ainsi qu’ils obtiennent la provision narcissique nécessaire pour se sentir exister.
Leur équilibre intérieur dépend donc entièrement du regard extérieur. En psychologie, cela s’appelle un locus de contrôle externe.
Si les autres ne les idéalisent pas, s’ils osent remettre en question leurs comportements, les narcissiques sont profondément déstabilisés.

2. L’idéalisation de leur partenaire intime
En réalité, ils idéalisent l’avatar qu’ils créent à partir de l’image qu’ils se font de leur partenaire intime. C’est une manière pour eux de s’idéaliser eux-mêmes, de renforcer leur propre sentiment de grandeur. Ce processus s’appelle la co-idéalisation.

Contrairement aux narcissiques, les psychopathes ont la certitude de leur supériorité.
Ils ne recherchent donc aucune validation extérieure.
Leur sentiment de grandeur est intérieur, autosuffisant et autonome.
Ils n’ont besoin de personne pour le confirmer : pour eux, c’est un fait.
Qui oserait en douter ? Celui qui s’y risquerait ne passerait que pour un imbécile.

Ainsi, lorsqu’un psychopathe vous flatte, ses compliments ne sont que des outils de manipulation et de domination.
Il est totalement indifférent à l’image idéalisée qu’il pourrait renvoyer, comme à celle que vous pourriez avoir de lui.
Quel psychopathe se soucierait réellement de qui vous êtes et de ce que vous ressentez ?
Ce qui compte pour lui, c’est lui – exclusivement.

Voyons maintenant les espaces où narcissiques et psychopathes déploient leur pathologie…

L’espace pathologique des narcissiques

Le narcissique s’oriente vers des professions et des activités qui lui garantissent une provision narcissique abondante et ininterrompue.

La provision narcissique est la « nourriture » psycho-émotionnelle dont dépendent les narcissiques pathologiques pour maintenir un sentiment d’équilibre interne — une forme d’autorégulation, une économie psychique fondée sur des sources externes. Cette nourriture correspond à l’attention, l’admiration, la reconnaissance ou la crainte qu’ils reçoivent des autres, et qui leur permet de se sentir équilibrés, spéciaux, uniques, parfaits, omniscients comme des dieux — ou tout-puissants et démoniaques.

Les sources d’approvisionnement narcissique sont les personnes qui fournissent cette attention, cette admiration, cette reconnaissance ou cette crainte. Inconsciemment, ces individus participent à narcissiser le narcissique qu’ils croisent sur leur chemin, en validant sa perception déformée de lui-même.
Pour plus d’informations à ce sujet, cliquez sur ce lien : La provision narcissique.

La co-idéalisation s’opère donc dans deux espaces simultanés : l’un réel, l’autre imaginaire.

L’espace réel est son terrain de jeu :
Cela peut être son foyer, son église, un bar de quartier, une association ou son lieu de travail — autant de lieux où il peut obtenir des sources d’approvisionnement narcissique, prêtes à lui fournir attention, adulation et validation.

L’espace imaginaire est son fantasme partagé :
Il vous présente un ensemble de miroirs qui vous renvoient une image embellie, au point que vous finissez par vous idéaliser vous-même, tout en l’idéalisant en retour. Le seul but de cette idéalisation est de renforcer sa propre image et de créer une illusion d’idéalisation mutuelle.

Si sa partenaire est magnifique, il se sent irrésistiblement attirant.
Si elle est brillante, il croit l’être aussi.
Sinon, pourquoi serait-elle avec lui ? Son message implicite : il n’y a rien de négatif chez vous — vous êtes la perfection incarnée.
Le narcissique vous flatte contre toute évidence.

L’espace d’action du psychopathe : sa fusion identitaire

Le psychopathe n’évolue que dans un seul espace : un espace totalement physique.
Il ne partage pas de fantasme avec vous. En revanche, il crée un fantasme pour vous.
Il vous propose une sorte de Disneyland mental, un scénario imaginaire taillé sur mesure. Cependant, il reste lucide.

Le psychopathe ne commet jamais l’erreur de confondre son décor fictif avec la réalité, comme le fait le narcissique. Son évaluation du réel n’est pas altérée.
Il est certes impulsif, fantasque, très dangereux — mais il ne se ment pas à lui-même.
Il ne s’appuie pas sur l’idéalisation pour reconnaître sa grandeur. Il s’appuie sur la fusion identitaire.

Le message du psychopathe n’est pas : « Tu es exceptionnelle. »
Mais plutôt :
« Je suis comme toi. Tu es comme moi. »

Il vous suggère que vous êtes, comme lui, capable de malveillance et de duplicité.
Il vous pousse à croire que vous formez ensemble un seul organisme, une entité à deux têtes.
C’est un message de fusion totale et symbiotique. C’est pour cette raison que les psychopathes exercent une attraction puissante sur les personnes souffrant de dépendance affective ou d’un trouble de la personnalité limite (borderline).

Le psychopathe est un miroir parfait. Il vous reflète en totalité : vos forces et vos failles, vos défauts et vos peurs, vos talents, vos valeurs, ainsi que vos doutes, vos espoirs et vos besoins les plus intimes.

Son message est :
« Tu es exactement moi. Comment m’as-tu trouvé ?
Je suis toi, dans tout ce que tu es — en bien comme en mal. »

L’empathie froide des narcissiques et des psychopathes

Les narcissiques et les psychopathes partagent un point fondamental : une incapacité à accéder aux émotions positives telles que le véritable amour, la compassion ou l’empathie affective. À ce titre, ils ne sont pas pleinement humains — du moins, pas sur le plan émotionnel, affectif ou relationnel.

Tous deux présentent une carence marquée en empathie affective. Pourtant, ils possèdent ce que le professeur Sam Vaknin appelle une empathie froide : une forme d’empathie réflexive et cognitive, qui leur permet de comprendre les émotions d’autrui, sans jamais les ressentir.

Les narcissiques ressentent des émotions intenses

Les narcissiques, contrairement aux psychopathes, ressentent des émotions intenses. Mais ils en ont peur — surtout lorsqu’il s’agit d’émotions positives.
Incapables de les tolérer, ils les évitent. Leur affectivité devient alors dominée par des émotions négatives : honte toxique, paranoïa, anxiété chronique, rage narcissique (explosive ou passive), et envie corrosive — qu’ils projettent sur leur entourage.

Les narcissiques sont en quête constante d’approvisionnement narcissique. Lorsqu’ils l’obtiennent, ils peuvent se montrer heureux, malléables, crédules, voire charmants.
Dans le cadre du fantasme partagé, ils se laissent submerger par des émotions intenses.
Puis, sans transition, deviennent froids, distants, indifférents, voire cruels.

Cependant, leurs comportements abusifs ne sont généralement pas prémédités. Ils relèvent plutôt d’une inconscience de soi, d’une méconnaissance de leurs motivations profondes — rien à voir avec la stratégie froide et calculée propre au psychopathe.

La confusion émotionnelle et les fantasmes des narcissiques

Le narcissisme est, en profondeur, un trouble dissociatif de l’identité.
C’est pourquoi les narcissiques souffrent d’un syndrome dissociatif.
Ils ont une personnalité fondamentalement brisée, dépersonnalisée et déréalisée.
Ils vivent également d’amnésies dissociatives, comme les personnes borderline.

Les narcissiques pathologiques évoluent donc dans un dédoublement permanent :
Ils sont à la fois lucides et perdus, rationnels et fantasmatiques, adultes et enfants blessés.
Ils manifestent des signes de dépersonnalisation, de déréalisation, et souffrent d’une amnésie dissociative. Deux identités coexistent en eux :

  • L’une est analytique, lucide, perspicace, intuitive, capable d’anticiper, de lire entre les lignes et de détecter les trahisons.

  • L’autre est un enfant dépendant, prisonnier d’un fantasme partagé, incapable de confronter la réalité autrement qu’à travers des récits illusoires pour se protéger de la douleur.

La première identité interagit avec le monde extérieur, tandis que la seconde captive le partenaire intime pour l’entraîner dans ce fantasme partagé.
Cette dualité engendre un profond malaise chez l’entourage. Parfois, on a l’impression de parler à un enfant abandonné ; puis, soudainement, on se retrouve face à une intelligence froide, critique et implacable, qui vous lit comme un livre ouvert. Cela vous déstabilise.

Ainsi, on communique alternativement avec un enfant blessé et un adversaire malin, un avocat coriace qui ne tolère ni mensonges ni approximations, qui perçoit sans fard la réalité de vos intentions. Voilà la dualité du narcissique.

C’est pourquoi les narcissiques ressentent des émotions intenses, mais restent coupés de leur réalité émotionnelle. Lorsqu’ils tentent de comprendre ce qu’ils éprouvent, ils ne plongent pas dans leur cœur : ils raisonnent, analysent, comparent. Leur « introspection » n’est qu’une déduction logique, non touchée par les sentiments.
Ils se demandent : « Que suis-je en train de ressentir ? »
Puis concluent : « Cela doit être de l’amour. »

Ils fonctionnent par déduction, sur la base d’observations, de théories, de stéréotypes :
« Les gens qui aiment veulent être proches. Je veux être proche de cette personne. Donc j’aime. »
Mais ce n’est pas vraiment de l’amour. Ce sont des signaux — désir, dépendance, excitation, idéalisation de soi face à elle — qu’ils traduisent à partir de modèles appris, presque mécaniques. Ils ne ressentent donc pas de l’amour : ils l’interprètent.

Contrairement à certains mythes populaires, ils ne sont pas totalement inconscients de ce qu’est l’amour ni d’eux-mêmes. Nombre d’entre eux savent parfaitement définir l’amour et le reconnaître chez les autres. Mais pour leurs propres sentiments, ils confondent intensité et authenticité, manque et attachement, besoin ou désir et amour.

Autrement dit, ce qu’ils prennent pour un sentiment profond n’est que le reflet de leur désir ardent d’être aimés. En réalité, leur « amour » ne se porte pas sur l’autre, mais sur le rôle que l’autre joue dans leur fantasme partagé.
Ce fantasme inconscient est le cœur même de la relation narcissique : une bulle imaginaire dans laquelle l’autre existe uniquement comme reflet idéalisé du narcissique lui-même.

Leur « amour » est fragile, incapable de supporter l’altérité, la contradiction ou la réalité.
Dès que la bulle éclate, le narcissique jette et remplace, car il ne peut vivre sans miroir.

Les psychopathes pratiquent une fusion mimétique

Avec un psychopathe, il n’y a pas de fantasme partagé comme celui des narcissiques.
Chez lui, le miroir est lisse, immaculé, parfait.
Il ne projette aucun idéal, il n’aspire pas à une image grandiose : il imite.
Il reproduit avec une précision glaçante vos goûts, vos gestes, vos expressions, vos mots.
Il efface toute distance, abolit toute séparation.
Il ne vous idéalise pas — il fusionne avec vous, et se fait votre reflet exact.

La victime croit avoir trouvé son double, son âme sœur, son reflet parfait, son alter ego.
Mais elle fait face en réalité à une copie vide, une construction mimétique, une projection dénuée d’émotion. Ce n’est pas de l’amour. C’est une prédation masquée sous le voile de l’intimité.

Les psychopathes ne ressentent pas d’émotions positives

Cette absence trouve sa source dans des anomalies cérébrales congénitales.
Ils ne simulent pas l’émotion positive par peur ou par défense, comme les narcissiques — ils en sont tout simplement incapables.

Le psychopathe, lui, est provocateur, réactif, défiant. Il hait toute forme d’autorité.
Il est aussi bien plus impulsif et imprudent que le narcissique.
Mais surtout, il est focalisé sur un objectif précis : sexe, argent, pouvoir, statut, relations, accès, distraction ou accomplissement personnel.

Obsédé par le pouvoir, il devient impitoyable : il piétine tout sur son passage, incapable de différer la gratification ou de contenir ses pulsions.

Contrairement au narcissique, il est autosuffisant : il n’a besoin de personne.
Il vit replié sur lui-même, comme une forteresse froide et vide, inaccessible à toute forme de lien réel. Il utilise sa rage comme un instrument de contrôle, pour manipuler et soumettre.
Mais il ne ressent aucune émotion positive. Aucune. Point final.

C’est un mort-vivant. Un zombie recevant de brèves décharges électriques, comme une grenouille disséquée à laquelle on injecte un courant pour la faire bouger.
Les mouvements sont là, mais la vie est absente.
Les psychopathes sont morts à l’intérieur — et aussi à l’extérieur.
Ce sont des simulations ambulantes d’êtres humains : brillantes, séduisantes, fascinantes.

Et c’est précisément cette perfection apparente qui constitue le premier signal d’alarme.
Si quelqu’un vous semble trop parfait pour être vrai, c’est probablement un psychopathe.

Sur le plan émotionnel, les psychopathes sont extrêmement rudimentaires :
« Je me sens bien. Je me sens mal. J’ai peur. Je n’ai pas peur. »
Il n’y a aucune nuance. Aucun dialogue intérieur. Et donc, aucun contexte émotionnel.

C’est ainsi que le psychopathe traverse la vie : détaché, comme s’il glissait sur le dos, étranger à ses propres actes.
Il sait pourtant parfaitement ce qu’il fait. Il est rusé, manipulateur, opportuniste.
Il ment, il planifie, il simule — notamment l’avenir qu’il vous fait miroiter.
Mais lui, il ne se laisse jamais tromper par ses mensonges intentionnels.

Leur cathexis : leur niveau d’investissement émotionnel

La cathexis désigne l’investissement émotionnel que l’on place dans quelque chose ou dans quelqu’un — un lieu, une profession, une vocation, ou encore une autre personne.
Cet investissement s’exprime à travers des processus d’attachement, y compris des liens traumatiques. Autrement dit, lorsque vous vous attachez à quelqu’un, vous développez des émotions, et inévitablement, vous vous investissez affectivement dans cette personne : c’est cela, la cathexis.

La grande différence entre les psychopathes et les narcissiques réside précisément dans leur capacité — ou leur incapacité — à s’investir émotionnellement.

Les narcissiques sont toujours investis émotionnellement, non pas tant dans les autres que dans leur fantasme partagé.

Ce fantasme peut prendre la forme d’une relation intime, d’une amitié, d’un concept abstrait (nation, religion), ou encore d’une vocation.
Ce n’est pas la personne qu’ils aiment ; c’est l’image grandiose qu’ils projettent sur elle, image qui reflète leur propre grandeur.

Même dans les phases de rejet ou de dévalorisation de ce fantasme, les narcissiques restent émotionnellement présents.
Cet investissement devient alors négatif, mais il ne disparaît pas.
Le narcissique ne se retire jamais complètement sur le plan affectif.
Il continue d’éprouver des émotions — non pas positives, mais négatives : possessivité, contrôle, envie, haine, colère passive, rage explosive…
Son attachement reste actif, même lorsqu’il devient destructeur.

Le psychopathe, lui, ne s’investit émotionnellement jamais.
Il ne s’investit ni dans une personne, ni dans une idée, ni dans une œuvre, ni dans un lien. Rien. Jamais.
Cela vaut également pour le narcissique psychopathe, dont la dynamique psychologique et comportementale est pratiquement identique à celle du psychopathe pur.

Les psychopathes se moquent éperdument de leur carrière, de leurs enfants, de leur partenaire, de leur réputation, de leurs diplômes, de la reconnaissance sociale, des lois ou des normes.
Ils ne s’attachent pas. Ils n’investissent pas. Ils n’éprouvent rien.
L’attachement qu’ils manifestent est plat, leur affect est plat.
Cela se traduit par une expressivité minimale, un visage impassible, opaque.
Vous ne pouvez pas deviner ce qui se passe en eux — parce qu’en vérité, il ne se passe rien.
Derrière cette façade se trouve une forme humaine sans expression, sans signal émotionnel, sans vibration. C’est cela, le psychopathe.

Ainsi, un psychopathe ne sera nullement affecté par la perte de sa compagne au profit d’un autre homme.
Il ne réagira pas à la perte de son travail, au vol de son œuvre, à une mise en danger, à la ruine de sa réputation.
Tout cela lui est indifférent.
Il ne tient à rien, ne protège rien, ne chérit rien.

On pourrait dire que le psychopathe anticipe la perte, tout comme le borderline anticipe l’abandon, et le narcissique l’humiliation ou le rejet.
Chaque type se protège à sa manière.

La personnalité limite (borderline) bascule vers la psychopathie secondaire. Elle est associée à une réactivité extrême accompagnée des symptômes dépressifs et à un haut niveau d’anxiété générée par la peur de l’abandon.

Le narcissique, lui, agit de manière préventive : il lance la dévalorisation et le rejet de son ou sa partenaire intime pour ne pas en être victimisé. Il sabote avant d’être saboté. Il abandonne avant d’être abandonné.
C’est pourquoi le narcissique est intensément investi dans son fantasme partagé : il y croit.
Il ne simule pas. Il vit dans son illusion comme si elle était réelle.
Cette conviction le pousse à surveiller, harceler, espionner, vouloir récupérer.
Il est possessif, anxieux, paranoïaque, mais toujours émotionnellement impliqué.

Le psychopathe, lui, se protège en évitant tout attachement.
Sa posture est claire : « Je m’en fiche totalement. Prends ma femme, mon travail, mes biens, ma liberté : peu m’importe. »
C’est sa manière de se défendre — par une indifférence totale.

Pourtant, les psychopathes se marient. Mais ces unions sont catastrophiques.
Voici un critère précieux pour les reconnaître : si votre partenaire intime vous quitte soudainement, sans explication, sans émotion, sans jamais reprendre contact, s’il disparaît du jour au lendemain sans la moindre considération pour ce que vous ressentez ou traversez — alors vous êtes face à un psychopathe ou à un narcissique psychopathe.

Le but de cette pseudo-relation pouvait être le sexe, l’argent, l’accès à un réseau, le pouvoir, ou même un simple divertissement.
Mais vous n’étiez qu’un outil. Et dès que cet outil devient inutile, il est jeté.
Vous êtes effacé(e). Rayé(e) de la carte. Vous n’avez jamais existé.

Cette brutalité de la rupture est ce qui distingue le psychopathe.
Elle est rare chez les narcissiques, mais fréquente — et dévastatrice — chez les psychopathes.

Voyons maintenant comme se manifeste l’anxiété des narcissiques et des psychopathes…

L’anxiété des narcissiques est générée par leur paranoïa

Leur paranoïa est un délire de persécution : anticipation de complots, sentiment d’être la cible de moqueries, de ragots ou d’intentions malveillantes.
Ce vécu s’accompagne d’une hypervigilance constante, car la paranoïa est profondément anxiogène et le narcissique doit impérativement réduire cette anxiété. La séquence est la suivante : paranoïa → anxiété → besoin de réduire l’anxiété → besoin de changement.

Ainsi, la paranoïa devient un agent de changement, une force de transformation interne. Elle incite le narcissique à se conformer davantage aux normes sociales, à devenir moins conflictuel, moins abrasif, moins antagoniste. Elle pousse le narcissique — manifeste ou caché — à devenir pro-social. Ce mouvement n’est pas motivé par un désir authentique d’évolution, mais par la crainte des conséquences : isolement, rejet, voire dangers graves.

La paranoïa fonctionne donc comme une compensation, luttant contre la composante antisociale et téméraire du narcissisme pathologique. De plus, la paranoïa agit comme un antidépresseur : elle fournit l’énergie nécessaire pour commencer un projet de transformation qui restaure la grandiosité du narcissique.

Leur trouble anxieux du psychopathe s’exprime différemment

Bien que leurs émotions soient peu exprimées, les psychopathes n’en demeurent pas moins sujets à des troubles anxieux — au même titre que les narcissiques pathologiques.
Nous savons aujourd’hui qu’au cœur de la psychopathie se trouve un trouble anxieux. 
Le psychopathe est très anxieux. Ce constat va à l’encontre du mythe populaire selon lequel le psychopathe serait sans peur. En réalité, il est profondément paranoïaque, angoissé, et facilement effrayé. Pourquoi ?

Pour répondre à cette question, nous devons remonter dans le fil du temps.
La psychopathie est très probablement d’origine génétique.
C’est une anomalie cérébrale, très similaire à la psychose.
Mais la psychopathie est génétiquement prédisposée à un environnement hostile.

Le psychopathe a certainement grandi dans un environnement abusif et traumatisant, ou, lorsqu’il était enfant, il a peut-être provoqué l’hostilité, le rejet et la punition par sa mauvaise conduite. Et cela a bloqué son évolution vers une autonomie fonctionnelle.

Bien sûr, grandir dans un environnement qui cherche à vous abattre, à vous détruire, à vous maltraiter, à vous frapper, à vous blesser, à vous ruiner, à vous anéantir serait source d’anxiété. Si vous grandissez dans un tel environnement de torture et de tourments, dans l’anticipation du rejet, de la douleur, de la souffrance et pire encore, de la mutilation, voire de la mort, vous risquez de développer une anxiété à un niveau qui correspond à un trouble anxieux. Les psychopathes sont donc très anxieux.

Leur psychopathie, leur maladie mentale, est en réalité une réponse à cette anxiété. 
On pourrait même dire que la psychopathie est anxiolytique.
Elle réduit l’anxiété, l’améliore, l’atténue et la contrôle.
Cependant, l’anxiété du psychopathe génère son imprudence, son impulsivité, et son incapacité à se contenir. Il somatise fréquemment et a souvent recours aux substances psychoactives ou aux drogues pour anesthésier son agitation intérieure.

Sa réactance : la contre-phobie

Comme les narcissiques manifestes — ou les narcissiques psychopathes — le psychopathe cherche à contrôler son anxiété en développant une posture contre-phobique.
C’est une forme de réactance : une tendance à défier ce qui fait peur, à prendre des risques inconsidérés pour ne pas se sentir vulnérable. Il adopte alors une attitude téméraire, provocatrice, et ouvertement hostile à toute forme d’autorité ou de norme.

Convaincu de sa supériorité, il s’arroge des prérogatives qu’il estime légitimes, persuadé qu’il saura toujours maîtriser les situations à haut risque. Il se croit invulnérable, voire immunisé face aux conséquences de ses actes. Mais son impulsivité le pousse à agir sans jamais anticiper les répercussions — souvent graves — de ses comportements.

C’est aussi ce qui explique pourquoi les narcissiques et les psychopathes peuvent aisément collaborer. Tous deux sont des opportunistes parasitaires, exploitant leur environnement à des fins personnelles.

Le narcissique communautaire, enfermé dans un univers fantasmatique, construit des récits grandioses dans lesquels il entraîne son entourage à adhérer.

Le psychopathe, quant à lui, capitalise sur cette mise en scène — sans scrupule, sans loyauté — pour en tirer un maximum de bénéfices.

Leur alliance ne repose pas sur une coopération authentique, mais sur une convergence d’intérêts personnels.

Le sadisme des psychopathes et l’auto-victimisation des narcissiques

Les narcissiques n’ont aucune conscience de leur propre cruauté.
Leur sadisme est masqué, diffus, enfoui sous des couches d’inconscience.
Ils ne se vivent pas comme des bourreaux, mais plutôt comme des architectes de chaos émotionnel.
Ils provoquent, blessent, manipulent — non pas pour jouir de la douleur infligée, mais pour alimenter un récit intérieur où ils occupent le rôle de la victime.
Ils poussent l’autre à bout, puis se présentent comme trahis, abandonnés, mal compris.

Chez le narcissique, narcissisme et victimisation ne font qu’un.
Il se construit dans la douleur qu’il provoque, tout en se proclamant le seul à souffrir.
Il est à la fois agresseur inconscient et victime autoproclamée.

Chez les psychopathes, en revanche, le sadisme est visible et revendiqué.
Souvenez-vous, leur psychopathie est le point de rencontre entre peur, pouvoir et sadisme.
Ils prennent un plaisir froid et calculé à manipuler, tromper, et faire souffrir.
Leur satisfaction réside dans le pouvoir absolu qu’ils exercent sur autrui.
La douleur de l’autre est pour eux un spectacle, une victoire, un jeu.
Il n’est pas rare de les voir sourire face à la souffrance qu’ils infligent.

Là où le narcissique se désigne comme victime de sa propre inconscience, le psychopathe, lui, fait des autres les victimes conscientes de ses stratégies malveillantes.
Voyons comment…

La psychopathie : une stratégie compensatoire

Il faut savoir que la psychopathie fonctionne comme une stratégie de survie.
Le psychopathe compense une anxiété latente par des comportements antisociaux et un état d’esprit défensif.
Il s’en remet à sa psychopathie pour se convaincre qu’il n’existe aucun danger, aucune menace, aucun risque réel.
C’est une forme d’auto-illusion : il projette vers le monde un message cohérent, répété comme un mantra – je suis invulnérable, intouchable, incontrôlable, terrifiant.
Mais ce message, en vérité, s’adresse d’abord à lui-même.
Il tente de se persuader qu’il n’a pas à avoir peur.
Il extériorise son anxiété pour ne pas être dévoré par elle.
La psychopathie est donc, fondamentalement, une réponse défensive à l’angoisse.

Le psychopathe est obsédé par le pouvoir

Mais il ne cherche pas le pouvoir par grandeur d’âme ou par ambition fantasmatique, comme le narcissique. Le narcissique se contente d’un sentiment subjectif de toute-puissance, souvent détaché de la réalité. Il vit dans ses illusions, protégé par un fantasme fragile qu’il défend bec et ongles. Si ce fantasme est remis en question, il entre en crise.

Le psychopathe, lui, reste ancré dans le réel.
Il conserve un examen de réalité intact.
Il utilise ses fantasmes non pas pour y croire, mais pour manipuler les autres, comme il le fait avec l’amour ou l’empathie froide. Pour lui, tout peut être outil.
Ce qui compte, ce sont les résultats.

Il recherche donc un pouvoir réel, concret, efficace. Car la peur, qui est son moteur, ne fonctionne que s’il a ce pouvoir. Le pouvoir de nuire, de punir, de briser. Lorsqu’il sent qu’il détient un tel pouvoir sur autrui, il sait qu’il peut susciter chez eux de la peur — et donc les contrôler.

Pour s’assurer qu’il détient bien ce pouvoir, le psychopathe inflige délibérément de la souffrance. Il teste ses victimes pour mesurer l’étendue de son emprise.
Jusqu’où peut-il aller ? Quelles sont leurs limites ?
S’il rencontre une résistance, il ajuste. Comme tout harceleur, il sait quand s’arrêter.
Il lit la peur dans les yeux de l’autre, et c’est cette peur — cette reconnaissance implicite de son pouvoir — qui le satisfait.

La logique est simple : il teste, il blesse, il observe les réactions.
Il apprend ainsi à calibrer sa stratégie. Ce n’est pas une cruauté gratuite.
Son sadisme est instrumental : il ne cherche pas la douleur pour elle-même, mais pour ce qu’elle révèle.
En blessant l’autre, le psychopathe apprend quel degré de pouvoir il possède, à quel point il peut aller loin, quelles personnes il peut manipuler ou non. C’est pour lui un outil de connaissance de soi, une forme d’auto-éducation et d’auto-illumination.

Là où d’autres utilisent des livres ou des expériences constructives pour grandir, le psychopathe utilise la douleur des autres comme matière première. Il affine, ajuste, perfectionne sa stratégie.
Plus il a d’expérience, plus il devient un expert du contrôle — un professionnel de la peur.
Sa compétence réside dans la maîtrise de la souffrance, du pouvoir, de la domination.
Et ses instruments, ce sont les gens.

Ce n’est donc pas du sadisme au sens clinique strict. Il ne prend pas plaisir à la douleur elle-même, comme un sadique sexuel.
Ce qu’il apprécie, c’est ce que cette douleur lui apprend sur lui-même.
Pour lui, faire du mal, c’est se perfectionner, devenir plus efficace, renforcer sa stratégie de survie.

Les narcissiques pathologiques et les personnalités psychopathes utilisent l’argent comme un outil de domination. C’est l’un des moyens les plus insidieux par lesquels ils exercent leur pouvoir sur autrui. Voyons comment.

La violence financière : une forme de contrôle invisible mais puissante

Aussi appelée violence économique, la violence financière est une forme d’abus souvent invisible, mais extrêmement puissante. Elle consiste à restreindre ou à manipuler l’accès d’une personne à l’argent ou aux ressources économiques, la rendant ainsi dépendante et accentuant sa vulnérabilité. Cette forme de violence peut se produire au sein du couple, de la famille ou même dans le cadre professionnel.

Des comportements violents ciblant la vie économique de la victime sont fréquemment présents, car ils s’avèrent particulièrement efficaces pour limiter ses choix à long terme et la contraindre dans tous les aspects de sa vie.

Ces formes de violence, souvent très subtiles, participent à l’emprise exercée par l’agresseur — psychopathe ou narcissique — qui s’approprie alors les décisions économiques de la victime, voire de l’ensemble de la famille. Cela crée une dépendance économique et compromet la capacité de la victime à subvenir à ses besoins essentiels, ainsi qu’à ceux de ses enfants ou de ses proches.

Dans une situation de violence économique, l’agresseur peut recourir à plusieurs stratégies pour instaurer une relation de pouvoir et maintenir la victime sous emprise :

1. Contrôler les dépenses et la gestion financière.

  • Ils critiquent les achats et ridiculisent la manière dont la victime gère son argent.

  • Ils surveillent les comptes personnels ou les relevés de carte de crédit.

  • Ils imposent leurs propres choix dans les décisions financières de la victime.

  • Ils contrôlent ou surveillent les dépenses, même minimes.

  • Ne contribuant pas aux charges communes, ils placent leur victime dans la position de tout devoir payer, au point que cette dernière peut s’appauvrir ou s’endetter.

  • Si leurs enfants leur demandent un prêt, ils hésitent à accepter même pour une toute petite somme, et peuvent exiger la signature d’un document pour officialiser la dette.

  • Ils n’offrent jamais rien spontanément : il y a toujours une transaction.

  • En revanche, ils peuvent accepter des cadeaux coûteux sans se sentir concernés, même lorsque la personne qui les offre dispose de peu de moyens.

2. Voler ou dissimuler de l’argent.

  • Ils prennent de l’argent liquide sans autorisation (sur un compte personnel ou professionnel).

  • Ils utilisent une carte bancaire (débit ou crédit) sans consentement.

  • Ils dépensent l’argent d’un compte commun sans respecter l’entente convenue.

  • Ils empruntent de l’argent sous de fausses excuses, sans intention de remboursement.

  • Ils exigent de l’argent sous la contrainte ou la menace (ex. : menace de séparation).

  • Ils volent ou détournent de l’argent ou des biens.

  • Si leur partenaire intime est dépendant(e) affectif(ve), ils lui permettent de payer toutes les dépenses, sans le moindre remords.

3. Usurper l’identité de la victime.

  • Ils utilisent des informations personnelles (date de naissance, nom de jeune fille de la mère, etc.) pour se faire passer pour elle.

  • Ils obtiennent des cartes de crédit à son nom, sans son consentement.

  • Ils contractent des dettes à son insu, notamment via des comptes communs.

  • Ils ouvrent ou utilisent un compte bancaire commun à son désavantage.

4. Limiter l’accès à l’information financière.

  • Ils mentent sur leur propre situation financière.

  • Ils cachent des revenus, en France ou à l’étranger.

  • Ils dissimulent ou détruisent des factures ou documents importants.

  • Ils refusent à la victime l’accès à ses propres revenus ou comptes bancaires.

  • Ils confisquent sa carte bancaire ou ses papiers d’identité.

5. Contrôler la vie professionnelle et économique de la victime.

  • Ils font pression pour qu’elle cesse de travailler ou réduise ses heures, en la culpabilisant ou sous prétexte de la protéger.

  • Ils empêchent son développement professionnel (refus d’études, interdiction de postuler, obligation de refuser des promotions).

  • Ils provoquent des tensions qui affectent son emploi (absentéisme, difficultés de concentration dues à la violence qu’ils exercent).

  • Ils la contraignent à travailler pour eux sans rémunération.

  • Ils exploitent les comptes communs pour lui transférer des dettes ou des impôts.

  • Ils sabotent ses efforts pour trouver ou garder un emploi.

  • Ils ne paient pas un salarié ou le font de façon systématiquement retardée.

  • Ils sous-paient délibérément en raison du sexe, de l’origine ou du statut.

  • Ils menacent de sanctions financières en cas de plainte ou de dénonciation.

  • Ils s’approprient sa pension ou ses allocations sans son consentement.

6. Utiliser l’argent pour contraindre la victime à rester dans la relation.

  • Ils menacent de couper les ressources financières si elle quitte la relation.

  • Ils peuvent aller jusqu’à quitter leur propre emploi pour ne pas rembourser les dettes communes ou l’argent emprunté.

  • Ils n’honorent pas les accords financiers passés. Parfois, aucun accord véritable n’est établi : ils imposent leur propre loi.

  • Ils persuadent la victime de mettre tous les revenus ou biens à leur nom, sous prétexte d’amour ou de confiance.

  • Ils imposent un budget extrêmement strict sans consultation ni justification.

  • Ils obligent la victime à signer des documents (procuration, contrats) sans l’informer, parfois sous menace explicite ou implicite.

Chacun de ces abus peut donner lieu à un recours juridique, permettant à la victime, avec l’aide d’un avocat, d’engager des poursuites contre son agresseur.

Leur incapacité à partager et leur paranoïa

Partager donne du sens à la vie, non pas pour des raisons morales, religieuses ou philosophiques, mais parce que le partage fonctionne. C’est une stratégie efficace, confirmée par des disciplines comme la théorie des jeux, qui montrent que la coopération donne de meilleurs résultats pour tous. Ne pas partager, au contraire, mène souvent à des situations négatives, liées à la peur ou à la méfiance.

Le partage est une transaction de base, un fondement essentiel de toutes les formes de coopération, qu’elles soient personnelles, sociales ou même biologiques. Pour partager, il faut reconnaître l’autre comme un être distinct.

Cela dit, l’égoïsme implique l’incapacité à percevoir l’extériorité et la séparation des autres, que certaines écoles de psychologie appellent des objets. Pour partager, il faut un partenaire de partage. Il faut un récipiendaire de ce que l’on partage, quelqu’un qui, on l’espère, rendra la pareille. Le partage est donc transactionnel.

Il ne faut pas le glamouriser ni le glorifier — car le partage est, en réalité, une forme primitive de transaction. Primitive dans le sens où c’est un fondement, un pilier de toutes les formes de coopération et de collaboration plus complexes, non seulement au niveau individuel mais aussi au niveau collectif, au niveau de l’espèce, etc.

Donc, quand les gens ne partagent pas, il y a un problème — un problème psychologique, une pathologie, ou un problème social ou culturel. Dans tous les cas, c’est une pathologie à plusieurs niveaux.

Sur le plan psychologique, l’égoïsme, l’égocentrisme, l’exclusion des autres, leur rejet, le refus de partager quoi que ce soit — cette mentalité du « preneur jamais donneur », du « gagnant/perdant », cette vision de la vie comme une jungle, où c’est le règne du plus fort, où « le chien mange le chien », où le monde est hostile, où les gens sont mauvais — tout cela est de l’ordre du délire paranoïaque. Ce n’est pas ancré dans la réalité. C’est même contraire aux faits.

Ainsi, l’égoïsme est une forme d’incapacité. C’est une invalidité. Ce sont des personnes handicapées dans leur perception, parce qu’elles ne peuvent pas concevoir les autres comme des agents indépendants, autonomes. Elles ne peuvent pas les percevoir comme extérieurs et séparés. Il y a une absence de représentation mentale d’autrui, ce qui empêche l’individu de les voir comme de potentiels partenaires de partage.

Dans le narcissisme pathologique, et dans une moindre mesure la psychopathie, les autres sont transformés en objets internes. Ils n’existent plus en tant qu’êtres extérieurs. Le partage devient donc impossible, car on ne partage pas avec des objets internes. On partage avec l’environnement extérieur. On ne partage pas avec ses propres objets mentaux internes, on partage avec les vraies personnes qui ont donné naissance à ces objets internes.

Quand l’objet du soi est une représentation aliénée, dépersonnalisée, immature de l’autre, quand le soi est désintégré, non constitué, alors le partage devient très difficile. Toutes les ressources sont tournées vers l’intérieur, dans une tentative désespérée de maintenir une forme d’équilibre ou de survie.

Les personnes saines ont, bien sûr, des moments de solipsisme. Des moments où elles ne perçoivent plus vraiment les autres comme séparés d’elles. Des moments de solitude extrême, où la réalité semble se rétracter autour de soi. Mais chez les narcissiques et les psychopathes, cet état de solipsisme est permanent. Pour eux, il n’y a pas d’autres personnes.

Le narcissique croit que tous les autres ne sont que des créations de son propre esprit, des personnages fictifs dans un film dont il est le réalisateur et le producteur, ou dans une pièce de théâtre mentale. Tout est intériorisé.

Pour le narcissique, il n’y a pas de partage, parce qu’il n’y a personne avec qui partager. Et l’ironie, c’est que chez le narcissique, il n’y a même pas de « lui » non plus. C’est une absence déguisée en présence. Le narcissique projette cela, l’extériorise, et en vient à croire qu’il n’existe pas d’autres personnes. Et quand il n’y a pas d’autres personnes, quand le narcissique est, selon lui, le seul être conscient et sensible dans tout l’univers, le partage n’est même plus envisageable.

Il en va de même, en grande partie, pour le psychopathe. Le psychopathe voit les autres comme des objets, des instruments, des outils, des moyens d’atteindre un but — pas comme des équivalents, pas comme d’autres organismes dotés de psychologie propre, de souhaits, de préférences, de rêves, d’espoirs, etc.

Ces deux types de personnes — le psychopathe qui chosifie et instrumentalise les autres, et le narcissique qui introjecte et internalise les autres — sont incapables de les percevoir. Incapables de percevoir leur existence, leur extériorité, leur séparation. Et, normalement, incapables de partager.

Explorons maintenant leurs stratégies de manipulation.

Leurs différences dans la manipulation et le gaslighting

Le gaslighting est une forme de manipulation insidieuse, un véritable décervelage hypnotique. Il ne s’agit pas seulement de mentir, mais de semer le doute profond dans l’esprit de l’autre — sur sa mémoire, son jugement, ses perceptions, et jusqu’à la validité même de son expérience intérieure. C’est un poison lent qui efface progressivement la frontière entre le réel et l’imaginaire.

Ce processus plonge la victime dans une confusion extrême, détruit sa confiance en elle, et la rend totalement dépendante de son agresseur.
À terme, le gaslighting peut la précipiter dans des états de déréalisation, de dépersonnalisation, ainsi que dans des troubles anxieux et dépressifs sévères.

Chez la plupart des psychopathes, majoritairement masculins, le gaslighting est une arme stratégique.
Ils savent exactement ce qu’ils font.
Leur manipulation est méthodique, froide, délibérée.
Ils déforment la réalité intérieure de leur victime pour mieux la posséder, la contrôler, voire l’extorquer.
Ils mentent, nient, inversent les faits sans relâche, jusqu’à ce que la victime doute au point de ne plus savoir si elle a rêvé ou vécu, si elle est victime d’une illusion ou d’une trahison.
Leur objectif est clair : dominer — faire de la victime un territoire conquis, une conscience occupée et soumise.

Les narcissiques, eux, pratiquent aussi ce décervelage hypnotique — mais à leur insu.
Leurs distorsions cognitives ne sont pas toujours des manœuvres conscientes.
Elles sont les conséquences de leur propre illusion intérieure.
Pris dans leur fantasme partagé, ils modifient la réalité qui les entoure pour la faire correspondre à leur narration personnelle.
Ils nient ce qui les dérange, réécrivent les événements, attribuent à l’autre des intentions inexistantes.
Non par malveillance pure, mais parce que leur équilibre psychique en dépend, et qu’ils doivent à tout prix préserver leur image idéale.

Les psychopathes et les narcissiques sont machiavéliques

En d’autres termes, ils manipulent les gens — mais à des fins différentes.

Le narcissique pathologique cherche avant tout à faire de vous sa source d’approvisionnement narcissique.
Bien sûr, il peut profiter de votre sexe, des services que vous lui rendez, ou de votre simple présence qui lui insuffle un sentiment de sécurité. Vous êtes amené(e) à endosser de nombreux rôles.
Mais ce dont il a réellement besoin, c’est de cette provision narcissique que vous pouvez lui offrir, car elle lui permet de renforcer et maintenir son image de soi : cette perception grandiose, gonflée et fantastique de lui-même.
Tout ce qu’il fait, ou ce qu’il choisit de ne pas faire, vise à assurer un flux constant et régulier de cette alimentation narcissique.

Le psychopathe, lui, est plus versatile.
Il est focalisé sur un objectif précis : argent, sexe, pouvoir, accès, ou toute autre forme de bénéfice. Son répertoire de manipulations est donc beaucoup plus large.
Mais il existe une différence fondamentale entre les deux :

  • Le psychopathe déforme votre perception de la réalité extérieure en manipulant votre réalité intérieure.

  • Le narcissique déforme votre perception de votre réalité intérieure en manipulant votre réalité extérieure.

Le psychopathe vise à déformer votre perception du monde autour de vous.
Il cherche à vous faire douter de votre propre jugement sur ce qui est réel.
Il veut que vous vous sentiez désorienté(e), disloqué(e), poussé(e) à activer des mécanismes défensifs dissociatifs.
Son but est de vous isoler du monde, de vous éloigner de votre environnement, de votre cercle social — pour mieux exercer sur vous un contrôle total, qui lui permettra d’atteindre ses objectifs.

Mais comment fait-il ?
Comment parvient-il à vous séparer de votre perception de la réalité, à vous faire douter de votre capacité à distinguer le vrai du faux, le réel de l’illusoire ?

Le psychopathe vous pousse à bout, exploite vos vulnérabilités, perce votre armure psychique.

Il lave le cerveau, d’une certaine manière.
Il utilise les failles, les faiblesses, les défauts, les blessures psychologiques qui existent en vous pour vous faire douter de vos propres sens.
Il vous fait méfier des informations venant de votre environnement, vous pousse à remettre en question tout ce que vous vivez et toutes les personnes qui vous entourent.

Ainsi, vous en venez à faire du psychopathe la seule présence stable dans votre vie — la seule personne en qui vous avez confiance, le seul rocher sur lequel vous pouvez vous appuyer, la seule épaule sur laquelle pleurer.

C’est ainsi qu’il manipule votre réalité intérieure pour déformer votre perception de la réalité extérieure. Voici une excellente définition du gaslighting. Pour plus d’information, lisez cet article en cliquant sur le titre : Le gaslighting.

Le narcissique fait exactement le contraire du psychopathe

Alors que le psychopathe manipule votre réalité extérieure pour vous isoler et vous rendre dépendant, le narcissique déforme votre perception de votre réalité intérieure.

Il s’infiltre dans votre esprit, installe une représentation idéalisée de lui-même dans votre pensée, s’empare de votre esprit. Vous lui confiez inconsciemment des fonctions essentielles, comme celles de l’ego.

Par cette prise de contrôle hostile, par cette fusion symbiotique forcée, le narcissique vous fait régresser. Il vous infantilise, vous réduit à un état de nourrisson ou de petit enfant sans défense.

Le narcissique détruit votre identité psychique inconsciemment :

  • Il cherche à effacer votre identité séparée et distincte.

  • À nier votre existence propre, votre altérité et vos limites.

  • À vous priver de votre libre arbitre, de votre autonomie et de votre indépendance.

Une fois cela accompli, il manipule ensuite votre réalité extérieure.
Vous êtes alors vulnérable, brisé(e), disponible pour participer à son fantasme partagé.
Vous vous mentez à vous-même en croyant que ce fantasme est la réalité.
Vous devenez délirant(e) face à son « paracosme », sa réalité alternative.
En somme, le narcissique joue avec votre esprit, le colonise, le contrôle, afin de détruire votre capacité à tester la réalité, à la jauger correctement.

Les conséquences diffèrent, mais l’issue semble parfois similaire.

Pour la victime, les effets peuvent sembler semblables, mais les processus sont très différents.

Avec le narcissique, les dommages sont plus profonds, étendus, parfois à vie. Il s’agit d’un traumatisme complexe, intime, de nature psychique. Il cherche à vous absorber, à prendre le dessus, à vous submerger et vous consommer au point qu’il ne reste presque rien de votre véritable identité.

Avec le psychopathe, les préjudices sont souvent d’origine externe : pertes financières, abus sexuels, isolement social. Le psychopathe se concentre sur des résultats superficiels et visibles.

  • Pour vous rendre soumis(e) et docile le psychopathe manipule votre réalité extérieure, vous rendant dépendant de lui.

  • Le narcissique, lui, manipule votre réalité intérieure, réarrange votre esprit, et vous perdez contact avec ce qui est réel. Vous devenez alors dépendant de lui comme seule référence de la réalité.

Conséquences psycho-émotionnelles

Après un abus psychopathique, la victime souffre d’un trouble de stress post-traumatique : c’est comme si elle avait subi une catastrophe naturelle, un accident. Elle en présente nombreux symptômes de ce trouble.

Après un abus narcissique, la victime est dépouillée de son identité d’adulte, elle vit dans un état de régression infantile. Elle n’est plus elle-même, elle est devenue une extension du narcissique, et elle est prisonnière d’un scénario qu’elle ne contrôle plus.

L’abus narcissique est une forme de maltraitance qui touche toutes les strates de la conscience – psychologique, émotionnelle, physique, sexuelle, sociale, familiale, éducative, domestique, verbale, professionnelle, juridique et financière.
C’est la seule forme d’abus capable d’impacter simultanément tous ces aspects de la vie d’une personne. En comparaison, les autres types d’abus n’en affectent généralement qu’un ou deux.

Le fait que l’abus narcissique vous a transformé(e), que vous ne serez plus jamais exactement la même personne, que vous étiez modifié(e) d’une manière aliénante, que vous vous sentiez étranger(ère) à vous-même… Rien de tout cela ne signifie que vous ne pouvez pas vous rétablir. Vous pouvez vous remettre complètement d’un abus narcissique. Le pronostic est excellent. Il est possible de guérir, et même de devenir une personne plus sage, plus consciente de ses limitations et ses qualités.

C’est pourquoi la reconstruction après un abus narcissique est un travail de désintrojection de son abuseur, ainsi que de restructuration de son identité.

Mise en garde : la société classe les narcissiques en deux catégories

Le professeur San Vaknin est consterné par la tendance à idéaliser certains narcissiques « utiles », « admirables » ou « puissants ». On voit des victimes critiquer, haïr certains narcissiques, tout en admirant d’autres qui réussissent socialement, richement ou professionnellement. Mais la vérité est que, malgré les apparences, tous les narcissiques peuvent causer des dommages profonds, même s’ils les manifestent différemment.

1. Les narcissiques banals
De point de vue de la société, il y a les narcissiques banals que ce sont des monstres : ils sont mauvais, et ils doivent être extirpés et ils doivent être anéantis, éliminés et incarcérés. Ce sont les narcissiques que la société considère comme des monstres.

2. L’élite des narcissiques
Ce sont les narcissiques superriches, les narcissiques superpuissants, les narcissiques super-accomplis, qui gèrent des relations publiques. En raison de leur image ils sont admirés et adorés, comme des gourous, des intellectuels publics, etc.

Et ces narcissiques, pour une raison ou une autre, sont spéciaux. Ils ont le droit d’être grandioses et d’abuser des autres. Ils sont acceptés et pardonnés en raison de leurs prétendues contributions réelles à la société.

La grandeur de ces narcissiques n’est pas perçue comme fantastique, car elle est fondée sur des réalisations de la vie réelle. Leurs réussites, réelles ou imaginaires d’ailleurs, leur donnent le droit d’abuser des autres et d’être pardonnés.

Cette distinction entre « bons » narcissiques et « mauvais » narcissiques est particulièrement néfaste pour les victimes.

  • Elle facilite l’accès de ces narcissiques élitistes à la psyché des victimes.

  • Elle crée un terrain propice à la manipulation et au contrôle psychologique.

De plus, la plupart de ces narcissiques « accomplis » sont en réalité des narcissiques psychopathes.
Les conséquences de leur abus sont les mêmes : confusion mentale, perte de repères, déréalisation et dépersonnalisation.
Mais là où le psychopathe en eux cherche à décerveler la victime pour la dominer et en tirer profit, le narcissique en eux le fait pour préserver un monde imaginaire fragile.
Chez l’un, c’est une stratégie de prédation ; chez l’autre, un mécanisme de défense inconscient contre l’effondrement de l’identité. En somme, leur psychopathie instrumentalise la victime ; leur narcissisme la déforme pour survivre à leur propre vide.

Leur contrôle quand la dynamique de couple se termine

Comme on l’a vu, le narcissique idéalise son partenaire intime pour aimer et idéaliser sa propre image — son propre reflet dans les yeux de l’autre. Il régit de manière compulsive, poussé par la mécanique inexorable du fantasme partagé. Dans la dernière phase de ce fantasme, il abandonne sa partenaire intime et passe immédiatement à une autre cible.

Éventuellement, il peut faire une relance narcissique, appelée hoovering, lorsqu’il n’a pas complété réellement le cycle du fantasme partagé. Dans ce cas, il devient harceleur au sein d’un fantasme partagé encore actif. Il traque sa partenaire tant que celle-ci lui donne de l’espoir. Pour lui, ce fantasme partagé est une réalité. Mais le narcissique juge mal l’intensité, la profondeur, l’engagement et les motivations de l’autre partie, parce qu’il devient pseudo-stupide et crédule face à son propre fantasme partagé.

Tant que le/la partenaire intime reste à vivre avec lui ou continue de l’appeler, d’essayer de communiquer avec lui, il lui dira implicitement : « Tant que tu me donnes de l’espoir, je te poursuivrai. Je continuerai à venir pour te convaincre de continuer la relation ou à te contraindre à revenir à mon fantasme partagé. »
Mais à la minute où le narcissique se sent vraiment humilié, voire mortifié par le rejet de cette personne, et qu’il comprend que c’est fini, il doit passer à autre chose avec empressement, car il ne peut pas survivre une seconde sans un fantasme partagé. Il cherche alors une autre cible. Une fois que la mortification lui est apparue clairement, le fantasme est mort.

Il existe de nombreuses façons de mortifier un narcissique :
L’une des façons les plus courantes est de le tromper. Lorsque le narcissique est blessé et mortifié, il dévalorise la personne qui l’a blessé. Il utilise alors le mécanisme de défense infantile du clivage, qui consiste à faire de l’autre personne un « mauvais objet », tandis qu’il se voit comme un « bon objet ». Il utilise cette défense infantile pour faire de sa partenaire l’exact opposé de sa version autrefois idéalisée.

Le psychopathe agit exactement dans le sens opposé

Le psychopathe planifie, construit et s’installe dans votre vie. Et lorsque son fantasme partagé tombe à l’eau, il refuse de l’accepter. Il ne passe pas à autre chose : il s’obstine. Il refuse de lâcher prise, même lorsque la relation est morte, ou n’a jamais véritablement existé ailleurs que dans son esprit. Car son obsession ne vise pas seulement une personne, mais un but : la possession sans faille. Il devient alors un harceleur à long terme.

Il crée un fantasme partagé, car grâce à celui-ci, il peut obtenir ce qu’il veut : sexe, pouvoir, argent, l’accès aux contacts, à une activité, etc. Si sa proie souhaite terminer avec cette relation qui n’est pas une, il la traquera même après que le fantasme partagé est effacé. Il est provocateur, donc il lui dira : « C’est moi qui déciderai quand ce fantasme partagé prendra fin, pas toi. »

Le psychopathe fait tout : il crée une simulation, une matrice dans laquelle ses victimes réagissent exactement comme il le souhaite ; elles doivent favoriser ses buts et ses objectifs.
Il n’accepte pas un refus. Et c’est pourquoi les psychopathes sont très dangereux, bien plus dangereux en tant que partenaires intimes que les narcissiques.

L’instabilité de leurs comportements

Aujourd’hui, les psychopathes suscitent la peur et exercent leur pouvoir de toutes les manières possibles.
Certains sont agressifs, d’autres passifs-agressifs. Certains menacent, d’autres manipulent. Certains se montrent sournois, d'autres ostentatoires.
Certains se vantent de leurs méfaits, tandis que d'autres feignent les remords, l’humilité ou la moralité.
Parfois, ils « font le mort » : ils simulent la terreur, l’introspection, le changement. Ils adoptent l’attitude du repenti, comme s’ils avaient été transformés par leurs erreurs ou corrigés par l’intervention d’un tiers.

Mais cette stratégie du « mort-vivant » est la plus pernicieuse. Car derrière cette façade de soumission ou de réforme, le psychopathe prépare sa prochaine attaque.
Il anticipe, il observe, il planifie.

Le psychopathe est un caméléon comportemental. Il ne reste jamais figé dans un seul mode d’action. Dans un contexte donné, il peut être violent et direct — par exemple pour extorquer une vieille dame. Dans un autre, comme en prison, il peut adopter une posture soumise ou passive-agressive. Son comportement dépend entièrement de l’environnement.
Le contexte détermine le dosage entre peur, pouvoir et sadisme. Ces trois éléments forment un cocktail dont il ajuste les proportions selon les circonstances.

Mais une constante demeure : le seul langage que comprend le psychopathe, c’est la peur.

L’amour ne signifie rien pour lui.
L’intimité, l’affection, l’amitié, la loyauté — ce sont pour lui des abstractions vides de sens. Ces formes de communication émotionnelle sont incompréhensibles.
Le psychopathe n’est sensible qu’à un seul signal : la menace. Ce n’est qu’en ressentant un danger réel pour lui-même qu’il modifie son comportement.

Si vous voulez influencer un psychopathe, le raisonner ou le contenir, vous devez parler son langage :
Le langage du pouvoir.
Le langage de la peur.

Sachez cependant qu’il peut simuler la peur pour vous manipuler. Et si c’est le cas, vous le découvrirez tôt ou tard — parce qu’il frappera à nouveau.
Mais s’il ressent vraiment la peur, il se taira, reculera ou disparaîtra.
Il n’y a pas d’alternative. Il n’existe aucun autre moyen de dissuasion.

Donc, si vous êtes contraint d’interagir avec un psychopathe — pour vous protéger ou éviter des comportements dangereux — vous devrez parler sans hésitation ce langage brutal :
« Je peux te faire du mal. Je le ferai si nécessaire. Je suis plus dangereux que toi. Je suis plus imprévisible que toi. Tu n’as aucun pouvoir sur moi. »

Car dans l’univers mental du psychopathe, la peur est sûre, l’amour ne l’est pas.

Voyons maintenant comme Sam Vaknin décrit les similitudes entre psychopathes et narcissiques, en évoquant la chasse.

Les narcissiques et les psychopathes agissent comme des chasseurs

Dans leur contexte traditionnel, les chasseurs étaient des prédateurs. Ils agissaient en groupe et développaient une forme particulière d’empathie : une empathie froide, purement cognitive, qui leur permettait de se glisser mentalement dans la peau de leurs proies.

Ce type d’empathie, dénuée d’émotion, leur donnait la capacité de comprendre les réactions des animaux, d’anticiper leurs mouvements et de prédire leurs comportements. En quelque sorte, ils ne faisaient plus qu’un avec eux, adoptaient leurs instincts pour mieux les traquer. Cette fusion stratégique les amenait à choisir avec précision des endroits d’attente, guettant patiemment le moment où les proies franchiraient leur chemin, afin de les abattre efficacement.

Ce processus d’empathie avec les proies, dans un environnement collectif, permettait une coordination au sein du groupe, chaque membre ajustant son comportement en fonction des intentions partagées. Ainsi, la chasse individuelle se transformait en une chasse collective. La communauté de chasseurs faisait émerger un esprit collectif, condition préalable à ce que la psychologie appelle l’espace intersubjectif collectif.

Le professeur Sam Vaknin affirme que l’empathie est née de la chasse, une activité foncièrement non empathique – voire dés-empathique – et que cette empathie était dirigée vers la proie plutôt que vers les autres humains. C’est d’ailleurs exactement ce que l’on observe chez les narcissiques et les psychopathes.

Pour expliquer son point de vue, Sam Vaknin cite un extrait d’un ouvrage remarquable intitulé A History of the World, de l’écrivain écossais Andrew Marr. Cet auteur écrit dans son livre que les chasseurs fusionnaient mentalement avec les animaux qu’ils poursuivaient.

Voici ce qu’il dit :
« Nous savons aussi que les sociétés agricoles plus tardives vénéraient des divinités associées à leur survie – des dieux de la pluie, de l’eau, du soleil, du maïs. Il semble donc probable que les sociétés de chasseurs-cueilleurs accordaient une place spéciale aux éléments de la nature dont elles dépendaient le plus : les animaux qu’elles tuaient et ceux dont elles se servaient.

Les chasseurs-cueilleurs actuels tendent à témoigner du respect et un intérêt attentif pour les oiseaux et les animaux dont ils vivent. Les chasseurs africains, par exemple, sont connus pour imiter les animaux qu’ils poursuivent, afin d’entrer dans leur manière de penser. Il est fort probable que les peintures rupestres représentant divers animaux aient une origine similaire. »

Voilà donc ce qu’Andrew Marr avance, en se basant sur de nombreuses études citées dans son livre : il y aurait eu une forme de mimétisme impliquée dans cette relation avec l’animal.
Le chasseur devenait l’animal – du moins pendant un moment – afin d’accéder à l’esprit de sa proie. Le chasseur était l’animal. Il se transformait en l’animal qu’il traquait.
C’est la forme ultime, la plus pure, de l’empathie froide.

Les narcissiques et les psychopathes font exactement la même chose. Ils considèrent les autres êtres humains comme des proies, exactement comme le chasseur considère son gibier.
Les psychopathes, en particulier – mais les narcissiques également – perçoivent les autres comme des outils, des extensions, des instruments à utiliser. Et ils les chassent. La chasse est une composante essentielle du narcissisme pathologique et de la psychopathie. Et dans ce processus de prédation, le narcissique et le psychopathe mobilisent une compétence bien particulière : celle de l’empathie froide.

L’empathie froide : une empathie réflexive, cognitive

Ce terme – empathie froide – est une expression que le professeur Sam Vaknin a inventée pour désigner la combinaison de l’empathie réflexive et de l’empathie cognitive, mais sans sa composante affective. Aucune émotion n’entre en jeu.

Lorsque le psychopathe et le narcissique empathisent avec les autres, ils résonnent avec eux, les décodent, les déchiffrent, les comprennent et les perçoivent entièrement. Ils se glissent dans leur peau, dans leurs pensées, parfois même mieux que ne le feraient des personnes dites normales ou en bonne santé psychique.

Et pourtant, rien de tout cela ne suscite en eux la moindre résonance émotionnelle. Il n’y a aucune identification affective avec autrui. L’empathie froide est donc véritablement froide, et les gens sont perçus comme une forme de proie. Les narcissiques et les psychopathes ont une nature instinctivement – ou réflexivement – prédatrice.

Mais alors, comment le narcissique, comment le psychopathe réussit-il à faire preuve d’empathie froide envers les autres ?

De la même façon qu’il y a un abîme entre le chasseur et l’animal, il y a un véritable fossé, un abîme entre le narcissique ou le psychopathe et les personnes en bonne santé psychologique qu’ils traquent.

La proie du narcissique, la cible ou la victime du psychopathe, est généralement très différente, psychologiquement et psycho-dynamiquement, de celui qui la chasse. On pourrait presque dire qu’ils appartiennent à deux espèces distinctes.

Alors, comment une forme d’empathie froide peut-elle être possible dans un tel contexte de chasse ? Que l’on parle de la traque d’un animal ou de celle d’un être humain, comment, en principe, une telle empathie peut-elle exister ?
Eh bien, il existe quatre piliers, quatre fondations qui rendent possible l’émergence de cette empathie froide :

Le premier pilier est un arrière-plan commun :
Dans la chasse classique, l’humain chasseur et l’animal traqué partagent plusieurs éléments. Ils ressentent tous deux la peur, évoluent dans le même environnement physique, et finissent par se mimer mutuellement – surtout le chasseur qui imite l’animal.
Il existe donc des points de convergence, une certaine proximité.

De la même manière, les narcissiques et les psychopathes – en particulier les narcissiques – ont beaucoup en commun avec leurs victimes. Ils partagent un même passé : une enfance difficile, une famille dysfonctionnelle, des traumatismes précoces ou des expériences marquées par la maltraitance.

Les victimes de narcissiques et les narcissiques eux-mêmes proviennent d’environnements familiaux similaires, voire identiques. C’est pourquoi ils se connaissent intimement dès leur première rencontre.

Il y a de l’intimité entre le chasseur et sa proie, entre le narcissique et sa victime, entre le psychopathe et sa cible, entre le prédateur et sa proie, et enfin, entre un tueur en série et ses victimes. Ce type d’intimité est extrême, intense, profond, totalisant. Rien ne s’en rapproche. Et cette intimité se fonde sur des éléments communs : un passé partagé, un environnement semblable, des effets psychologiques similaires.

Le deuxième pilier est l’hypervigilance nuancée :
On parle ici des processus psychologiques qui rendent possible l’émergence de l’empathie froide. Malgré les différences entre le chasseur et sa proie, il existe des points communs qui permettent à une forme d’empathie – aussi limitée, dénuée d’émotion ou froide soit-elle – de voir le jour.

Les chasseurs – psychopathes et narcissiques – sont attentifs à la moindre subtilité, aux nuances les plus ténues dans le langage corporel, les expressions du visage, les micro-expressions, le ton, les gestes. Leur capacité d’accordage est immense. Elle est poussée à l’extrême. Elle frôle l’hypervigilance pathologique.

Le troisième pilier est la concentration de l’attention :
Le narcissique, le psychopathe, tout comme le chasseur, scannent leur proie. Ils l’observent en détail, de manière méthodique, perçante, exhaustive. Leur attention est extrême, presque surhumaine. Elle est focalisée comme un rayon laser. C’est pour cela que tant de victimes décrivent le regard du narcissique pathologique comme une sorte de faisceau paralysant, semblable à la lumière d’un phare qui immobilise un animal sur une route.

Ce focus attentionnel, combiné à l’hypervigilance, permet de cartographier la victime : créer une représentation mentale détaillée de ses failles, de ses vulnérabilités, de ses points d’entrée, de tout ce qui peut être exploité, manipulé, pénétré. Ce processus mène à la capture de la victime, à sa prise de possession, puis à son instrumentalisation et à son abus.

Le quatrième pilier est le fantasme partagé
La victime et le chasseur, la proie et le prédateur, la victime et le narcissique, la victime et le psychopathe, partagent le même fantasme, qui peut être partagé ou simplement imposé.

Par exemple, lorsque le psychopathe présente son fantasme partagé à sa victime ou à sa proie, il est pleinement conscient qu’il s’agit d’un fantasme. Sa capacité à distinguer le réel de l’imaginaire est intacte. Pourtant, il est émotionnellement investi dans ce fantasme, car il le considère comme le moyen par lequel il va atteindre ses objectifs.

Que le fantasme soit partagé avec la victime ou qu’il soit empreint d’émotions extrêmement intenses, de désirs puissants, voire d’agressivité, comme dans le cas des narcissiques, il est toujours présent. Même entre le chasseur et l’animal, il existe une interaction délicate, essentiellement narrative, qui est en réalité une forme de fantasme.

Pour approfondir cette idée, Sam Vaknin recommande la lecture de Moby-Dick, qui est essentiellement le récit intime d’une expédition de chasse à la baleine. Le chasseur et l’animal développent un lien, une forme d’attachement narratif. C’est une histoire qui se déroule, dans laquelle chacun a un rôle.

Il en va de même pour le narcissique et son partenaire intime, le narcissique et sa source d’approvisionnement psychique, ou le psychopathe et sa victime. Dans les deux situations, chacun est, à des degrés divers, immergé dans un espace fantastique, un espace où se déploie une narration, une fiction.

Il y a une intimité entre le chasseur et l’animal, une sorte d’attachement, un lien. Ils sont liés et développent une relation intime dans laquelle l’animal devient la raison d’être du chasseur, tandis que le chasseur représente la mort de l’animal. La vie et la mort, ces forces fondamentales et profondes, sont les piliers de l’existence, les moteurs de l’univers – pas seulement selon Freud. C’est ce jeu de rôle, pour ainsi dire, qui sous-tend tout cela.

Il est clair que l’empathie froide est associée à un processus de chasse.
Elle émerge clairement de l’interaction entre prédateur et proie.

Cependant, l’empathie, même lorsqu’elle est affective et émotionnelle, possède des aspects prédateurs. Par exemple, l’empathie affective est saine et normale entre deux personnes, lorsqu’il y a une forme d’appropriation de l’autre, une sorte d’annexion, une digestion de l’autre. L’empathie implique toujours une forme de prise sur l’autre. Quand vous faites preuve d’empathie envers quelqu’un, vous l’engloutissez, vous le digérez, vous l’expérimentez à travers votre propre esprit. Ainsi, vous lui refusez en quelque sorte une existence distincte.

Le professeur Sam Vaknin conclut : c’est une excellente façon de résumer et de décrire ce qu’est vraiment la chasse.

Note de Prabhã Calderón

J’espère que la sélection de vidéos académiques de Sam Vaknin que je vous ai proposée, ainsi que mes résumés, vous a apporté un éclairage utile sur le sujet. Je vous invite à présent à poursuivre avec un travail plus personnel : un chemin d’introspection profonde, que j’appelle la Déshypnose Identitaire.

Il est essentiel de ne pas minimiser l’impact qu’un narcissique pathologique – ou un psychopathe – a pu avoir sur votre équilibre mental, émotionnel et relationnel. Comprendre vos propres réactions face à cette personne constitue une première étape vers la libération.

Connaître les dynamiques psychiques des narcissiques et psychopathes est une forme de protection. Mais c’est en comprenant vos propres mécanismes intérieurs, ainsi que ce que cette relation a réveillé ou modifié en vous, que vous accédez à une véritable transformation.

Je vous propose de relire cet article avec une intention nouvelle. Chaque fois qu’un paragraphe résonne avec votre vécu, prenez le temps d’en faire une pause réflexive, et consignez deux éléments clés dans un cahier dédié à votre introspection :

  • Sur la page de gauche, notez-les faits concrets : les comportements, les messages, les attitudes ou les gestes de l’abuseur qui vous a blessé (e) ou déstabilisé (e).

  • Sur la page de droite, écrivez vos réactions : vos émotions, vos pensées, vos ressentis, exprimés avec sincérité.

Ce travail vous permettra d’amorcer une introspection profonde, lucide, parfois douloureuse, mais toujours salutaire. Accordez-vous du temps. Offrez-vous l’espace d’écrire, non pour ressasser, mais pour déposer. Pour comprendre, mettre des mots, relier les faits, identifier les schémas. Et surtout : pour retrouver du sens dans ce que vous avez vécu.

L’écriture comme outil de libération

L’écriture permet de dissiper le brouillard mental et émotionnel imposé par la manipulation narcissique. Elle vous aide à vous réapproprier votre histoire, à reprendre le fil de votre vie.

En développant une compréhension approfondie, à la fois des comportements et des motivations du narcissique, mais aussi de votre propre fonctionnement psychique, vous entrez dans un véritable processus de désintrojection : celui de l’image du narcissique et de ses messages destructeurs, longtemps absorbés et intériorisés comme s’ils étaient les vôtres.

Il est essentiel d’identifier et de faire taire cette voix hostile et critique dans votre esprit – celle que vous avez inconsciemment introjectée (avalée), incorporée (intégrée), et intériorisée (confondue avec vous-même).
Pour approfondir ce travail, je vous invite à lire l’article intitulé « La déshypnose des objets internes ».

L’importance du Zéro Contact

Il est tout aussi crucial de mettre en place une stratégie de zéro contact avec la personne narcissique ou psychopathe, afin de rompre définitivement le lien toxique. Pour cela, vous pouvez consulter l’article : « Quitter un narcissique pathologique ».

Le travail intérieur ne s’arrête pas là

Ce processus vous amène également à explorer votre propre identité – peut-être façonnée depuis l’enfance par une dépendance affective, une blessure d’abandon, ou un besoin profond de reconnaissance. C’est précisément ici que commence la Déshypnose Identitaire.

La Déshypnose Identitaire

Elle vous aide à sortir de l’état de brouillage intérieur dans lequel vous avez peut-être été maintenu(e) durant des années. Elle vous permet de restaurer votre autonomie, de rétablir votre souveraineté psychique, et de vous reconnecter à la voix profonde, stable et authentique de votre être véritable.

Se réapproprier sa vie

Vous pouvez retrouver votre ancrage dans la réalité en vous engageant dans ce travail d’introspection. L’objectif est de consolider une identité mature, alignée, libre de toute influence toxique.
Pour approfondir cette démarche, consultez l’article « L’introspection ».

Si vous ressentez encore les effets traumatiques d’un abus narcissique ou psychopathique, je vous encourage à entreprendre un véritable voyage intérieur pour vous libérer des chaînes invisibles du passé.

Guérir des blessures laissées par une telle relation, c’est se réapproprier sa vie, restaurer son intégrité, et créer un environnement sain, loin de toute influence destructrice – loin de la personne qui a voulu vous éteindre, vous contrôler, voire vous annihiler.

Vers une renaissance intérieure

Grâce aux outils que je mets à votre disposition, vous pourrez progressivement déconstruire les schémas toxiques qui vous ont enfermé(e), afin de renaître pleinement à vous-même.
Cette aventure intérieure vous conduira à un éveil profond, à l’écoute de votre être authentique, pour enfin vivre dans la sérénité, la joie d’être, et l’amour inconditionnel – libre de tout objet extérieur.

Avec vous sur ce chemin,
Prabhã Calderón