Psychopathes vs narcissiques - leurs différences essentielles

9 juil. 2025

Quelles distinctions peut-on établir entre les narcissiques et les psychopathes ? Leur pensée, à la fois automatique et pathologique, trouve souvent son origine dans un dysfonctionnement neurologique — non détecté encore — et dans des traumatismes vécus durant l’enfance. Il n’est pas toujours facile de les différencier, tant leurs croyances, leurs choix, décisions et comportements peuvent se ressembler.

Certains narcissiques — une infime minorité — sont en réalité des narcissiques psychopathes.
Ils utilisent des techniques propres aux psychopathes pour s’assurer un approvisionnement narcissique. Ces individus sont antisociaux, provocateurs, impulsifs, et manquent de contrôle. Toutefois, il s’agit d’un groupe extrêmement restreint. On les appelle des narcissiques malins, bien qu’ils soient plus des narcissiques cachés malveillants ou des narcissiques classiques.

Comment les reconnaître ? Le professeur Sam Vaknin, figure de référence dans l’étude du narcissisme pathologique depuis plus de 35 ans, apporte un éclairage particulièrement limpide sur ces questions. Cet article propose une synthèse de plusieurs de ses interventions consacrées à ce sujet.

Voyons leur façon de vous regarder

Les narcissiques ne vous perçoivent pas comme une personne réelle, car ils ne vivent pas dans la réalité, mais dans un monde mental façonné par leurs fantasmes.

Ainsi, lorsqu’ils posent leur regard sur vous, ce n’est pas réellement vous qu’ils voient, mais une projection mentale — un avatar créé à partir d’une image figée qu’ils ont construite dans leur esprit. En réalité, ils observent leur propre interprétation de votre personne. Cela peut sembler inconcevable, mais c’est une vérité dérangeante.

Les narcissiques ne perçoivent que l’attention, la reconnaissance ou l’adoration que vous leur portez, car cela alimente leur image grandiose et illusoire d’eux-mêmes.
Ils n’existent qu’à travers leurs sources d’approvisionnement narcissique — c’est-à-dire les personnes qui leur offrent attention, admiration et validation — sans lesquelles leur illusion de grandeur s’effondrerait.

Contrairement aux narcissiques, les psychopathes sont ancrés dans la réalité.
C’est précisément pour cette raison qu’ils vous perçoivent véritablement — mais à travers le prisme du prédateur. Lorsqu’ils cherchent à vous extorquer quelque chose, ils vous voient clairement, non comme une personne, mais comme une proie.

Ils observent, avec une attention clinique, vos failles, vos habitudes, vos réactions émotionnelles, afin de vous manipuler avec une efficacité redoutable.
Vous n’êtes pas invisible — vous êtes une cible. Leur regard est lucide, froid, calculateur, dénué de toute connexion affective. Vos vulnérabilités et comportements sont minutieusement surveillés, non pour vous comprendre, mais pour mieux vous exploiter.

Comme les narcissiques, les psychopathes nourrissent un fort sentiment de supériorité. Ils ignorent la réalité par grandiloquence, mais ne la prennent jamais pour un fantasme. Leur narcissisme se manifeste de manière plus contenue, moins théâtrale : ils ne cherchent ni à attirer l’attention, ni à obtenir un approvisionnement narcissique.

Tous deux scannent leurs cibles, chacun à sa manière.
Le narcissique le fait pour instaurer une dépendance psycho-émotionnelle, essentielle à son équilibre intérieur.
Le psychopathe, lui, opère dans un tout autre registre : il observe pour prendre ce qu’il veut. Il ne dépend émotionnellement de personne.

Différences de point de vue éthique et moral

Les narcissiques et les psychopathes sont dépourvus de toute moralité : ils n’en possèdent ni trace, ni allusion, ni ombre. Cependant, contrairement à une idée reçue largement répandue en France, les narcissiques ne sont ni mauvais ni pervers au sens strict. Ils n’agissent pas avec l’intention consciente de nuire. Bien au contraire, beaucoup d’entre eux intègrent des valeurs morales à leur sentiment exagéré de supériorité et d’importance. Pour eux, le laxisme moral est perçu comme une faiblesse — voire comme une forme d’infériorité. Ils méprisent ceux qui, selon leurs critères, sont incapables de demeurer moralement irréprochables.

À la différence des psychopathes, les narcissiques sont totalement inconscients de leurs motivations profondes, même lorsque leurs objectifs semblent clairs. Leur but inconscient est de transformer chaque personne qu’ils rencontrent en un objet interne — une figure mentale avec laquelle ils construisent un fantasme partagé. (Nous reviendrons sur ce point ultérieurement.)

Les psychopathes, eux, sont joyeusement et délibérément destructeurs. Obsédés par des objectifs personnels, ils cherchent à satisfaire leurs pulsions égoïstes par tous les moyens, sans le moindre remords. Ils sont bien moins aptes à tisser des liens humains — même de façon chaotique, comme c’est parfois le cas chez les narcissiques. Ainsi, si un psychopathe vous promet une liaison amoureuse, un mariage ou un partenariat commercial, il vous ment intentionnellement.

Psychopathes et narcissiques ignorent les règles, les normes et les repères sociaux. Mais le psychopathe pousse ce mépris à l’extrême. Il est souvent ce criminel de carrière — manipulateur, froid, impitoyable — là où le narcissique, bien que profondément dysfonctionnel, reste émotionnellement engagé dans ses interactions, au moins temporairement.

Différences d’attachement dans leur fantasme partagé

Les narcissiques sont profondément dépendants de l’attention, de la reconnaissance, de l’admiration, de l’adulation et de l’énergie psychique des autres, car leur régulation émotionnelle, leur équilibre intérieur, leur estime de soi et leur confiance personnelle sont entièrement externalisés. C’est pourquoi ils réduisent les autres à des sources d’approvisionnement narcissique et à des objets internes, destinés à s’intégrer dans la mécanique implacable de leur fantasme partagé.

Ce fantasme suit un schéma inévitable : une phase d’idéalisation, marquée par un bombardement amoureux et un maternage psychologique envers l’objet interne qu’ils ont façonné ; suivie d’une phase de dévalorisation, puis du rejet cruel de la personne réelle et, enfin, de son remplacement.

Le narcissique n’abandonne jamais son fantasme partagé, car, pour lui, c’est sa seule réalité. Lorsqu’il est contraint de revenir à la réalité — lorsqu’il est brutalement réveillé — il décompense : ses défenses s’effondrent et il se sent blessé, voire mortifié. En ce sens, les narcissiques sont bien plus psychotiques, plus délirants que les psychopathes.

Le narcissique ne peut survivre une minute sans son fantasme partagé : la motivation inconsciente de sa dynamique interne est de s’individualiser et de se séparer de la figure maternelle. La personne est instrumentalisée au gré de ses besoins émotionnels. Dès que ce fantasme se fissure, il remplace aussitôt sa victime par une nouvelle "mère" de substitution. Il cherche une cible immédiatement — comme on changerait de miroir pour éviter d’affronter son propre vide.

Cependant, et c’est là une différence fondamentale, les narcissiques croient réellement à leurs propres fabulations amoureuses. Ils se perdent dans leur fantasme partagé, se méprennent sur la nature de leurs sentiments, et finissent par se tromper eux-mêmes.

Les psychopathes, en revanche, n’éprouvent aucun besoin psychoaffectif envers quiconque, car ils ne cherchent pas à obtenir un approvisionnement narcissique. Leur besoin, compulsif, est concret et utilitaire. Ils ne souffrent pas de distorsions cognitives comme les narcissiques. Ainsi, le sentiment de grandeur propre au narcissique croise ici l’impulsivité, la tromperie et les tendances malfaisantes propres au psychopathe. Les psychopathes peuvent se sentir grandioses, mais cette grandeur est davantage intériorisée. Ils n’essaient ni de l’extérioriser, ni de contraindre ou convaincre autrui de leur importance.

Les psychopathes sont donc bien moins dépendants des autres que les narcissiques. Il est d’ailleurs probable qu’ils soient encore moins pro-sociaux ou communautaires. Ils peuvent mettre en place un fantasme partagé et commencer la relation par un bombardement affectif, mais ils ne s’y laissent jamais prendre.

Pour eux, ce fantasme partagé n’est qu’un outil, un scénario conçu pour servir un objectif précis et conscient : vous extorquer, puis vous écarter. Les phases émotionnelles et cycliques propres au narcissisme pathologique ne se manifestent pas chez eux. Ils utilisent ce fantasme comme un levier pour obtenir ce qu’ils convoitent : sexe, argent, pouvoir, statut, contacts... Mais ils ne dépendent psycho-émotionnellement de personne.

C’est pourquoi, naufragés sur une île déserte, les psychopathes pourraient bien survivre. Les narcissiques, eux, s’effondreraient. Lisez l’article qui contient les 9 phases prévisibles dans une relation de couple, intitulé : Le fantasme partagé des narcissiques.

Différences dans le processus d’idéalisation

Les narcissiques idéalisent l’avatar qu’ils se font de leur partenaire intime. C’est une manière pour eux de s’idéaliser eux-mêmes, de renforcer leur propre sentiment de grandeur. Ce processus s’appelle la co-idéalisation.

Leur besoin d’être idéalisés est compensatoire : ils ont besoin que les autres leur disent qu’ils sont extraordinaires, supérieurs, uniques, spéciaux, etc. Et si ce n’est pas le cas — ou si quelqu’un ose le remettre en question — ils sont profondément déstabilisés. Leur équilibre intérieur dépend entièrement du regard extérieur. En psychologie, cela s’appelle un locus de contrôle externe.

À l’inverse des narcissiques, les psychopathes savent qu’ils sont supérieurs. Ils n’ont besoin de personne pour le confirmer : pour eux, c’est un fait indiscutable. Qui oserait en douter ? Et quiconque le ferait passerait simplement pour un imbécile.

Ainsi, lorsqu’un psychopathe vous flatte, ses compliments ne sont qu’un outil de manipulation et de domination. Il est totalement insensible à l’image idéalisée qu’il pourrait projeter sur vous. Quel psychopathe se soucierait réellement de qui vous êtes ? Ce qui compte pour lui, c’est lui, exclusivement.

Les espaces narcissiques pathologiques

Le narcissique s’oriente vers des professions et activités qui lui garantissent une provision narcissique abondante et ininterrompue. La co-idéalisation s’opère dans deux espaces simultanés : l’un réel et l’autre imaginaire.

L’espace réel est son terrain de jeu : cela peut être son foyer, son église, un bar de quartier, une association ou son lieu de travail — autant de lieux où il peut obtenir des sources d’approvisionnement narcissique qui interagissent pour lui fournir adulation et validation.

L’espace imaginaire est son fantasme partagé. Il vous présente alors un ensemble de miroirs qui vous renvoient une image embellie, au point que vous finissez par vous idéaliser vous-même, tout en l’idéalisant en retour. Le seul but de cette idéalisation est de renforcer sa propre image et de créer une illusion d’idéalisation mutuelle.

Si sa partenaire est magnifique, il se sent irrésistiblement attirant. Si elle est brillante, il croit l’être aussi. Sinon, pourquoi serait-elle avec lui ? Son message implicite : il n’y a rien de négatif chez vous — vous êtes la perfection incarnée. Le narcissique vous flatte contre toute évidence. Le psychopathe, lui, ne fait jamais cela.

Le psychopathe n’évolue que dans un seul espace : un espace totalement physique. Il ne partage pas de fantasme avec vous — il crée un fantasme pour vous. Il vous propose une sorte de Disneyland mental, un scénario imaginaire taillé sur mesure. Mais il ne commet jamais l’erreur de confondre ce décor fictif avec la réalité, comme le fait le narcissique. Le psychopathe reste lucide. Son évaluation du réel n’est pas altérée. Il est certes impulsif, fantasque, souvent dangereux, mais il ne se ment jamais à lui-même.

Les psychopathes ne recherchent aucun approvisionnement narcissique. Leur sentiment de grandeur est introverti, autosuffisant et autonome.Ils ne s’appuient pas sur l’idéalisation pour reconnaître sa grandeur, mais sur la fusion identitaire.

Le message du psychopathe n’est pas : « Tu es exceptionnelle. »
Le message est : « Je suis comme toi. »
Il vous suggère que vous êtes, comme lui, capable de malveillance et de duplicité. Il vous pousse à croire que vous formez ensemble un seul organisme, une entité à deux têtes. C’est un message de fusion totale et symbiotique. C’est pour cette raison que les psychopathes exercent une attraction puissante sur les personnes souffrant de dépendance affective ou d’un trouble de la personnalité limite (borderline).

Le psychopathe est un miroir parfait. Il vous reflète en totalité : vos forces et vos failles, vos défauts et vos peurs, vos talents et vos valeurs, ainsi que vos doutes, vos espoirs et vos besoins les plus intimes. Son message est : « Tu es exactement moi. Comment m’as-tu trouvé ? Je suis toi, dans tout ce que tu es — en bien comme en mal. »

Leur différence émotionnelle

Les narcissiques et les psychopathes partagent un point fondamental : une incapacité à accéder aux émotions positives. À ce titre, ils ne sont pas pleinement humains — du moins, pas sur le plan affectif, émotionnel et relationnel.

Tous deux présentent une profonde carence en empathie affective. Ils possèdent ce que le professeur Vaknin appelle l’empathie froide, une combinaison d’empathie réflexive et cognitive, qui leur permet de comprendre les émotions d’autrui sans rien ressentir.

Les narcissiques, contrairement aux psychopathes, ressentent des émotions. Mais ils sont terrifiés par celles-ci, surtout par leurs émotions positives. Incapables de les tolérer, ils s’en détachent. Leur affectivité devient alors dominée par des émotions négatives — jalousie, rage, honte, humiliation — qu’ils projettent souvent sur leur entourage.

Les psychopathes, ne ressentent pas des émotions positives. Cette absence trouve sa source dans des anomalies cérébrales congénitales. Ils ne simulent pas l’émotion positive par peur ou défense, comme les narcissiques : ils en sont tout simplement incapables.

Les narcissiques sont à la recherche constante d’approvisionnement narcissique. Lorsqu’ils l’obtiennent, ils peuvent se montrer heureux, malléables, crédules, voire charmants. Dans le cadre du fantasme partagé, ils se laissent parfois submerger par des émotions intenses — puis, sans transition, deviennent froids, distants, indifférents, voire cruels. Cependant, leurs comportements abusifs ne sont généralement pas prémédités. Ils relèvent davantage d’une inconscience de soi, d’une méconnaissance de leurs motivations profondes. Rien à voir avec la stratégie froide et calculée propre au psychopathe.

Le psychopathe, lui, est provocateur, réactif, défiant, car il hait toute forme d’autorité. Il est aussi bien plus impulsif et imprudent que le narcissique. Mais surtout, il est focalisé sur un objectif précis : sexe, argent, pouvoir, statut, relations, accès, distraction ou accomplissement personnel. Obsédé par sa cible, il devient impitoyable. Il piétine tout sur son passage, car il est incapable de différer la gratification ou de contenir ses pulsions.

Contrairement au narcissique, il est autosuffisant : il n’a besoin de personne. Il vit replié sur lui-même, comme une forteresse froide et vide, inaccessible à toute forme de lien réel. Il utilise sa rage comme un instrument de contrôle, pour manipuler et soumettre. Mais il ne ressent aucune émotion positive. Aucune. Point final.

C’est un mort vivant, un zombie recevant de brèves décharges électriques, comme une grenouille disséquée à laquelle on injecte un courant pour la faire bouger. Les mouvements sont là, mais la vie est absente. Les psychopathes sont morts à l’intérieur et aussi à l’extérieur. Ce sont des simulations ambulantes d’êtres humains. Brillantes, séduisantes, fascinantes. Et c’est précisément cette perfection apparente qui constitue le premier signal d’alarme. Si quelqu’un vous semble trop parfait pour être vrai, c’est probablement un psychopathe.

Sur le plan émotionnel, les psychopathes sont extrêmement rudimentaires : « Je me sens bien. Je me sens mal. J’ai peur. Je n’ai pas peur. » Il n’y a aucune nuance. Aucun dialogue intérieur. Et donc, aucun contexte émotionnel. C’est ainsi que le psychopathe traverse la vie : détaché, comme s’il glissait sur le dos, étranger à ses propres émotions. Il sait pourtant parfaitement ce qu’il fait. Il est rusé, manipulateur, opportuniste. Il ment, il planifie, il simule — notamment l’avenir qu’il vous fait miroiter. Mais lui, ne s’y laisse jamais prendre.

Leur trouble anxieux s’exprime différemment

Bien que leurs émotions soient peu exprimées, les psychopathes n’en demeurent pas moins sujets à des troubles anxieux, au même titre que les personnalités narcissiques.
Ce constat va à l’encontre du mythe populaire selon lequel le psychopathe serait sans peur. En réalité, il est très paranoïaque, angoissé, et facilement effrayé, car il est imprudent, impulsif, incapable de se contenir. Il somatise fréquemment et a souvent recours aux substances psychoactives ou aux drogues pour anesthésier son agitation intérieure.

Comme certains narcissiques, il tend à contrôler son anxiété en développant une forme de réactance, se positionnant ainsi dans une dynamique contre-phobique. Cette posture le conduit à prendre des risques inconsidérés. Il adopte une attitude téméraire, provocatrice et défiante vis-à-vis de l’autorité et des normes.

Animé par un sentiment de supériorité, il s’arroge des prérogatives qu’il estime légitimes, convaincu de sa capacité à maîtriser des situations à haut risque. Il se perçoit comme invulnérable, voire immunisé face aux conséquences de ses actes. Son impulsivité l’amène à agir sans anticiper les répercussions potentiellement graves de ses comportements.

C’est pour cette raison que les narcissiques et les psychopathes peuvent aisément collaborer. Tous deux sont des opportunistes parasitaires, exploitant leur environnement à des fins personnelles. Le narcissique communautaire, par exemple, enfermé dans un univers fantasmatique, construit des récits grandioses auxquels il entraîne son entourage à adhérer.

Le psychopathe, quant à lui, capitalise sur cette mise en scène pour en tirer un maximum de bénéfices, sans scrupule ni loyauté. Leur alliance repose moins sur une coopération véritable que sur une convergence d’intérêts personnels.

Leur cathexis : leur niveau d’investissement émotionnel

La cathexis désigne l’investissement émotionnel que l’on place dans quelque chose ou dans quelqu’un — un lieu, une profession, une vocation, ou encore une autre personne. Cet investissement est souvent canalisé à travers des processus d’attachement et de lien, y compris des liens traumatiques. Dès lors que vous vous attachez à quelqu’un, vous développez des émotions, et, inévitablement, vous vous investissez affectivement dans cette personne : c’est cela, la cathexis.

La grande différence entre les psychopathes et les narcissiques réside précisément dans leur capacité — ou incapacité — à s’investir émotionnellement.
Les narcissiques sont toujours investis émotionnellement, non pas tant dans les autres que dans leur fantasme partagé. Ce fantasme peut prendre la forme d’une relation intime, d’une amitié, d’un concept abstrait (nation, religion), ou encore d’une vocation. Ce n’est pas la personne qu’ils aiment ; c’est l’image grandiose qu’ils projettent sur elle et qui reflète leur propre grandeur.

Même dans les phases de rejet ou de dévalorisation de ce fantasme, les narcissiques restent émotionnellement présents. Cet investissement devient alors négatif, mais il ne disparaît pas. Le narcissique ne se retire jamais complètement sur le plan affectif. Il continue d’éprouver des émotions — non pas positives, mais négatives : possessivité, envie, haine, colère, rage. Son attachement reste actif, même destructeur.

Le psychopathe, lui, ne s’investit jamais. Ni dans une personne. Ni dans une idée. Ni dans une œuvre. Ni dans un lien. Rien. Jamais. Et cela vaut aussi pour le narcissique psychopathe, dont la dynamique psychologique et comportementale est pratiquement identique à celle du psychopathe.

Les psychopathes se moquent éperdument de leur carrière, de leurs enfants, de leur partenaire, de leur réputation, de leurs diplômes, de la reconnaissance sociale, des lois ou des normes. Ils ne s’attachent pas. Ils n’investissent pas. Ils n’éprouvent rien. L’attachement qu’ils manifestent est plat. Leur affect est plat. Cela se traduit par une expressivité minimale et un visage impassible, opaque. Vous ne pouvez pas deviner ce qui se passe en eux — parce qu’en vérité, il ne se passe rien. Derrière cette façade, se trouve une forme humaine sans expression, sans signal émotionnel, sans vibration. C’est cela, le psychopathe.

Ainsi, un psychopathe ne sera nullement affecté par le fait de perdre sa compagne au profit d’un autre homme. Il ne réagira pas à la perte de son travail, au vol de son œuvre, à une mise en danger, à la ruine de sa réputation. Tout cela lui est indifférent. Il ne tient à rien, ne protège rien, ne chérit rien.

On pourrait dire que le psychopathe anticipe la perte, tout comme le borderline anticipe l’abandon, et le narcissique l’humiliation ou le rejet. Chaque type se protège à sa manière. Le borderline réagit par une bascule vers un état de psychopathie secondaire. Le narcissique, lui, agit de manière préventive. Il lance la dévalorisation et le rejet pour ne pas en être victime. Il sabote avant d’être sabordé. C’est pourquoi le narcissique est intensément investi dans son fantasme partagé : il y croit. Il ne simule pas. Il vit dans son illusion comme si elle était réelle. C’est cette conviction qui le pousse à surveiller, harceler, espionner, vouloir récupérer. Il est possessif, anxieux, paranoïaque, mais toujours émotionnellement impliqué.

Le psychopathe, lui, se protège en ne s’attachant pas. Sa posture est claire : « Je m’en fiche totalement. Prends ma femme, mon travail, mes biens, ma liberté : peu m’importe. » C’est sa manière de se défendre. L’indifférence totale.

Pourtant, les psychopathes se marient. Mais ces unions sont catastrophiques. Voici un critère précieux pour les reconnaître : si votre partenaire intime vous quitte soudainement, sans explication, sans émotion, sans jamais reprendre contact, s’il disparaît du jour au lendemain sans la moindre considération pour ce que vous ressentez ou traversez — alors vous êtes face à un psychopathe ou à un narcissique psychopathe.

Le but de cette pseudo-relation pouvait être le sexe, l’argent, l’accès à un réseau, le pouvoir ou même un simple divertissement. Mais vous n’étiez qu’un outil. Et dès que cet outil devient inutile, il est jeté. Vous êtes effacé(e). Rayé de la carte. Vous n’avez jamais existé. Cette brutalité de la rupture est ce qui distingue le psychopathe. Elle est rare chez les narcissiques, mais fréquente — et dévastatrice — chez les psychopathes.

Sadisme et victimisation

Chez les psychopathes, le sadisme est souvent visible, revendiqué. Ils prennent un plaisir froid, calculé, à manipuler, tromper et faire souffrir. Leur satisfaction réside dans le pouvoir absolu qu’ils exercent sur autrui. La douleur de l’autre est pour eux un spectacle, une victoire, un jeu. Il n’est pas rare de les voir sourire face à la souffrance qu’ils infligent.

Les narcissiques, en revanche, n’ont pas toujours conscience de leur propre cruauté. Leur sadisme est masqué, diffus, enfoui sous des couches d’inconscience. Ils ne se vivent pas comme des bourreaux. Ce sont plutôt des architectes de chaos émotionnel. Ils provoquent, blessent, manipulent — non pas pour jouir de la douleur infligée, mais pour alimenter un récit intérieur où ils tiennent le rôle de la victime. Ils poussent l’autre à bout, puis se présentent comme trahis, abandonnés, mal compris.

Chez le narcissique, le narcissisme et la victimisation ne font qu’un. Il se construit dans la douleur qu’il provoque, tout en se proclamant le seul à souffrir. Il est à la fois agresseur inconscient et victime autoproclamée. Là où le narcissique se désigne comme victime de sa propre inconscience, le psychopathe, lui, fait des autres les victimes conscientes de ses stratégies malveillantes.

Confusion émotionnelle et fantasmes

Le narcissisme est, en profondeur, un trouble dissociatif de l’identité. C’est pourquoi les narcissiques souffrent d’un syndrome dissociatif. Ils ont une personnalité fondamentalement brisée. Ils sont dépersonnalisés et déréalisés. Ils souffrent d’amnésie dissociative, exactement comme les personnes borderline.

Les narcissiques pathologiques vivent donc dans une forme de dédoublement permanent : ils sont lucides et perdus, rationnels et fantasmatiques, adultes et enfants blessés. Comme les personnes borderline, ils présentent des signes de dépersonnalisation, de déréalisation, et souffrent d’amnésie dissociative.

Deux identités coexistent en eux :

·       L’une est une identité analytique, lucide, perspicace, intuitive, capable d’anticiper les événements, de percer les intentions, de détecter les trahisons.

·       L’autre identité est un enfant dépendant, prisonnier de son fantasme partagé, incapable de tester la réalité en construisant des récits illusoires pour filtrer la douleur.

La première identité est celle qui interagit avec les autres, mais la seconde identité est celle qui captive le partenaire intime pour l’amener à son fantasme partagé.
C’est cette dualité qui crée le malaise profond ressenti en présence d’un narcissique. Par moments, vous avez l’impression de parler à un enfant abandonné. Puis soudain, vous faites face à une intelligence froide, critique, implacable, qui lit à travers vous. Ce va-et-vient constant déstabilise.
On a parfois l’impression de communiquer avec un enfant blessé, et parfois avec un individu plutôt malin, un avocat coriace, qui ne tolère pas les conneries, refuse de croire à vos histoires et mensonges, et qui vous perçoit tel que vous êtes, pénétrant à tous points de vue. Voilà donc la dualité du narcissique.

C’est pourquoi les narcissiques ressentent des émotions intenses. Mais ils sont coupés de leur réalité émotionnelle. Lorsqu’ils essaient de comprendre ce qu’ils ressentent, ils ne plongent pas dans leur cœur : ils raisonnent. Ils analysent. Ils comparent. Leur introspection est une opération logique, pas émotionnelle.

Ils se disent : « Que suis-je en train de ressentir ? »
Et concluent : « Cela doit être de l’amour. »

Ils fonctionnent par déduction, en s’appuyant sur une base de données mentale, composée d’observations, de théories, de stéréotypes : « Les gens qui aiment veulent être proches.
Je veux être proche. Donc j’aime. »

Mais ce n’est pas de l’amour. Ce sont des signaux — désir, dépendance, excitation — qu’ils traduisent en termes appris, théoriques. Leur compréhension de l’amour est déductive, presque mécanique. Ils ne le vivent pas, ils l’interprètent.

Ils ne sont pas totalement inconscients de la notion d’amour, ni d’eux-mêmes — contrairement à ce que suggèrent certains mythes populaires. Au contraire, nombre de narcissiques savent parfaitement ce qu’est l’amour. Ils peuvent le décrire et le reconnaître chez les autres.

Mais lorsqu’il s’agit de leurs propres sentiments, ils confondent intensité et authenticité, manque et attachement, besoin et amour. Ce qu’ils croient être un sentiment profond n’est souvent que le reflet de leur propre désir d’être aimés.

En réalité, leur « amour » n’est pas dirigé vers l’autre, mais vers le rôle que l’autre joue dans leur fantasme. Ce fantasme partagé est le cœur de la relation narcissique : une bulle imaginaire dans laquelle l’autre existe comme reflet idéalisé du narcissique lui-même.
Cet « amour » est fragile. Il ne résiste ni à l’altérité, ni à la contradiction, ni à la réalité. Dès que la bulle éclate, le narcissique jette et remplace. Car il ne peut vivre sans miroir.

Les psychopathes, eux, présentent une fusion mimétique. Avec un psychopathe, il n’y a pas de fantasme au sens narcissique. Chez lui, le miroir est lisse, parfait. Il ne projette pas un idéal — il imite. Il reproduit avec une précision glaçante vos goûts, vos gestes, vos expressions, vos mots. Il efface la distance, abolit la séparation. Il ne vous idéalise pas — il fusionne avec vous.

La victime croit avoir trouvé son double, son âme sœur, son âme gémelle, son reflet parfait. Mais en réalité, elle est face à une copie sans substance, une construction mimétique, une projection sans émotion. Ce n’est pas de l’amour : c’est une prédation déguisée en intimité.

La différence de leur manipulation et du gaslighting

Le gaslighting est une forme de manipulation insidieuse, un véritable décervelage hypnotique. Il ne s’agit pas simplement de mentir, mais de semer le doute dans l’esprit de l’autre — sur sa mémoire, son jugement, ses perceptions, et jusqu’à la validité même de son expérience intérieure. C’est un poison qui finit par effacer la frontière entre le réel et l’imaginaire.

Cet entraînement hypnotique plonge la victime dans la confusion, détruit sa confiance en elle et la rend dépendante de son agresseur. Le gaslighting peut finalement la conduire à des états de déréalisation et de dépersonnalisation, ainsi qu’à des troubles anxieux et dépressifs.

La plupart des psychopathes sont des hommes. Ils font du gaslighting une arme stratégique. Ils savent ce qu’ils font. Leur gaslighting est méthodique, froid, délibéré. Ils déforment la réalité intérieure de la victime pour mieux la posséder ou l’extorquer. Ils mentent, nient, inversent les faits, jusqu’à ce que leur victime ne sache plus si elle a rêvé ou vécu, si elle se trompe et se détruit. Le but n’est pas seulement de tromper, mais de dominer : faire de la victime un territoire conquis, une conscience occupée.

Les narcissiques, eux, pratiquent aussi ce décervelage hypnotique — mais à leur insu. Leurs distorsions cognitives ne sont pas des manœuvres conscientes, mais les sous-produits de leur propre illusion. Pris dans le fantasme partagé, ils modifient la réalité autour d’eux pour la faire coïncider avec leur narration intérieure. Ils nient ce qui les dérange, réécrivent les événements, attribuent à l’autre des intentions qu’il n’a jamais eues. Non par méchanceté, mais parce que leur équilibre psychique en dépend.

Leur machiavélisme

Les psychopathes et les narcissiques sont machiavéliques. En d’autres termes, ils manipulent les gens. Ils manipulent les gens à des fins différentes.

Le seul but du narcissique est de faire de vous sa source d’approvisionnement narcissique. Bien sûr, il profite de votre sexe, des services que vous pouvez lui fournir, de votre présence qui lui insuffle un sentiment de sécurité. Vous devez adopter beaucoup de rôles. C’est indéniable. Mais ce dont il a réellement besoin, c’est la provision narcissique que vous pouvez lui apporter ? Celle-ci lui permettra de renforcer et maintenir l’image de soi, le concept de soi et la perception gonflée, fantastique et grandiose de lui-même. Tout ce qu’il fait ou tout ce qu’il s’abstient de faire, vise à assurer un flux narcissique régulier et ininterrompu.

Le psychopathe est beaucoup plus varié. Il est orienté vers un but ou focalisé sur un but : recherche de l’argent, du sexe, du pouvoir, de l’accès ou quoi que ce soit d’autre. Il est donc orienté vers un objectif et son répertoire de manipulations est beaucoup plus large. Mais il y a une différence majeure :

  • Le psychopathe déforme votre perception de la réalité extérieure en manipulant votre réalité intérieure.

  • Le narcissique déforme votre perception de la réalité intérieure en manipulant votre réalité extérieure.

Le but du psychopathe est de déformer votre perception de la réalité extérieure. Donc, il vous manipule. Il veut que vous vous méfiiez de votre propre jugement sur la réalité. Il veut que vous vous sentiez désorienté(e), disloqué(e). Il veut induire en vous des défenses dissociatives. Son intention est de vous isoler du monde, de vous éloigner de la réalité, de votre environnement, de votre milieu social, et donc par là même, d’exercer sur vous un contrôle total qui permettrait au psychopathe d’obtenir ou de réaliser ou d’atteindre ses objectifs.

Et comment le psychopathe parvient-il à induire ce délire chez la victime ? Comment parvient-il à la séparer de sa perception de la réalité, de sa capacité à évaluer le vrai du faux, le réel de l’irréel ?

Le psychopathe vous pousse à bout, exploite vos vulnérabilités, pénètre votre armure. Il vous lave le cerveau d’une certaine manière. Quoi qu’il en soit, il utilise des dynamiques psychologiques internes en vous, utilise des failles dans votre armure, des faiblesses, des défauts, des vulnérabilités afin de vous faire douter de vos propres sens, de vous faire douter et devenir méfiant à l’égard des données émanant de l’environnement, de vous faire remettre en question tout ce qui vous arrive et à tous ceux qui vous entourent.

Ainsi, vous faites du psychopathe la seule présence stable dans votre vie, la seule personne en qui vous pouvez avoir confiance, le seul rocher sur lequel vous pouvez vous appuyer, la seule épaule sur laquelle vous pouvez pleurer. C’est ainsi qu’il manipule votre réalité intérieure afin de déformer votre perception de la réalité extérieure, ce qui est une excellente définition du gaslighting.

Le narcissique fait exactement le contraire. Il déforme votre perception de votre réalité intérieure. Il vous entraîne. Il installe une représentation de lui-même dans votre esprit. Il parle à votre esprit. Il prend le contrôle de votre esprit. Vous lui confiez de nombreuses fonctions essentielles comme celles de l’ego.

Et à travers cette prise de contrôle hostile, à travers cette fusion, cette symbiose, cette symbiose induite, le narcissique vous fait régresser, vous infantilise, vous rend un nourrisson sans défense, un bambin sans défense, un bébé une fois de plus.

Les narcissiques travaillent donc très dur pour déformer votre perception de qui vous êtes, pour détruire votre identité fondamentale, pour nier votre existence, pour vous priver de votre libre arbitre, de votre autonomie personnelle et de votre indépendance. Après avoir fait cela, ils procèdent à la manipulation de votre réalité extérieure.

Maintenant vous êtes sans défense, maintenant vous êtes faible, maintenant vous êtes vulnérable, maintenant vous êtes brisé et endommagé, et maintenant vous êtes disponible pour participer au fantasme partagé du narcissique, pour vous mentir à vous-même en pensant que ce fantasme est la réalité, pour devenir délirant quand il s’agit du narcissique et de son paracosme, sa réalité alternative.

En bref, le narcissique joue avec votre esprit, envahit votre esprit, prend le contrôle de votre esprit afin de nuire à votre capacité à tester la réalité, de détruire votre capacité à évaluer et à jauger correctement la réalité.

L’issue est parfois perçue par les victimes comme identique, et pourtant les chemins, les trajectoires qui mènent à cette issue sont complètement différents. Dans le cas du narcissique, les dommages sont bien plus profonds et étendus, et parfois à vie. C’est un traumatisme complexe.

Dans le cas d’un psychopathe, le préjudice est généralement d’origine externe. Par exemple, la perte d’argent, les rapports sexuels forcés ou le fait de présenter le psychopathe à d’autres personnes. Ainsi, le psychopathe se concentre sur les résultats superficiels et les conséquences externes, tandis que le narcissique se concentre sur le fait de devenir vous, de prendre le dessus, de vous submerger et de vous consommer afin qu’il ne reste plus grand-chose derrière lui.

Afin de manipuler votre réalité intérieure, de vous rendre asservi, soumis et docile, le psychopathe vous manipule. Il déforme votre perception de la réalité extérieure, vous rendant dépendant du psychopathe.
Ce que fait le narcissique est exactement le contraire. Ce dernier joue avec votre esprit pour commencer. Et parce qu’il réorganise les meubles dans votre esprit, vous perdez le contact avec la réalité. Et encore une fois, vous devenez dépendant de lui comme du seul testeur de réalité, de la seule pierre de touche de la réalité.

Le résultat est quasiment identique. Les objectifs sont différents, tout comme les moyens d’y parvenir. Cela a des implications considérables en ce qui concerne le traitement des conséquences d’un abus narcissique par rapport à un abus psychopathique.

Dans le cas d’abus psychopathique, nous sommes confrontés à l’équivalent du trouble de stress post-traumatique. Rencontrer un psychopathe, c’est comme avoir été victime d’une catastrophe naturelle, d’un accident ou d’un crash.

L’exposition au narcissique a des conséquences de grande portée, bien plus vastes que l’exposition au psychopathe. Le narcissique a pris possession de vous, vous a dépouillé de votre identité profonde et est devenu vous. Vous êtes une extension du narcissique. Vous êtes le fruit de son imagination. Vous participez à son scénario, à sa pièce de théâtre, à son film. Vous n’êtes plus. Non seulement vous n’êtes plus vous, mais vous n’êtes plus.

Et donc, à la suite d’un abus narcissique, nous devons reconstruire la victime à partir de zéro, et c’est pourquoi le professeur Vaknin est consterné lorsque les gens font une distinction entre les narcissiques utiles, serviables et admirables et tous les autres narcissiques.
Vous voyez des victimes de narcissiques en ligne, fustigeant les narcissiques, les châtiant, les critiquant, les attaquant, les détestant, puis admirant d’autres narcissiques qui sont puissants, riches et accomplis.

Il semble donc qu’il existe deux classes de narcissiques. Il y a les narcissiques banals et ce sont des monstres et ils sont mauvais, et ils doivent être extirpés et ils doivent être anéantis, éliminés et incarcérés. Et puis il y a une petite élite de narcissiques.

Ce sont les narcissiques superriches, les narcissiques superpuissants, les narcissiques super-accomplis, qui gèrent des relations publiques. En raison de leur image ils sont admirés et adorés, comme des gourous, des intellectuels publics, etc.
Et ces narcissiques, pour une raison ou une autre, sont spéciaux. Ils ont le droit d’être grandioses et d’abuser des autres. Ils sont acceptés et pardonnés en raison de leurs prétendues contributions réelles à la société.

La grandeur de ces narcissiques n’est pas perçue comme fantastique, car elle est fondée sur des réalisations de la vie réelle. Leurs réussites, réelles ou imaginaires d’ailleurs, leur donnent le droit d’abuser des autres et d’être pardonnés.
Cette attitude discriminatoire entre les classes de narcissiques est vraiment néfaste pour les victimes. Parce que cela permet aux narcissiques d’accéder à la psyché de la victime.
Et la plupart de ces narcissiques accomplis, sont en réalité des narcissiques malignes. Ce sont des psychopathes en plus d’être narcissiques. Vous avez été prévenu(e).

Les conséquences de leur abus sont les mêmes : confusion mentale, perte de repères, déréalisation, et parfois même dépersonnalisation. Mais là où le psychopathe décervelle sa victime pour la contrôler et en extraire ce qu’il veut, le narcissique le fait pour préserver son monde imaginaire. Chez l’un, c’est une stratégie de domination ; chez l’autre, une défense inconsciente contre l’effondrement de son identité.
Lisez mon article intitulé Le gaslighting.

Leur contrôle dans une dynamique de couple qui se termine

Le narcissique idéalise son partenaire intime pour aimer et idéaliser sa propre image — son propre reflet dans les yeux de l’autre. Il régit de manière compulsive, poussé par la mécanique inexorable du fantasme partagé. Dans la dernière phase de ce fantasme, il abandonne sa partenaire intime et passe immédiatement à une autre cible.

Éventuellement, il peut faire une relance narcissique, appelée hoovering, lorsqu’il n’a pas complété réellement le cycle du fantasme partagé. Dans ce cas, il devient harceleur au sein d’un fantasme partagé encore actif. Il traque sa partenaire tant que celle-ci lui donne de l’espoir. Pour lui, ce fantasme partagé est une réalité. Mais le narcissique juge mal l’intensité, la profondeur, l’engagement et les motivations de l’autre partie, parce qu’il devient pseudo-stupide et crédule face à son propre fantasme partagé.

Tant que le/la partenaire intime reste à vivre avec lui ou continue de l’appeler, d’essayer de communiquer avec lui, il lui dira implicitement : « Tant que tu me donnes de l’espoir, je te poursuivrai. Je continuerai à venir pour te convaincre de continuer la relation ou à te contraindre à revenir à mon fantasme partagé. »
Mais à la minute où le narcissique se sent vraiment humilié, voire mortifié par le rejet de cette personne, et qu’il comprend que c’est fini, il doit passer à autre chose avec empressement, car il ne peut pas survivre une seconde sans un fantasme partagé. Il cherche alors une autre cible. Une fois que la mortification lui est apparue clairement, le fantasme est mort.

Il existe de nombreuses façons de mortifier un narcissique. L’une des façons les plus courantes est de le tromper. Lorsque le narcissique est blessé et mortifié, il dévalorise la personne qui l’a blessé. Il utilise alors le mécanisme de défense infantile du clivage, qui consiste à faire de l’autre personne un « mauvais objet », tandis qu’il se voit comme un « bon objet ». Il utilise cette défense infantile pour faire de sa partenaire l’exact opposé de sa version autrefois idéalisée.

Le psychopathe est exactement le contraire. Il planifie, construit et s’installe. Et lorsque son fantasme partagé tombe à l’eau, il refuse de l’accepter. Il ne passe pas à autre chose : il s’obstine. Il refuse de lâcher prise, même lorsque la relation est morte, ou n’a jamais véritablement existé ailleurs que dans son esprit. Car son obsession ne vise pas seulement une personne, mais un but : la possession sans faille. Il devient alors un harceleur à long terme.

Il crée un fantasme partagé, car grâce à celui-ci, il peut obtenir ce qu’il veut : sexe, pouvoir, argent, l’accès aux contacts, à une activité, etc. Si sa proie souhaite terminer avec cette relation qui n’est pas une, il la traquera même après que le fantasme partagé est effacé. Il est provocateur, donc il lui dira : « C’est moi qui déciderai quand ce fantasme partagé prendra fin, pas toi. »

Le psychopathe fait tout : il crée une simulation, une matrice dans laquelle ses victimes réagissent exactement comme il le souhaite ; elles doivent favoriser ses buts et ses objectifs. Il n’accepte pas un refus. Et c’est pourquoi les psychopathes sont très dangereux, bien plus dangereux en tant que partenaires intimes que les narcissiques.