Les narcissiques cachés

20 sept. 2024

Par Prabhã Calderón

Les narcissiques cachés, qui sont-ils et comment se comportent-ils ? Cet article répond à ces questions en explorant le monde difficilement discernable de ces narcissiques, également appelés narcissiques « secrets », « fragiles », « vulnérables » ou « masqués ».

Leur dynamique interne est très complexe et ils n’ont pas fait l’objet d’assez d’études. Cependant, le professeur Sam Vaknin, expert en trouble de la personnalité narcissique, fait des exposés remarquables. Cet article est un résumé de ses précieux enseignements, accompagné de quelques contributions tirées de mon expérience personnelle.

Il est important de noter que, pour compenser leurs traumatismes et insuffisances, les narcissiques cachés adoptent des comportements passifs-agressifs à des degrés variables, tandis qu’une minorité développe une psychopathie primaire. Par conséquent, quelle que soit la forme de compensation adoptée, l’un d’eux pourrait être à l’origine de la pire expérience de votre vie.

Cet article comporte donc trois parties :

  1. Le narcissique caché, timide et fragile.

  2. Le narcissique caché, passif-agressif.

  3. Le narcissique caché devenu psychopathe.

Note : Il est essentiel de renoncer à toute tentative de « diagnostic » de votre partenaire intime. Prenez plutôt le temps, à l’aide de cet article, d’observer et de noter ses comportements à votre égard – sans les amplifier ni les minimiser – ainsi que vos propres réactions. Si la personne avec qui vous vivez ne manifeste pas l’ensemble des traits, attitudes et comportements décrits ici, il est peu probable qu’elle corresponde au profil du narcissique caché. Je vous invite également à lire l’article intitulé Les narcissiques classiques.

Plongeons maintenant dans l’univers des connaissances du professeur Sam Vaknin.

Bien que la moitié des narcissiques pathologiques soient des femmes, j’ai choisi de parler d’eux au masculin pour des raisons pratiques. Commençons par examiner l’étiopathogénie, c’est-à-dire les causes de leur narcissisme pathologique caché.

Leur trouble de stress post-traumatique

Le narcissisme pathologique est le résultat d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT). C’est pourquoi les narcissiques sont restés figés à une étape infantile de leur développement psycho-émotionnel et affectif. Ils n’ont pas évolué vers l’autonomie.

Durant son enfance, l’enfant qui deviendra un narcissique caché a peut-être été abandonné. Il a pu aussi être dominé par une mère castratrice, ou encore rejeté – voire battu – par un père narcissique. Les scénarios traumatiques possibles sont multiples.

Dans tous les cas, ses parents l’ont blessé par leurs maltraitances et instrumentalisations, en faisant de lui leur otage psycho-émotionnel. Il s’agit de parents eux aussi traumatisés. Personne n’est à blâmer.

Les enfants ont besoin d’empathie instinctive, émotionnelle, compassionnelle et cognitive. S’ils n’en reçoivent pas, ils risquent de développer des troubles de l’attachement, ainsi qu’une interruption brutale dans leur développement émotionnel, relationnel et identitaire. C’est le cas des narcissiques pathologiques.

Lorsque l’enfant est maltraité et se sent abandonné, rejeté, trahi, humilié ou traité avec injustice, il en déduit qu’il n’est qu’un « mauvais objet », qu’il est fautif. Il ressent donc une profonde honte toxique et une insécurité extrême, qu’il refoule immédiatement, tout en cherchant à devenir un « bon objet ». Vous pouvez lire un article sur le sujet, en cliquant sur ce titre : Le syndrome de l’otage chez les enfants.

Leur narcissisme est donc une adaptation défensive face à un environnement abusif, qui fonctionne comme un principe organisationnel, prenant la forme d’un schéma répétitif basé sur un dysfonctionnement de l’ego et de la personnalité. Leur narcissisme leur sert donc à donner un sens à leur vie.

Les narcissiques cachés s’identifient inconsciemment à « l’enfant blessé » et au « mauvais objet » qu’ils ont cru être. Ils abritent donc une honte toxique profonde. Pour cette raison, ils ruminent leur amertume et leur blessure archaïque, tout en manifestant une forte tendance à vouloir apparaître comme de « bons objets ». Ainsi, ils s’efforcent d’être corrects, parfaits, impeccables et irréprochables, tout en s’enfermant dans un monde de négativité chronique et de frustration constante.

Quelle est la différence entre les narcissiques manifestes et les narcissiques cachés ?

Les narcissiques classiques ont développé la capacité d’attirer l’attention, la reconnaissance et l’admiration – qu’elle soit positive ou négative – afin d’en extraire la provision narcissique dont ils ont besoin pour se sentir exister. Ils sont doués pour capter des sources d’approvisionnement narcissique, c’est-à-dire des personnes qui les valorisent et les « narcissisent ». Vous pouvez l’article intitulé Les narcissiques classiques.

En revanche, les narcissiques cachés ne possèdent pas ces capacités, car ils sont fragiles, timides et ont tendance à s’écarter des autres. Privés de sources d’approvisionnement narcissique, ils vivent dans un état d’effondrement partiel chronique. Cet état d’effondrement, voire d’anéantissement, résulte d’un noyau identitaire schizoïde et d’une insécurité ontologique apparus durant le stade du narcissisme primaire, entre 8 mois et 4 ans. Examinons ce que cela signifie.

Son noyau identitaire schizoïde

Le narcissique caché manque d’un noyau identitaire solide, essentiel à un sens d’identité stable et à une structure psycho-émotionnelle équilibrée. En raison de ses traumatismes, un noyau schizoïde s’est formé en lui, résultant d’une profonde insécurité ontologique (du grec ontos, « être »). De ce fait, il oublie 80 % de son vécu et ne ressent pas son entièreté à travers le temps, jour après jour. Il ne parvient donc pas à se percevoir comme un être à part entière ayant sa place dans le monde.

Par conséquent, il se focalise sur sa sensation persistante d’être un « mauvais objet » et en éprouve une honte intense. Autrement dit, il se voit comme quelqu’un de mauvais, indigne d’amour, inadéquat, nul, etc. C’est pourquoi il n’a pas accès à sa nature essentielle, ni à l’amour de soi, ni à la joie d’être et d’exister. Il ne ressent pas non plus un véritable amour pour les autres, même s’il se montre très généreux sur le plan matériel.

En revanche, il souffre d’une anxiété chronique à l’égard des autres et d’une peur intense de ne pas pouvoir exister parmi eux, car il ne les reconnaît pas comme ses égaux et craint de ne pas être accepté. Se sentant menacé, il est effrayé à l’idée de vivre et d’exister en leur présence.

Il redoute l’intimité, l’amour et l’empathie, ces élans qu’il associe aux blessures profondes, à l’humiliation muette et aux douleurs anciennes qu’il n’a jamais vraiment su apaiser, issues des abus qu’il a subis dans son enfance.

Cela le pousse au retrait social et à l’isolement, car il lui manque un modèle interne de fonctionnement et il ne parvient pas à percevoir la nature des liens d’attachement qu’il pourrait établir avec autrui. Dépourvu de frontières psychoaffectives, il ignore à qui accorder sa confiance et auprès de qui formuler des demandes.

Ainsi, il préfère se réfugier dans son monde imaginaire – son « paracosme » – peuplé de fantasmes, d’amis et d’ennemis inventés, plutôt que d’affronter la réalité telle qu’elle est. Chroniquement effondré, il adopte une posture de victime, teintée d’humilité et de dévouement, dans l’espoir de trouver auprès des autres un sentiment de sécurité.

Sa pulsion de mort

Le noyau schizoïde et l’insécurité ontologique engendrent chez le narcissique caché une pulsion de mort, qui le pousse à l’auto-annihilation et à l’autovictimisation.

Le connu psychanalyste Sigmund Freud, a expliqué la pulsion de mort ainsi : « La pulsion de mort est une force de destruction qui habite l’intérieur d’un individu. L’agressivité exprimée n’en représente qu’une fraction, qui peut être défléchie vers l’extérieur. »

C’est le cas du narcissique caché : il abrite une pulsion de mort qui se manifeste par une rage narcissique refoulée, qu’il projette sur les autres sous la forme d’une colère passive, d’une opposition constante et d’un refus de communication.

Pour compenser cette pulsion de mort, il se réfugie dans l’illusion d’une perfection divine, espérant ainsi échapper à ses pensées dévalorisantes. C’est pourquoi il peut, par exemple, s’accrocher à une quête prétendument spirituelle, qui ne fait que dissimuler sa honte toxique. Il peut aussi adopter le comportement d’une personne impeccable ou bienveillante, ou encore arborer le masque d’une pseudo-humilité.

Le narcissique caché n’est pas vraiment humain. Il ressemble à des androïdes programmés, capables d’imiter des émotions positives, mais incapables de les ressentir. Il confond l’amour avec l’abus – parmi bien d’autres confusions. Il agit donc comme un être humain, mais il n’en est pas un. C’est un enfant sans cœur, un robot programmé pour imiter les humains.

Sa certitude anxiogène

En raison de son noyau identitaire schizoïde et de l’absence d’une structure psycho-émotionnelle solide, le narcissique caché entretient un doute profond quant à sa propre existence, étroitement lié à son insécurité ontologique.

  • Inconsciemment, il se dit : « Je n’existe pas. »

Cette certitude accablante constitue le socle fragile sur lequel repose sa structure psycho-émotionnelle, renforçant sans cesse son anxiété et un type de paranoïa soigneusement cachée. Nous verrons sa paranoïa en peu plus tard.

À cette certitude de non-existence s’ajoutent des croyances dévalorisantes telles que : « Je suis mauvais, je suis nul, je suis imparfait, incapable, etc. » Ces croyances, ainsi que ses traumatismes, l’amènent à ressentir un vide intérieur abyssal.

Son vide intérieur

Le narcissique caché vit dans un vide intérieur terrifiant, conséquence d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT), de son noyau schizoïde, ainsi que d’une insécurité ontologique profonde – un doute d’être. Par conséquent, il ne peut pas s’approcher des autres avec authenticité : il doit revêtir une apparence.

Voici une description du Professeur Sam Vaknin sur le vide intérieur du narcissique caché, inspirée d’un vers du poème Le Vieux Marin :

« Il avance solitaire dans la peur et l’effroi, sans jamais tourner la tête, tel quelqu’un qui sait qu’une menace glaciale se referme inexorablement derrière lui. »

Tel un trou noir hurlant dans son propre abîme, il est consumé par son vide intérieur, car il ne possède ni ego solide, ni structure psychoémotionnelle stable. Il ne peut être qu’un faux self, en état d’effondrement partiel chronique. Il est donc son faux self.

L’adoption d’un faux self

À cause de son trouble de stress post-traumatique (TSPT), de son vide abyssal, de sa pulsion de mort et de son noyau schizoïde, le narcissique caché renonce, dès l’enfance, à son véritable « Je suis » – l’être libre de toute définition rigide ou binaire – pour adopter un faux self structuré autour de son noyau schizoïde.

La définition du faux self : Le faux self des narcissiques incarne tout ce qu’ils aimeraient être, mais qu’ils ne sont pas. C’est une sorte de « dieu protecteur » qu’ils ont créé dans l’enfance pour survivre à un environnement perçu comme menaçant ou insécurisant. À l’âge adulte, cette figure imaginaire – vide par définition – prend la place d’un Soi, devenant ainsi un substitut identitaire. Ce n’est pas un simple masque : c’est une construction défensive, érigée au cœur même de leur structure fragile.

La fonction du faux self : Le faux self du narcissique caché agit comme une identité protectrice, un rempart contre les menaces extérieures. Il sert également de bouclier contre ses propres pensées et émotions négatives, telles que la honte toxique, l’anxiété et sa pulsion de mort.

L’identification au faux self : En s’identifiant à ce faux self, le narcissique caché cherche à fuir un vide intérieur terrifiant, sa pulsion de mort, son insécurité ontologique, son complexe d’infériorité, son anxiété et sa honte toxique.

Comment se manifeste le faux self

Dans le cas du narcissique caché, le faux self se manifeste par une pseudo-humilité, alors qu’en réalité, il aspire à incarner un narcissisme grandiose. Par conséquent, il oscille en permanence entre deux états psychiques :

  • Celui où il ne se perçoit que comme un « mauvais objet », ce qui le complexe profondément et le pousse à s’effacer devant les autres ou à adopter une posture de pseudo-humilité.

  • Celui où son faux self agit comme une compensation de ce « mauvais objet » qu’il croit être, en prenant une posture passive-agressive, jamais frontale.

Puisqu’il n’a pas accès au « Je suis », cet état d’être libre de toute définition de soi, il est convaincu d’être ses pensées et croyances négatives. Et s’il n’est que ses pensées négatives, alors il lui faut devenir leur contraire : des pensées positives idéalisées.
C’est pourquoi son faux self endosse un personnage fictif, construit autour d’une pseudo-humilité, d’une pseudo-impeccabilité, voire d’une perfection divine illusoire.

Cependant, à un niveau inconscient, il demeure convaincu d’être fondamentalement mauvais. Malgré ses efforts pour masquer cette conviction, sa frustration et son amertume finissent par se manifester sous la forme d’une agressivité passive – non exprimée de manière frontale. En conséquence, il n’obtient pas la provision narcissique dont il a désespérément besoin pour se sentir exister.

Son syndrome dissociatif : dépersonnalisation et déréalisation

En raison de la terreur du monde extérieur générée par ses traumatismes et son vide intérieur, le narcissique caché adopte des mécanismes de défense qui lui permettent d’éviter d’y faire face. Les plus courants sont l’isolement, la distance psycho-émotionnelle, le contrôle des autres par l’agression passive et le traitement silencieux. Cependant, pour exister, il peut adopter un personnage fictif qui lui permet de s’approcher des autres en les attirant par sa pseudo-humilité.

Enfermé dans son monde d’amertume, il manque de joie de vivre, de spontanéité et d’authenticité. Dissocié de lui-même, et sans accès à son véritable « Je suis », il se protège du monde extérieur en se réfugiant dans un univers à la fois infantile, et souvent illusoirement spirituel ou religieux. Cet univers imaginaire s’appelle « paracosme ».

En réalité, le narcissique caché souffre d’un syndrome dissociatif qui l’amène à un état de dépersonnalisation et de déréalisation.

La dépersonnalisation survient lorsqu’il ne parvient pas à intégrer sa perception de lui-même avec son sentiment d’identité. Autrement dit, il s’observe de l’extérieur, recevant toutes sortes d’informations sur lui-même sans pour autant s’y sentir relié. Pour lui, ces informations ne sont que de simples données, ce qui entraîne un phénomène appelé en psychologie clinique « l’éloignement ».

La déréalisation se manifeste lorsqu’il n’arrive pas à intégrer sa perception du monde extérieur à sa propre identité. Il perçoit alors son environnement comme irréel, distant ou artificiel, ce qui accentue son sentiment de vide intérieur et son besoin de contrôle. Pour plus d’information consultez cet article : La dépersonnalisation et la déréalisation.

Par conséquent, peu à peu, il en vient à ressembler à une sorte d’humanoïde, dépourvu d’émotions positives, et incapable d’établir des relations authentiques avec autrui.

Son complexe d’infériorité

Le narcissique caché vit dans une morosité chronique ou un sentiment d’anéantissement, parfois même une dépression sourde. Pourquoi ? Parce qu’il est resté figé dans son passé, prisonnier d’une enfance marquée par des messages destructeurs qu’il a introjectés de ses parents, et pris pour des vérités. Au fond de lui, il est convaincu que ces derniers ne lui ont jamais accordé le droit d’exister pleinement, de s’affirmer, ni même d’exprimer sa joie de vivre.

Cette blessure archaïque nourrit en lui une rancune tenace, un ressentiment profond qu’il retourne contre lui – et souvent contre les autres, à la manière d’une colère passive. C’est pourquoi, il porte son complexe d’infériorité comme une seconde peau, insidieusement mêlé à une forme de paranoïa masquée.

À cela s’ajoute une humiliation enfouie, jamais digérée, qui alimente une honte toxique et un apitoiement permanent. La moindre critique, le moindre jugement, l’échec le plus anodin : tout le percute de plein fouet. Il est hypersensible, à vif.

Se sentant constamment en déficit de valeur, il redouble d’efforts pour se rendre utile, pour se faire accepter, ou encore pour atteindre enfin le succès tant attendu dans ses projets. Mais ses traumatismes le freinent, le sabotent. Ses actions manquent d’impact ou de constance, car il méprise les autres ou plus simplement, il ne les voit pas ou ne l’intéressent pas.

Pour toutes ces raisons, il se retrouve privé de cette « provision narcissique » vitale à son équilibre – ce carburant psychique qui lui permettrait enfin de se sentir exister. Découvrez l’article sur le sujet en cliquant sur le titre : La provision narcissique.

Ses voix intérieures

Le complexe d’infériorité du narcissique caché est alimenté par une multitude de voix intérieures qui hantent son esprit. Ces voix, surgies du passé, forment une coalition toxique qui alimente son insécurité ontologique. Elles répètent inlassablement des messages dévalorisants, anxiogènes, auxquels il s’identifie comme si les figures qui les prononçaient étaient encore réelles et présentes.

Ce sont des messages explicites ou implicites provenant de son parent abusif – ou d’autres figures marquantes – qu’il a introjectés et profondément intériorisés durant l’enfance.

Par exemple, un juge intérieur, froid et implacable, lui assène qu’il est un mauvais objet : nul, imparfait, incorrect, inexistant, incompétent, indigne, inadéquat, inutile, inefficace, insignifiant, etc. Il s’identifie non seulement à ce « persécuteur intérieur », mais aussi à l’enfant blessé qui encaisse ces jugements – devenu, lui aussi, un objet interne.

De là émerge un mécanisme de comparaison et de jugement de soi, qui le pousse à une auto-dévalorisation extrême. Mais comment se défend-il face à ces voix intérieures qui l’assaillent et le détruisent en silence ? Il les projette à l’extérieur, sur les autres, sous la forme d’une colère passive – subtile, contenue, mais profondément corrosive.

Son anxiété chronique et sa paranoïa

Comme nous l’avons vu, le psychisme du narcissique caché est envahi par une insécurité ontologique profonde, ainsi que par un syndrome dissociatif qui le pousse à s’éloigner des autres. Cette insécurité est si enracinée qu’il ne possède ni confiance en lui, ni estime de soi suffisante pour s’affirmer de manière adulte. Il réagit plutôt comme un petit enfant effrayé, qui s’éloigne des autres pour se rassurer.

Ses défenses narcissiques étant extrêmement fragiles, il devient hypersensible à la critique. Il redoute l’abandon, le rejet, l’humiliation, la trahison ou l’injustice ou bien simplement le jugement des autres.

Cette peur constante le rend profondément anxieux et défensif. Ses principales défenses face à cette menace psychique illusoire sont le mépris des autres et l’éloignement. En dévalorisant ceux qui l’entourent ou en disparaissant de leur vue, il tente de restaurer, temporairement, une illusion de sécurité qui masque sa profonde insécurité.

En réalité, cette peur n’est rien d’autre qu’une manifestation de sa paranoïa latente – une paranoïa qui réactive en lui un sentiment d’inexistence, d’impuissance et d’insuffisance.

Il peut également être envahi par des pensées catastrophiques, où il se perçoit comme un mauvais objet : incorrect, indigne, condamné à être jugé, rejeté, expulsé de la société pour des fautes – réelles ou imaginaires. Il ressent alors une angoisse existentielle intense, face à la possibilité d’échouer, d’être un raté, et, au fond, de ne pas pouvoir survivre. Consultez l’article sur le sujet en cliquant sur ce titre suivant : La paranoïa des narcissiques.

Son absence, son manque de présence et d’engagement

En raison de sa paranoïa, le narcissique caché ne s’engage pas émotionnellement avec les autres, car il est dissocié aussi bien de ses propres sentiments que de la réalité. Craignant le regard et les réactions des autres à son égard, il devient profondément autocentré, ainsi qu’effacé. Terrifié à l’idée d’être observé ou d’être jugé, il s’imagine en permanence entouré de regards posés sur lui. Il se replie alors sur lui-même et devient émotionnellement absent.

Dans des contextes inconnus ou stressants, il peut être sujet à des explosions de panique, des crises d’angoisse, et sombrer dans un catastrophisme extrême – tout en blâmant la personne qui se trouve à ses côtés. Dans les cas les plus sévères, il se dissocie à un tel point qu’il devient totalement inexpressif. Mais en érigeant cette barrière émotionnelle pour se protéger, il se coupe aussi de ses proches, sauf pour leur rendre des services.

Son identification au parent abusif

Comme tous les enfants, le narcissique caché s’est identifié au parent maltraitant, s’attachant à lui et le transformant en son principal objet interne : un abuseur idéalisé.

Il a introjecté (avalé), incorporé (consommé) et intériorisé (digéré) son parent maltraitant, au point d’adopter ses valeurs, ses caractéristiques, ses qualités, ses comportements, ainsi que les messages toxiques transmis à travers des maltraitances corporelles et psycho-émotionnelles. Il a absorbé également sa honte profonde et son anxiété chronique – restant ainsi fidèle à lui.

Dans sa vie d’adulte, il projette l’image de ce parent abusif sur ses proches, anticipant rejet ou trahison, ce qui renforce son incapacité à faire confiance et à créer des relations adultes. Rempli de honte toxique, il détruit les relations qui pourraient être positives, en se retirant émotionnellement ou en adoptant des comportements destructeurs – recréant ainsi le cycle de rejet et d’humiliation. Il continue alors de nourrir une affectivité négative, qu’il projette sur les autres de manière insidieuse et passive.

Son affectivité négative

En psychologie, l’affectivité négative (AN) désigne la tendance constante à éprouver des émotions négatives, telles que l’anxiété, la tristesse, la colère, l’envie corrosive et la rage narcissique.

Si un narcissique classique entre dans un état d’effondrement et échoue continuellement à obtenir sa provision narcissique – parce qu’aucune stratégie ne fonctionne – alors il restera enfermé dans un état permanent de ressentiment, d’amertume, d’envie corrosive, de rage refoulée et de colère déplacée.

Le narcissique caché, bien que fragile, éprouve les mêmes émotions négatives – mais elles s’expriment de façon plus passive, et non moins destructrices. Il reste un prédateur frustré, qui a peut-être échoué à sécuriser une proie. Mais il demeure obstiné, déterminé à se venger en infligeant aux autres sa colère passive.

Comment cette colère passive se manifeste-t-elle ? Les schémas de comportement et le discours du narcissique caché sont souvent conçus pour inverser, saper, voire ruiner les échanges interpersonnels. Son mode relationnel est marqué par une approche nihiliste : il ne cherche pas à comprendre, à construire ou à partager, mais à blesser, à démolir, ou à rendre toute communication impossible.

Le narcissique caché se montre silencieux, retient son affection et ne manifeste aucune émotion. On parle alors d’affect réduit. Son attachement est généralement plat. Il est une identité d’absence, un vide, un trou noir, beaucoup plus que les narcissiques classique – manifestes ou grandioses.

En apparence, son discours semble inoffensif, innocent, bien intentionné et amical. Pourtant, vous ressentez une intuition tenace : en sous-texte se cachent l’envie, la haine et le ressentiment, ainsi qu’une volonté sournoise de vous blesser, de vous rejeter ou de vous nier. Ce décalage entre le texte visible et le texte caché crée un malaise et un conflit intérieur, nourris en permanence par ses attitudes passives agressives.

Sa perception altérée et le manque de fonctions cruciales de l’ego

L’incapacité du narcissique caché à atteindre une autonomie émotionnelle déforme sa perception de lui-même et du monde qui l’entoure. Son noyau identitaire schizoïde et son faux self ont engendré une structure psycho-émotionnelle très fragile et un ego dysfonctionnel.

Cela signifie qu’il est incapable d’examiner correctement la réalité. Il ne parvient pas à distinguer ses « objets internes » mentaux des objets externes, c’est-à-dire les personnes de la réalité extérieure. Il gère mal ses impulsions, souffre d’une dérégulation émotionnelle, et présente une faible capacité cognitive émotionnelle. De plus, son jugement est souvent altéré, et ses mécanismes de défense sont immatures et infantiles. Lisez l’article intitulé Les fonctions cruciales de l’ego.

Identifié à son « noyau schizoïde » et à son « faux self », il vit dans un état hypnotique qui lui fait percevoir le monde comme irréel, distant, falsifié et dénué de vie. Et puisqu’il ne vit que dans son mental, il rumine les messages toxiques provenant de ses « objets internes », c’est-à-dire les parents qu’il porte dans son psychisme. Il lui est donc difficile de s’engager dans la réalité de la vie.

Comment le narcissique caché compense-t-il ses insuffisances ?

Eh bien, en se servant de son faux self, il se réfugie dans le « paracosme » de sa petite enfance. Il s’agit d’un monde imaginaire peuplé à la fois de monstres et d’amis imaginaires, régi par une religion destinée à combattre le mal, ainsi que d’un paradis gouverné par une divinité bienveillante qui le protège.

Il nourrit ce type de rêves par des lectures et des activités qui lui confirment qu’il est une bonne personne. Ainsi, il tente de compenser l’image du « mauvais objet » qu’il croit être, autant qu’à combler son vide abyssal par des rêves, des fantasmes, des illusions de perfection divine et des fabulations. Puisqu’il oublie son vécu, il se raconte des histoires pour pallier le manque de souvenirs. Il ne ment donc pas, car il croit à ses propres fabulations.

Pour cette raison, il rejette tout processus d’introspection qui pourrait le mener à affronter sa propre réalité. Plutôt que d’aller à la rencontre de ses angoisses, de sa paranoïa, de sa déréalisation, de sa dépersonnalisation et de ses comportements passifs-agressifs, il choisit de se réfugier dans ses fantasmes, ses fabulations ou ses rôles fictifs.

Un autre mécanisme défensif : l’effacement

Il est essentiel de comprendre que le narcissisme pathologique est intrinsèquement lié aux interactions avec autrui. Contrairement aux narcissiques classiques, qui s’exhibent pour attirer l’attention, les narcissiques cachés adoptent une posture d’effacement ou de distance et de victimisation.

L’un des mécanismes de défense du narcissique caché consiste à disparaître, à s’effacer. C’est ainsi qu’il s’est protégé de l’agression de ses parents et, à l’âge adulte, il généralise ce comportement à l’ensemble des relations humaines.

Il vous dit implicitement : « Tu ne peux pas me faire du mal, car je ne suis pas là. Je disparais de ta vie, ou je m’efface même si je vis avec toi. » Il fait donc l’autruche en se servant de sa pensée magique.

Sa tendance à l’isolement et son identification projective

Une autre manière pour lui de compenser ses insuffisances repose sur des mécanismes de défense tels que l’isolement et l’identification projective. Le narcissique caché s’isole – sinon socialement, du moins émotionnellement. Pourquoi ? Les observations du célèbre psychanalyste autrichien Otto Kernberg nous éclairent sur ces deux mécanismes.

  • L’isolement : Ce mécanisme défensif permet au narcissique caché de préserver, dans son imaginaire, un sentiment de grandeur. Il méprise ceux qui l’entourent et se considère comme supérieur, spécial, unique, voire omniscient.

  • L’identification projective : ce mécanisme défensif implique qu’il projette sur les autres tout ce qu’il ne peut tolérer en lui-même, notamment ses « voix intérieures » qui lui disent qu’il est un « mauvais objet ». Il prête aux autres ses pulsions inacceptables, issues de croyances limitantes, d’émotions négatives ou de traits de personnalité qu’il juge indésirables. Il projette également sur autrui ses sensations désagréables, comme le stress lié à des responsabilités qu’il refuse d’assumer.

Ce processus permet au narcissique caché – en proie à un conflit interne générateur de colère – de renverser la situation. Plutôt que de reconnaître qu’il ressent de la colère, de l’animosité, voire de la haine, il se persuade : « Ils me blessent. Ils me détestent. » Ainsi, par la projection, il évite toute responsabilité, tant pour les souffrances qu’il cause que pour sa propre pathologie qu’il refuse d’admettre.

Parfois, sa projection se transforme en paranoïa. Il en vient à croire que les autres complotent contre lui. Ce sont là ses idéations paranoïdes, marquées par le sentiment d’être un « mauvais objet », par une anxiété constante teintée de catastrophisme, par la suspicion, l’hypervigilance permanente, ainsi que ses fantasmes de grandeur : il se sent alors au centre de l’attention et du regard d’autrui. Il s’agit là d’une auto-provision narcissique.

Ces deux mécanismes – l’isolement et la projection – constituent des défenses contre ses insuffisances, son vide intérieur, la fragmentation de son moi, et sa propre dévalorisation.

Les rêves du narcissique caché

Une autre compensation que le narcissique caché utilise pour pallier ses insuffisances est la rêverie. Pour compenser son noyau schizoïde, son insécurité ontologique, sa pulsion de mort, son vide abyssal, son complexe d’infériorité, sa honte toxique, son anxiété et son effondrement partiel chronique, il se réfugie dans le rêve.

Comme nous l’avons vu, il vit dans un monde infantile appelé « paracosme », un univers imaginaire peuplé d’amis fictifs et de symboles hiérarchisés, grâce auxquels il peut se sentir protégé et se placer au-dessus des autres.

Tout comme les narcissiques classiques, il rêve également de succès, de pouvoir, d’argent, de contacts, de célébrité et de notoriété. Cependant, en raison de ses insuffisances, ses rêves restent toujours inaccomplis. Malgré ses efforts, il est incapable d’en tirer sa provision narcissique.

Il génère donc une auto-provision narcissique en s’imaginant, par exemple, des conflits où il sort toujours vainqueur. Ou bien, il rêve d’atteindre la perfection divine, une conscience éclairée ou une omniscience. Ces idées reposent sur la pensée magique plutôt que sur de véritables connaissances ou des recherches approfondies.

Certains narcissiques cachés rêvent d’un univers spirituel où ils pourraient vivre dans un bonheur absolu, sans jamais ressentir la moindre douleur. Pour cette raison, ils sont attirés par une spiritualité illusoire ou une philosophie abstraite, déconnectée de la réalité et fondée sur des processus auto-hypnotiques. Ils façonnent ainsi une religion personnelle ou s’adonnent à une quête spirituelle purement imaginaire où, sans s’en rendre compte, leur « faux self » devient leur dieu.

Ainsi, les narcissiques cachés devenus coachs autoproclamés, se croyant « hors humains », prolifèrent sur Internet, proposant des activités hypnotiques censées mener vers des sphères « cosmiques » qui, à mon avis, sont plutôt « comiques ».

L’anti-narcissique

Si un narcissique caché devient « anti-narcissique », ses fantasmes se tournent plutôt vers la défaite, l’autodénigrement, le dépouillement et l’humiliation, car ce type de narcissique est extrêmement masochiste. Il dirige sa fureur contre lui-même et se punit constamment, mais dans cette activité, il éprouve un sentiment de grandeur.

  • Il sape son travail, ses études, ses relations et ses efforts, et en s’infligeant des échecs successifs, il se sent maître de son destin.

  • À ses yeux, ses tribulations et ses angoisses le rendent unique, vertueux, saint ou important et très spécial.

  • Ainsi, il génère sa propre provision narcissique à travers ses défaites. Plus son angoisse et son malheur grandissent, plus il se sent soulagé et exalté.

Les rêveries des narcissiques cachés sont directement liées à leur type de religion ou de spiritualité. Celles de l’anti-narcissique se retournent contre lui-même. Par exemple, il se convainc d’être une mauvaise personne, une ordure, voire un démon. Ce type de pensées compulsives, tournées contre lui-même, lui permet de fuir l’effroi de son vide abyssal et de son insécurité ontologique.

Le moment est arrivé de vous poser une question.

Votre père était-il un narcissique caché ?

Si l’un de vos parents était un narcissique caché, il ou elle était inévitablement absent(e), malgré sa présence physique. Il faut savoir que le narcissique caché ne s’aime pas, et n’aime personne – même s’il lui arrive parfois d’avoir les larmes aux yeux, croyant ressentir un amour infini dans un état régressif.

En réalité, il lui est très difficile d’aimer et d’entretenir des relations authentiques, fondées sur le respect des besoins légitimes, de l’altérité et des limites de ses proches – y compris celles de ses enfants. Dans l’enfance, il a confondu l’amour avec l’abus dont il a été l’objet. Il est donc un enfant dextrement blessé, terrifié à l’idée de l’intimité, la proximité, les attentions et l’amour.

En raison de son noyau schizoïde, il ou elle était profondément méfiant(e), parfois jusqu’à la paranoïa. Inconsciemment, il vous évitait, ne communiquait rien, ou ne disait que le strict minimum. Peut-être accordait-il plus d’attention à ses occupations qu’à vous. Il ne vous regardait pas, ne vous offrait ni amour ni attention – et cela vous a brisé le cœur.

S’il était fortement dissocié et schizoïde, non seulement son regard était fuyant, mais il ne communiquait pas avec vous et ne manifestait aucun intérêt pour ce que vous étiez. En vérité, il était passif-agressif. Dans ce cas, vous aviez certainement peur de lui – et vous avez peut-être fait l’expérience de la vallée de l’étrange. Voyons ce que cela signifie.

La vallée de l’étrange

La vallée de l’étrange est un concept développé par le roboticien Masahiro Mori. Il désigne le sentiment d’étrangeté que nous ressentons face à des robots humanoïdes dont l’apparence et les comportements ressemblent trop à ceux des êtres humains.

Le narcissique caché produit ce même type de sensation. Il perturbe ainsi l’évolution psycho-émotionnelle de ses enfants, qui se retrouvent extrêmement déstabilisés, frustrés, voire effrayés face à cet humanoïde dépourvu de véritable regard et incapable de communication authentique avec eux. Ils resteront traumatisés à vie et porteront à jamais ce parent psycho-émotionnellement absent comme un fantôme dans leur psychisme.

La pensée magique du narcissique caché

Le narcissisme caché, comme tout autre type de narcissisme, reste bloqué dans la phase égocentrique, où les enfants recourent à la pensée magique pour interpréter ce qui leur semble incompréhensible, donner du sens à l’insensé et instaurer de l’ordre dans un chaos terrifiant.

La pensée magique correspond à cette croyance de l’enfant selon laquelle il peut influencer la réalité extérieure par ses pensées. C’est une forme de pensée illusoire normale à ce stade égocentrique de son développement. Cependant, lorsqu’un adulte conserve ce type de croyance illusoire, cela révèle un processus pathologique sous-jacent.

C’est le cas des narcissiques cachés, qui pensent que tout ce qu’ils imaginent est vrai.
Ils croient pouvoir affecter, changer ou modifier la réalité en se concentrant sur ce qu’ils désirent. Pour eux, la réalité devient une extension et une invention de leur esprit, car tout se joue dans leur tête. Cela explique les comportements que vous découvrirez dans les paragraphes suivants.

Ses stratégies pour attirer les autres

Le narcissique caché se rapproche des autres en offrant ses services sous un masque d’amabilité, parfois débordante. Il cherche ainsi à obtenir leur acceptation, leur pitié ou leur compassion.

Lorsqu’on lui demande de l’aide, il peut réagir comme pour dire : « Bien sûr, je peux t’aider, mais ne me fais pas de mal, je suis sans défense. » C’est une attitude d’autovictimisation teintée de paranoïa, qui peut susciter de la pitié, mais aussi du dégoût.

Étant donné que sa libido est entièrement centrée en lui-même, lorsqu’il cherche à séduire, il se présente comme un enfant vulnérable, semblant dire implicitement : « Prends soin de moi, je suis sans défense. J’ai besoin de toi. » Il active ainsi l’instinct maternel de la personne qu’il cherche à séduire pour qu’elle prenne soin de lui.

Cependant, il ne peut pas offrir une relation vraiment adulte, fondée sur l’altérité de chacun, sur une communication pleine d’énergie vitale et basée sur l’égalité. Il ne peut pas non plus offrir une sexualité chargée de force érotique, car il est autoérotique.

Comment fonctionnent-ils dans le monde ?

Pour fonctionner dans le monde, les narcissiques cachés utilisent un personnage fictif d’apparence modeste, aimable, humble et extrêmement serviable, qui leur permet de se convaincre qu’ils sont des « bons objets » et que les autres les accepteront pour cette raison.

Selon leur structure de caractère et leurs compétences, certains peuvent choisir un métier qui leur permet de vivre en solitaire. D’autres s’engagent dans des activités de service, dans l’espoir d’être acceptés. D’autres encore occupent des postes où ils rêvent constamment de progresser dans l’échelle de leur entreprise, sans jamais atteindre le sommet.

Certains adoptent un chemin religieux ou spirituel pour compenser leur vide intérieur. Par exemple, ils s’isolent dans un ashram pendant plusieurs années, ou deviennent nonnes ou prêtres. Dans ce cas, la divinité imaginaire qu’ils vénèrent n’est rien d’autre que leur propre « faux self », qu’ils appellent « mon être profond » ou « mon Dieu ». À l’inverse, certains sombrent dans la toxicomanie ou l’alcoolisme.

Cependant, du point de vue de leur quête, choisie en réaction à leur insécurité ontologique, un centre de méditation ou un groupe de toxicomanes reviennent au même, car leur cathexis, ou énergie libidinale, est entièrement investie dans leur personnage fictif : leur « faux self ».

Comment obtiennent-ils leur provision narcissique ?

En raison de tout ce qui a été décrit précédemment, les narcissiques cachés cherchent une provision narcissique en portant divers masques.

La provision narcissique est la « nourriture » psycho-émotionnelle dont dépendent les narcissiques pathologiques pour maintenir un sentiment d’équilibre et d’autorégulation, ou pour soutenir leur économie interne, à travers des sources externes. Vous pouvez lire un article très complet sur le sujet en cliquant ici : La provision narcissique.

Dans le cas des narcissiques cachés, cette provision est obtenue davantage à travers leurs fantasmes que par des réalisations concrètes, contrairement aux narcissiques classiques. Comme nous l’avons vu, l’un des fantasmes inconscients du narcissique caché est d’atteindre la perfection.

Si, à force d’efforts pour atteindre cette perfection, il parvient à se forger une bonne réputation, celle-ci restera liée à une situation où il vit par procuration – c’est-à-dire un lieu, une position ou un rôle – d’où il soutire sa provision narcissique. Par exemple, il peut devenir religieux ou spirituel, et même narcissique communautaire.

Le narcissique caché pro-social ou communautaire

La cathexis du narcissique caché, c’est-à-dire son énergie libidinale, est entièrement investie en sa vision autoréférentielle et jugeante de lui-même et du monde. C’est pourquoi il évite de s’exposer à des situations comportant un risque de rejet, de critique ou d’humiliation et développe ce qui s’apparente à un trouble de la personnalité évitante, caractérisé par une absence psychoaffective et un refus de tout échange qualitatif ou significatif avec autrui.

Cependant, dans certains cas, il peut adopter un comportement pro-social ou communautaire. Par exemple, de nombreux narcissiques cachés ont tendance à se réfugier dans la spiritualité. Dans ce contexte, ils entretiennent des relations, et entraînent les autres vers les « sphères supérieures » de leur propre délire, en particulier lorsqu’ils deviennent coachs, gourous, guides ou thérapeutes spirituels. Bien que leur cathexis semble investie dans les autres, en réalité, ils ne font que puiser leur provision narcissique derrière le masque de la spiritualité ou de leur prétendue guidance ou religiosité.

Si la personne est ostentatoire dans sa pratique religieuse, si elle s’en vante, si elle l’exhibe de manière démonstrative, si elle attire l’attention dessus, si elle exige ou attend des éloges ou de la gratitude… cette personne est narcissique. Ce qu’on appelle un narcissique prosocial ou communautaire. Ce type de personne exploite la religion et la croyance (souvent délirante) des autres en Dieu comme un outil pour obtenir de l’attention.

Souvenez-vous que le narcissisme pathologique tourne entièrement autour de sa provision narcissique. Tout est fait pour obtenir cela. Donc, la personne faussement religieuse, le faux dévot, est un imposteur narcissique qui utilise et abuse des croyances religieuses, des principes, de l’histoire, de la ferveur des autres – tout ce qui touche à Dieu – afin de s’assurer un flux régulier et prévisible de provision narcissique. Dieu n’est qu’un instrument, un outil, un moyen. Le but, c’est le narcissique lui-même.

Quand vous voyez quelqu’un qui fait tout pour démontrer, de manière visible et exagérée, à quel point il est proche de Dieu, à quel point il est moral, éthique, spirituel, qu’il est un canal pur de communication divine, et qu’il se positionne comme étant sur un plan moral supérieur – vous savez alors qu’il est simplement à la recherche d’attention. C’est un narcissique communautaire. Tout est faux. Cela n’a rien à voir avec une vraie foi. Cette personne n’est pas dans l’illusion au sujet de Dieu, elle est dans l’illusion au sujet d’elle-même.

Son contrôle détourné fondé sur sa pensée magique

Le contrôle détourné est le résultat d’une cathexis uniquement investie en lui-même, ainsi que de sa colère passive et de son auto-effacement, qui le poussent à l’autosabotage.

Dépourvu des fonctions cruciales de l’ego, il contribue inconsciemment à sa propre maltraitance par les autres, car il ne fixe pas de limites et n’exprime sa colère que sous la forme d’une agressivité passive, déguisée en calme et équanimité.

Par exemple, si sa femme le trahit et l’humilie publiquement, il se dit : « Tu ne me feras rien ressentir, car c’est moi qui t’ai poussée à me trahir. C’est moi qui contrôle tes réactions. De toute façon, quoi que tu fasses, je ne suis pas là, car je m’efface, je suis inaccessible. »
Ce type de contrôle illusoire lui permet d’éviter de ressentir sa souffrance.

Un autre exemple de contrôle détourné est lorsqu’il perd ses possessions faute de se défendre. Il se crée alors des justifications illusoires, se persuadant qu’il garde le contrôle des situations. Il s’imagine qu’il abandonne volontairement ses biens au profit des autres.
Ainsi, s’il perd son argent en faisant de mauvais investissements avec des escrocs, il peut penser inconsciemment : « C’est moi qui me détruis. Je suis voué à l’échec, cet escroc n’était qu’un outil de mon autodestruction. »
Ou encore : « C’est moi qui ai incité cette personne à abuser de moi. J’ai contrôlé la situation, car même si elle m’a humilié, je me suis effacé, je n’étais pas vraiment là. »

Il recadre ainsi les situations pour échapper à la mortification, à l’humiliation et à la honte. Cependant, son autosabotage le frustre, car non seulement il perd sa dignité, mais il doit aussi restreindre ses dépenses.

Sa rage narcissique

En raison de son contrôle intérieur, un narcissique caché peut passer des années sans exprimer sa rage, celle-ci étant entièrement refoulée.

  • Ses émotions sont sombres, insidieuses et dissimulées, car il rumine sa honte, sa frustration chronique et une envie corrosive soigneusement camouflée.

  • Pour cette raison, il projette sa frustration sur les autres sous forme de rancœur, d’animosité, de mépris prononcé, de jugements, de critiques ou de moqueries acerbes.

  • Sa rage destructrice se manifeste par une agressivité passive et une opposition constante envers la personne qu’il considère comme son rival ou qu’il souhaite détruire.

Leur sexualité : l’autoérotisme

Si les narcissiques cachés vivent principalement dans leur monde illusoire, quel type de sexualité présentent-ils ? Puisque l’énergie libidinale et érotique des narcissiques cachés n’est investie qu’en eux-mêmes, ils sont autoérotiques. Pour cette raison, beaucoup adoptent des comportements compulsifs liés à la sexualité.

Par exemple, ils deviennent dépendants de la pornographie et peuvent contraindre leur partenaire à accepter des pratiques sadomasochistes. Ils projettent leurs traumatismes sur cette personne tout en cherchant à être maltraités. Cependant, ils sont terrifiés à l’idée d’être humiliés pour leurs préférences sexuelles.

Le Professeur Sam Vaknin affirme que certains ont tendance à la paraphilie. Il s’agit de l’excitation sexuelle à l’égard des enfants, des cadavres ou des animaux. L’inceste est également un comportement typique des narcissiques cachés.

  • Lorsqu’ils abusent sexuellement d’un enfant, ils utilisent le décervelage hypnotique connu sous le nom de « gaslighting ».

  • Ils font cela en se cachant derrière leur personnage fictif. Ainsi, quoi qu’il arrive, c’est à leur personnage que cela arrive, et non à eux.

  • Les pédophiles qui se consacrent à acheter les services des enfants sur internet pour abuser d’eux, sont souvent des narcissiques cachés.

Les deux compensations principales

Comme nous l’avons vu, les narcissiques cachés sont tellement brisés, voire cassés, qu’ils permettent aux autres de profiter d’eux sans opposer de résistance. Cependant, il leur arrive de compenser leur honte toxique, leur mortification et leur effondrement partiel chronique.

  • La première compensation est l’agression passive, extrêmement cruelle, par laquelle ils obtiennent un sentiment de toute-puissance et d’omniscience.

  • La deuxième compensation est une psychopathie primaire. Dans ce cas, ils utilisent leur personnage fictif pour entrer dans la vie de quelqu’un afin de lui voler sa vie.

Cela ne fait qu’aggraver leurs comportements, car ils deviennent encore plus autodestructeurs et destructeurs qu’ils ne le sont déjà.

Examinons les comportements du narcissique caché passif-agressif.

Le narcissique caché, passif-agressif,
et sa rage narcissique silencieuse


Imaginez une prison sans murs, une cage invisible où chaque sourire cache une intention, et où le silence comme l’absence de communication, deviennent des armes de destruction psychique. Vivre avec un narcissique caché, passif-agressif, c’est cela : une relation qui ne semble pas toxique au premier regard, mais dans laquelle on finit par s’épuiser, et finalement, s’éteindre.

Ce type de personnage avance masqué. Il se montre humble, bienveillant, parfois même touchant. Mais derrière cette façade, une autre réalité se cache : celle d’un prédateur subtil, qui rabaisse sans hausser le ton, isole sans interdire, et fait passer ses besoins et son contrôle de vous avant votre équilibre. Ses attaques sont rarement frontales : elles sont feutrées, déguisées, presque invisibles. Et pourtant, elles laissent des traces bien réelles – dans le psychisme, dans le cœur, et dans l’énergie vitale de sa victime qui s’épuise lentement.

Quand le narcissique caché utilise la passivité agressive comme compensation de sa psychopathie, il paraît plus stable qu’un narcissique timide. Moins fragile en apparence. Cette posture lui permet de continuer à fonctionner socialement, tout en projetant sur les autres sa propre rage narcissique jamais exprimée, ses blessures et insuffisances. Ce qu’il n’a pas pu dire à un parent abusif ou absent, il le fait payer aux autres : à travers des comportements indirects, blessants, mais difficiles à prouver.

Comment le reconnaître ?

Le narcissique caché passif-agressif n’est pas facile à identifier. À première vue, il paraît discret, intéressant, cultivé – parfois même admirable. Il affiche une modestie tranquille, une certaine humilité, et se montre souvent serviable. Tout en lui, inspire l’image d’une personne distinguée, digne, posée, presque rassurante. Mais derrière cette façade se cache une autre réalité.

Ses rêves de reconnaissance, de réussite, d’admiration ou de pouvoir restent, le plus souvent, hors de portée. Cet écart entre ce qu’il espère et la pauvre provision narcissique qu’il obtient engendre une frustration profonde, persistante. Avec le temps, cette frustration se mue en colère – et en une envie corrosive bien occultée.

Chez lui, la colère ne s’exprime jamais de façon ouverte. Elle est contenue, enfouie. Il refoule ses émotions négatives sans même en avoir conscience. Mais elles ne disparaissent pas pour autant. Elles fermentent en lui : frustration, rage, anxiété... Et plutôt que de les affronter, il les projette sur les autres. Cela prend la forme d’un mutisme pesant, d’un mépris voilé, ou d’un retrait soudain et glacial. Ce sont ces comportements passifs-agressifs qui deviennent les véritables signaux de son mal-être – et de son fonctionnement toxique.

Sa tendance à l’isolement

Chez le narcissique caché passif-agressif, l’isolement n’est pas un simple retrait ni un besoin de solitude. C’est une manière détournée de projeter sur les autres ce qu’il ne peut tolérer en lui-même. Ce repli traduit une forme de paranoïa : une méfiance profonde envers le monde, une peur diffuse d’être jugé, trahi, humilié ou démasqué. Soupçons d’intentions cachées, scepticisme, hypervigilance et catastrophisme colorent ses idéations.

Cette tendance se manifeste par une mise à distance subtile, mais constante. Il s’isole dans un monde où règnent la contradiction et la dissonance, où les proches deviennent des sources constantes de déception ou d’une hostilité non exprimée. Ce retrait s’accompagne souvent de mépris, d’un désintérêt feutré pour les relations humaines, et d’un enthousiasme éteint pour tout ce qui touche à la vie commune.

S’y ajoute une arrogance discrète – un sentiment de supériorité qu’il n’exprime pas directement, mais qui transparaît dans sa posture corporelle, ses silences, ses regards, ses jugements implicites. Paradoxalement, il se place aussi dans une position de victime. Il se sent incompris, mal aimé, négligé – et cette posture lui donne, à ses yeux, tous les droits sur ceux qui l’entourent, surtout vous, sa partenaire intime. C’est une forme d’autovictimisation stratégique, qui justifie son comportement et le rend intouchable.

Malgré cela, il tient à préserver une image socialement acceptable. Il soigne son apparence, cultive une façade de modestie ou d’intégrité irréprochable. Ce masque l’aide à éviter les critiques, à se protéger de l’humiliation, et à conserver une certaine idée grandiose de lui-même, toujours soigneusement cachée.

Son sabotage sur le lieu de travail

Lorsqu’un narcissique caché passif-agressif évolue dans un environnement professionnel – que ce soit comme collègue, partenaire ou associé – son agressivité ne se manifeste pas de manière frontale. Elle s’exprime plutôt à travers des comportements ambigus, difficilement condamnables au début, mais profondément déstabilisants sur la durée.

Il peut feindre l’engagement et montrer une participation de surface, tout en sabotant le bon déroulement des tâches. Il refuse les suggestions, adopte une posture de supériorité teintée d’ironie, oscille entre nonchalance et rigidité, se montre peu motivé, souvent négligent, et laisse traîner les choses sous prétexte de réflexion ou de surcharge. Par son absentéisme, son absence émotionnelle, et ses promesses rarement tenues, il s’emploie à ralentir le rythme du travail – souvent même le vôtre. Vous le surprendrez distrait, l’esprit ailleurs, l’œil perdu devant un écran, occupé à rêver plus qu’à produire ou à créer.

Ces attitudes ne sont pas anodines. Elles sont le fruit d’un conflit intérieur très ancien. S’il a grandi sous l’autorité d’un parent dominateur, qui lui a imposé des responsabilités écrasantes, il développera, une fois adulte, une résistance quasi systématique à toute forme d’autorité. Chaque demande, chaque consigne est perçue comme une atteinte à sa liberté, comme une injustice. Il se positionne alors en victime d’un système qu’il juge corrompu, incompétent, oppressant ou compétitif ou de vous, à qui il voit comme l’autorité.

Et puisqu’il se sent lésé, défavorisé et amoindrit dans sa confiance en soi, il se donne le droit de rejeter la faute sur les autres – en particulier ceux qu’il considère comme des figures d’autorité. Lorsqu’il fixe des limites, ce n’est pas pour préserver un cadre sain, mais pour affirmer un pouvoir. Il confond la notion de limites avec celle d’opposition, et utilise cette confusion comme une arme pour éviter la collaboration ou la remise en question.

Sa difficulté à apprendre de nouvelles compétences s’ajoute à la confusion qu’il génère.
Il oublie les détails, survole les sujets ou les projets communs, et se contente d’une compréhension superficielle. Ce manque de profondeur alimente encore son inefficacité.
À long terme, ses comportements créent un climat délétère, où la méfiance, l’usure et la stagnation finissent par miner l’énergie de tout un bureau, un atelier ou un partenariat.

L’inconscience de soi et l’incapacité à se remettre en question

Le narcissique caché est plus ou moins capable de comprendre les comportements des autres, car il possède une « empathie froide », purement cognitive, qui lui permet de les observer pour se rassurer et adopter la stratégie d’approche adéquate.

En revanche, il est totalement incapable de prendre conscience de sa dynamique interne ou de s’intéresser à l’observation de ses propres comportements dans une perspective de remise en question. Pourquoi ? Il est probable que cette incapacité provienne de sa certitude inconsciente de non-existence : son insécurité ontologique et son noyau schizoïde incarnent une menace interne insoutenable – un vide abyssal et une angoisse profondément refoulée.

Il évite systématiquement toute responsabilité pour ses actes en feignant l’ignorance ou en se persuadant d’être aimable, tolérant, patient et doux. En réalité, il vit dans un déni total des motivations qui le poussent à manipuler et à contrôler les autres en niant leur existence.

Les défenses alloplastiques du narcissique caché

Pour se protéger des blessures infligées durant l’enfance, notamment par un parent abusif ou instable, le narcissique caché a développé des défenses adaptatives alloplastiques. En raison de ces défenses, il rejette systématiquement la responsabilité de son mal-être sur les autres, sur le contexte ou la société. Sa propre souffrance, sa frustration, sa colère ne sont jamais, à ses yeux, le reflet d’un trouble intérieur, mais toujours la conséquence d’un facteur externe.

Incapable de reconnaître la moindre part de responsabilité dans les tensions qu’il provoque, il rejette catégoriquement toute critique, tout en jugeant, lui, les autres. La confrontation lui est insupportable. Il ne s’excuse jamais, même lorsqu’il sait, au fond, qu’il a blessé ou franchi une limite. Reconnaître ses torts – ne serait-ce que cinq pour cent – reviendrait, pour lui, à risquer la perte de contrôle de son image.

Alors il blâme de façon détournée. Il retourne les faits, manipule les récits, déplace la faute. Ce rejet systématique de toute culpabilité est l’un de ses traits les plus marquants. Il lui permet non seulement de se préserver psychologiquement, mais aussi de maintenir sa domination et son contrôle sur les autres, créant ainsi un climat de confusion et de doute.

Et si vous avez le courage de le confronter – si vous mettez des mots sur ce qu’il s’efforce de masquer, vous vous exposez à des représailles. Car derrière cette façade de calme ou d’indifférence se cache une réactivité violente passive, prête à surgir dès que son auto-idéalisation et ses défenses narcissiques sont menacées.

Que se passe-t-il dans sa vie relationnelle ?

La vie relationnelle du narcissique caché passif-agressif est souvent pauvre, fragmentée, ou marquée par des tensions répétées. Il est incapable de construire des liens profonds et authentiques. Il n’a pas d’amis.

Son besoin compulsif de contrôle, qui s’exerce même dans les moments les plus intimes, l’empêche de s’engager pleinement. Il ne se relie pas vraiment à l’autre, mais cherche plutôt à maintenir une forme de pouvoir sur la relation, en transformant l’autre en un objet interne manipulable, malléable comme une pâte à modeler.

Dans l’intimité, il rejoue ses blessures d’enfance, souvent sans en avoir conscience. Ses traumatismes deviennent des schémas qu’il impose à ses partenaires, reproduisant ainsi des dynamiques de domination, de retrait affectif ou de manipulation. Ces relations sont marquées par l’incompréhension, le déséquilibre et, bien souvent, par la rupture.

Si vous l’interrogez sur ses relations passées, il vous parlera de ses ex-compagnes comme de personnes problématiques, instables, toxiques – jamais comme de partenaires avec lesquelles il aurait partagé une responsabilité dans l’échec de la relation. Il se présentera toujours comme la victime trop généreuse et tolérante, mais incomprise et trahie.

Bien sûr, il passera sous silence son propre rôle : son contrôle destructeur, son indifférence glaciale, sa négligence, son traitement silencieux ou les droits qu’il s’est arrogé dans la relation.

Certain, ce qu’il a pu faire subir à d’autres pourrait bien, à terme, devenir votre propre destin. Sans connaissance préalable de son fonctionnement, il peut être difficile de percevoir certains signes : l’absence d’amis proches, l’isolement justifié par une prétendue autosuffisance, ou encore son regard distant et méprisant sur le monde. Il donne l’impression de ne pas avoir besoin des autres, mais derrière cette façade se cache une forme de paranoïa sociale – une peur déguisée en indifférence, ainsi qu’un besoin profond de fusion infantile.

Observez-le attentivement

Certaines impressions ne trompent pas. Ressentez-vous une forme de gêne, une sensation d’étrangeté en sa présence difficile à nommer ? Regardez comment il se comporte avec ses enfants. Est-il capable de véritable tendresse, d’affection et d’attention sincère ? Traite-t-il les autres – y compris vous – comme des égaux ? Ou bien, se montre-t-il hautain, arrogant et supérieur ? Et dans les situations ordinaires, comme aller au marché ou rendre visite à des proches, vous sentez-vous pleinement à l’aise à ses côtés ? Ou bien y a-t-il toujours un malaise, une sorte d’étrangeté, une tension qui plane, même dans les gestes du quotidien ?

Ces questions sont essentielles, car chez le narcissique passif-agressif, la colère ne se manifeste pas par des cris ou des éclats, mais par l’évitement affectif. Il exprime son hostilité de manière détournée : par la distance, l’indifférence, le mutisme, l’absence, des remarques cyniques ou méprisantes, un scepticisme froid, une impatience latente. Tout chez lui semble conçu pour tenir l’autre à distance, sans jamais rompre ouvertement le lien.

Ce comportement découle d’un manque d’émotions positives authentiques. La sensibilité, la compassion, l’empathie – ces qualités qui permettent une véritable communion – sont étouffées chez lui par une affectivité négative qu’il dissimule derrière une façade hautaine. Sa tristesse, sa colère et son ressentiment forment un noyau émotionnel figé, qui empêche toute intimité réelle. Le narcissique caché est un enfant sans cœur.

Et puisque sa pathologie se manifeste principalement dans la relation à l’autre, c’est l’intimité qui en souffre le plus. Ses partenaires, au fil du temps, vivent une érosion silencieuse mais profonde. Leur confiance en eux s’effrite. Leur estime de soi se fragilise. Leur perception de la réalité devient floue, altérée par les doubles messages, les non-dits, et la dissonance émotionnelle qu’il installe autour de lui. C’est un lent processus de démolition psycho-émotionnelle, difficile à détecter au début, mais dont les effets sont durables.

Pour renforcer cette posture, il peut s’accrocher à une idéologie, qu’elle soit politique, religieuse, philosophique ou spirituelle. Il y trouve des arguments pour justifier ses jugements, ses critiques, ses exclusions, et son mépris des autres.

Le sadomasochisme du narcissique caché passif-agressif

Lorsque votre partenaire intime est un narcissique caché passif-agressif, une chose devient vite évidente : il exprime sa colère sans éclats et sans aucune empathie. Son agressivité, en apparence endormie, est en réalité sadique. Et comme chez les narcissiques manifestes, cette colère prend souvent une forme sadomasochiste. Chez lui, l’amour est indissociable de la douleur, de la blessure, de l’humiliation. Il ne sait aimer qu’en reproduisant la maltraitance.

Derrière ce comportement se cachent deux croyances profondément enracinées, forgées dans l’enfance :

  1. Si ma mère (ou mon père) m’aime, alors elle me fait souffrir, me maltraite, me rejette, parce que je ne suis pas assez bien. Je suis la cause de son hostilité ou ses punitions.

  2. Je suis un « mauvais objet ». Je mérite donc la douleur, l’humiliation, la trahison.

Dans son récit interne, il n’est pas seulement victime. Il devient aussi un prédateur émotionnel. Il vous fait souffrir, lentement, sadiquement, comme pour maintenir son contrôle et valider ses croyances. Et en infligeant cette douleur, il provoque vos réactions négatives. Il les provoque donc par son sadomasochisme.

C’est alors qu’il se positionne en martyr, incompris, mal-aimé, maltraité par ceux qu’il dît aimer, mais qu’il tente en réalité de contrôler, de dominer. C’est cette confusion – entre amour et maltraitance, entre douleur et attachement – qui fait du lien avec un narcissique passif-agressif une expérience aussi éprouvante que difficile à décrire.

Ces croyances forment la base de son système relationnel. Ainsi, à travers son agressivité passive – silences pesants, distance affective, absence, négligence et dédain – il cherche inconsciemment à recréer cette dynamique. Il vous pousse à bout, jusqu’à ce que vous envisagiez de l’abandonner ou de le trahir, comme un écho de ce qu’il a lui-même vécu. Et lorsqu’il sent ce rejet approcher, il évite de confronter son sentiment profond d’être indigne d’amour, en affichant une posture détachée – digne, tolérante, aimable, satisfaite…

Sa provision narcissique sadique

La provision narcissique, c’est cette nourriture invisible mais essentielle dont le narcissique pathologique dépend pour maintenir un équilibre intérieur et sa sensation d’exister. Incapable de s’autoréguler émotionnellement, il cherche en permanence des sources extérieures pour soutenir son faux self, son image, et alimenter son sentiment d’omniscience, de toute-puissance et de perfection quasi divine.

Le narcissique caché passif-agressif extorque une provision narcissique d’une nature sadique. Ce n’est pas en vous aimant ou en vous admirant qu’il se sent plein – comme il le prétend – mais en vous ignorant, en vous infligeant une indifférence glaciale, en imposant le silence, l’absence émotionnelle, le vide affectif – sans jamais se soucier de ce que vous ressentez.

Voyons comment régule-t-il ses émotions et son équilibre interne :

  • En vous faisant souffrir, sans jamais en assumer la responsabilité, il se sent exister.

  • Lorsque vous pleurez de douleur, il éprouve une euphorie narcissique.

  • En observant vos failles et vos blessures ou vos efforts pour comprendre ce qui se passe et réparer, il se sent supérieur, presque invulnérable.

  • Il devient le spectateur cynique d’un théâtre qu’il orchestre lui-même.

Ainsi, sans que vous ne vous en rendiez compte, vous devenez la source même de sa provision narcissique sadique. Et plus vous tentez de comprendre son retrait ou d’apaiser la tension, plus il se sent renforcé dans sa position de contrôle et d’arrogance.

Le clivage : la division de l’autre en bon ou mauvais

Au cœur du narcissisme pathologique se trouve un mécanisme central : le clivage.
Comme tous les narcissiques, le narcissique caché a grandi en scindant le monde en deux catégories : le tout bon et le tout mauvais. Et cette division ne concerne pas seulement les autres, mais aussi lui-même.

Dans son monde intérieur, sa mère – figure centrale de son développement – a été perçue sous deux formes opposées : l’une idéale, douce, parfaite ; l’autre terrifiante et maltraitante. Cette figure aurait pu être son père, dépendant du contexte familial.

En tout cas, il n’a pas pu intégrer ces deux aspects en une seule personne complexe, ambivalente. Il les a séparés. Et en même temps qu’il a clivé cette figure parentale, il s’est aussi divisé intérieurement, en arrivant inconsciemment à cette conclusion :

  • « Si ma mère est mauvaise ou mon père mauvais, alors je peux être bon.

  • Mais si l’un d’eux me blesse, me châtie et m’humilie tout en se montrant impeccable, voire parfait, c’est forcément moi le problème. »

Ces représentations deviennent ce qu’on appelle des objets internes, des images psychiques qu’il transporte avec lui à l’âge adulte. Et vous, en tant que partenaire, proche ou figure significative, êtes inconsciemment perçu(e) à travers ce prisme.

Son mécanisme de clivage, renforcé par le déni de sa blessure archaïque, et par la projection, alimente son fantasme partagé : un récit inconscient dans lequel – après la phase d’idéalisation et de maternage mutuel – vous êtes entraîné(e) malgré vous, à devenir la mère persécutrice idéalisée qu’il redoute tant, et à payer les comptes non réglés avec elle.

C’est alors qu’il ne vous voit plus comme une personne entière et réelle, mais comme un reflet de son monde psychique. Lorsque vous ne comblez pas ses attentes – même implicites – il projette sur vous l’image du parent qui le rejette, le fait souffrir, l’humilie. Et, sans s’en rendre compte, il vous rabaisse, vous juge, vous dévalorise.

Son fantasme partagé : un attachement évitant

Le fantasme partagé est un scénario inconscient que tous les narcissiques imposent à leurs partenaires intimes. Le narcissique caché, passif-agressif, commence par vous idéaliser, vous érigeant en figure maternelle parfaite, presque salvatrice. Mais cette phase est plus ou moins éphémère. Le temps passant, vous passez de la figure idéalisée à la figure dévalorisée. Subtilement, il vous rabaisse, vous méprise, vous isole – jusqu’à ce que l’histoire se termine par un éloignement cruel.

Ce fantasme n’est pas anodin : il se rejoue sans qu’il en ait conscience, une tentative de séparation d’avec sa mère et peut-être aussi avec son père. Vous devenez l’instrument de ce processus inachevé. C’est pourquoi, il est autant otage de son propre fantasme partagé que vous, sa victime. Il croit en sa propre tromperie. Il prend ses fabulations pour réelles. Il ne simule pas l’avenir, car il est pleinement convaincu de tenir ses promesses.

Il vous utilise pour le revivre les traumatismes de son enfance et pour tenter de les dépasser – tout en vous enfermant dans un rôle qui n’est pas le vôtre. Pour mettre en œuvre ce scénario, il utilise deux stratégies inconscientes destinées à contrôler votre psyché.

1. L’attachement évitant :
Son mode relationnel repose sur un attachement évitant et distant, teinté de dédain. Il se montre impuissant, insaisissable, fluctuant, toujours à la merci de ses propres états d’âme. Il instaure une dynamique de dépendance, tout en refusant de répondre à vos besoins affectifs. Il se dérobe à la communication, s’enferme dans le silence ou l’inaction. Ce refus constant d’engagement est une forme de contrôle. Il ne vous attaque pas frontalement, mais vous use à petit feu, en vous laissant dans l’attente, dans l’incertitude.

2. L’opposition constante :
Cette stratégie consiste à s’opposer systématiquement à vous : à vos demandes, vos désirs, vos élans. Cette opposition passive devient une manière détournée d’exprimer son agressivité. Il vous frustre jusqu’à vous pousser à bout. Il sabote la relation en vous confrontant à un mur, tout en se nourrissant de vos réactions. Car chaque émotion que vous exprimez – colère, tristesse, révolte – lui permet, par un mécanisme de comparaison, de confirmer sa propre perfection morale, presque divine.

Sa manipulation machiavélique

Vivre avec un narcissique caché passif-agressif, c’est faire face à une stratégie relationnelle double, à la fois envoûtante et destructrice. D’un côté, il feint la dépendance affective, installe une forme d’attachement basé sur l’impuissance, et vous fait croire qu’il ne peut exister sans vous. Il peut vous dire, implicitement ou ouvertement : « Sans toi, je ne pourrais pas vivre », tout en s’efforçant de vous rendre dépendante de lui, afin de mieux exercer son emprise.

Derrière cette stratégie se dissimule une forme d’extorsion émotionnelle. Plusieurs comportements peuvent révéler cette manipulation déguisée :

Une fausse prétention à l’ignorance : il joue le rôle du naïf, de l’innocent, de celui qui ne sait pas. Il vous pousse à devenir son guide, son soutien, son interprète du monde – ce faisant, vous vous retrouvez à excuser ses erreurs, à porter ses responsabilités.

Des discours de pseudo-humilité : il se rabaisse ostensiblement, évoque ses défauts, exagère ses failles – mais dans le seul but d’obtenir des compliments, de la compassion, et de vous faire jouer, une fois de plus, le rôle du réparateur.

Le sarcasme et la moquerie : ses attaques sont souvent déguisées en plaisanteries. Il vous blesse tout en niant toute intention, laissant entendre que vous êtes trop sensible ou que vous manquez d’humour. Il existe une expression française qui dit : « La moquerie est indigence d’esprit ». Chez le narcissique caché, passif-agressif, elle dénonce une pauvreté intérieure – un manque de réflexion, de subtilité et d’empathie.

La victimisation : il se place sans cesse en position de victime, rejetant la faute sur vous, sur les autres, ou sur le monde en général. Il ne prend jamais de recul, jamais de responsabilité.

En parallèle, il utilise des tactiques beaucoup plus sournoises pour altérer votre perception de la réalité. Il vous fait porter la responsabilité de ses comportements, ainsi que celle de la souffrance qu’il vous inflige. Si vous réagissez, il utilise vos émotions comme preuves contre vous : « Tu vois bien, c’est toi le problème. »

Cette forme de manipulation vous pousse peu à peu à douter de vous-même. Vous vous sentez inférieur(e), fautif(ve), décalé(e). Votre comportement change, vos réactions ne vous ressemblent plus, et vous commencez à vous éloigner de votre essence. Cette sensation profonde, de plus en plus difficile à nommer, porte un nom : l’étrangement – ce sentiment douloureux de ne plus être soi, d’être devenu étranger à sa propre vie.

Dans ce jeu malsain, il renforce sa sensation de toute-puissance. Il se vit comme supérieur, détaché, invulnérable – pendant que vous, peu à peu, vous vous videz de votre énergie, de votre clarté, et parfois même de votre sentiment de valeur personnelle.

L’abus narcissique caché dissout le « Soi » de la victime

Comparons la manipulation exercée par la rage d’un narcissique classique à celle exercée par la rage passive d’un narcissique caché :

Le narcissique manifeste (classique) crée un fantasme partagé, adapté à vous. Il est un provocateur visible. Il utilise un type de langage pour vous dominer, vous intimider ou vous harceler. Il utilise la colère – exprimée ouvertement – pour faire honte, culpabiliser et humilier sa cible, que ce soit son partenaire intime, ses amis, ses collègues ou toute autre personne. Son langage est transparent, vous n’avez pas besoin de le déchiffrer. Son abus narcissique est manifeste, bruyant et violent. Lisez l’article: Les narcissiques classiques.

Le narcissique caché, passif-agressif, lui, est furtif, subtil et nuancé. C’est un narcissique effondré, incapable d’obtenir une provision narcissique grâce à des sources externes. Il se présente donc comme une personne modeste, pseudo-humble, charitable et altruiste – mais c’est une illusion. Il dégouline d’amertume, de ressentiment et de mépris.

Ses messages sont idiosyncratiques, chargés de doubles sens. Il crée des expressions sémantiques dans lesquelles certains mots ont des significations cachées. Son langage, à la fois agressif et codé, intime et lourd de sous-entendus, forme un discours obscur qui échappe aux non-initiés.

Ce langage agit comme un équivalent fonctionnel du décervelage hypnotique utilisé par les psychopathes – une stratégie de manipulation délibérée et très grave, connue sous le nom de gaslighting. Lisez l’article sur le sujet en cliquant sur le titre : Le gaslighting.

Cependant, le narcissique caché n’a aucune intention préméditée, mais ses comportements produisent les mêmes effets : il dissout sa victime, l’efface et la fait disparaître en la privant de ses repères, de sa mémoire, et de son intériorité. Puis, comme un sculpteur, il fabrique une identité factice et lui déclare : « Voici qui tu es. Tu ne t’étais encore jamais vu·e tel·le que tu es. Grâce à moi, tu t’es enfin trouvé·e. »

En entraînant sa victime dans son univers mental, il altère sa perception jusqu’à ce qu’elle ne sache plus ce qui est réel, ce qui est exagéré, ni ce qui relève de sa propre volonté.

Cette activité hypnotique constitue le but inconscient de son abus narcissique : éliminer sa victime en tant qu’individu autonome et interdépendant, pour la recréer comme une extension de lui-même – un objet interne, une introjection entièrement contrôlable et manipulable. L’anéantissement de son individualité, de son existence propre, forme le cœur de l’abus narcissique.

Son contrôle repose sur l’envie corrosive

Chez le narcissique caché, passif-agressif, l’envie n’est pas une émotion passagère – c’est un carburant, une force souterraine qui alimente son discours, ses pensées, ses comportements. Cette envie, profonde et constante, le rend rancunier, toujours sur la défensive. Il se sent lésé, oublié, méprisé – persuadé que ce qui lui revient de droit a été donné à d’autres.

Il se plaint souvent d’avoir été écarté, ignoré, ou injustement traité. Cela peut concerner une opportunité professionnelle, une reconnaissance artistique, ou même une simple attention. Il ne supporte pas que les autres soient admirés ou choisis à sa place.

Pour garder le contrôle, il adopte une posture méprisante – toujours déguisée. Il dénigre subtilement ceux qui réussissent, critique les projets des autres, remet en question leurs mérites. Obsédé par son manque de réputation, il se compare sans cesse, mais dans une logique biaisée : il se persuade que les réussites des autres sont le fruit d’un vol, d’un coup de chance, ou d’une imposture, des contacts sociaux qu’il n’a pas. Ainsi, dans son monde intérieur, il peut continuer à croire en sa propre supériorité.

Cette activité narcissique est d’autant plus insidieuse qu’elle se dissimule derrière des airs de discrétion ou d’humilité. Elle est, à bien des égards, plus perverse encore que celle des narcissiques dits « classiques », car au lieu d’exprimer clairement ce qu’il ressent, il vous punit par le silence. Il laisse vos questions sans réponse, vos besoins en suspens, vos émotions dans le vide – invalidées. Cette absence de dialogue devient une forme de domination, voire de destruction psychique.

Parfois, le contrôle du narcissique caché devient coercitif. Lorsqu’il bascule dans la paranoïa, il vous surveille : il cherche à savoir où vous êtes, avec qui, ce que vous pensez. Il espionne vos messages, vos appels – tout. Il empiète sur votre liberté, vous prive de votre espace personnel. Faites attention, car si ce comportement s’aggrave, il est possible que votre narcissique caché soit en train de basculer vers la psychopathie.

Les deux premières phases de la relation

Au début de la relation, tout semble intense, fusionnel, presque trop parfait. Mais cette intensité ne naît pas d’un lien véritable : elle s’ancre dans un transfert psychique puissant.

Dès les premières interactions, le narcissique caché passif-agressif projette sur vous l’image de sa mère nourricière. Il vous observe, vous « scanne », puis prend une photo instantanée de vous – une image figée qu’il introjecte et internalise – pour en façonner un objet interne.

Vous cessez alors d’exister pour lui en tant qu’individu. Cet objet interne devient la figure psychique à laquelle il s’attachera, tout en vous reléguant hors de ce lien. Dès lors, tous ses gestes d’amour, ses attentions, ses démonstrations d’attachement ne vous sont pas véritablement destinées. Ils s’adressent à l’image idéalisée qu’il a façonnée à partir de la vôtre.

Dans cette phase, il vous demande implicitement – sans vous le dire – de confirmer que vous êtes digne de cette idéalisation. Il évalue vos qualités, les comptabilise et même les magnifie, mais à travers le prisme de son propre fantasme partagé.

Vous n’êtes plus une personne complexe, ambivalente, réelle. Vous devenez un support, une vitrine, un miroir flatteur… S’il vous couvre d’amour, s’il vous materne et vous comble, ce n’est pas vous qu’il chérit. C’est l’objet idéalisé qu’il a construit à partir de vous. Et à travers cet objet, c’est lui-même qu’il idéalise.

Dans ce scénario, vous n’êtes qu’un pivot, un point d’appui autour duquel tourne son fantasme partagé. Tout semble vous concerner, mais rien ne vous touche vraiment. Et pourtant, dès le départ, une autre dynamique s’installe en parallèle : son agressivité passive – bien réelle, bien dirigée, et cette fois, bel et bien tournée vers vous. Voyons maintenant comment elle s’exprime.

La troisième phase de la relation

Dans cette phase, quelque chose bascule silencieusement. Le regard initial qu’il a porté sur vous s’effondre, cédant la place à un regard plus sombre : celui de la « mauvaise mère ». À travers ce nouveau prisme, le narcissique caché passif-agressif réactive le conflit ancien, demeuré irrésolu, qu’il entretient avec sa propre figure maternelle. C’est à travers cette lentille déformante qu’il vous perçoit, vous juge et agit sur vous.

Vous n’interagissez plus directement avec lui : il vous charge de tout ce qu’il n’a pas pu exprimer, tout ce qu’il n’a jamais digéré dans son enfance, avec ses parents.

Alors, il commence à tester vos limites, met en place des jeux de pouvoir, mesure jusqu’où il peut vous pousser avant que vous ne cédiez. Il s’arroge le droit de vous façonner selon ses propres besoins, en usant d’une violence presque invisible, faite de silences prolongés, d’évitements, de dévalorisations feutrées, des remarques ou des attitudes qui vous rabaissent.

Il réagit sans crier, sans vous insulter directement, mais de manière constante, glaciale, sournoise, des gestes qui ne laissent pas de marques – mais qui s’impriment profondément. Il vous met constamment à l’épreuve. Il se montre distant, absent, émotionnellement fermé.

Il devient inaccessible, tout en exigeant de vous présence, compréhension et loyauté. Il alterne coercition passive et opposition constante, brouillant les repères affectifs. Même lorsque vous tentez de vous adapter à ses attentes, même si vous répondez avec patience ou compassion, il commence déjà à vous mépriser.

Votre soumission ne le touche pas, au contraire, elle l’irrite ou l’ennuie. Car au fond, ce qu’il cherche, ce n’est pas l’amour – c’est vous blesser pour obtenir sa provision narcissique sadique.

Pour maintenir cette dynamique, il vous assigne quatre rôles :

  1. La mère nourricière : celle qui le protège, le rassure, prend soin de lui sans poser de conditions.

  2. La servante ou l’esclave : disponible à tout moment, soumise à ses besoins, exploitée sans scrupules.

  3. La poupée sexuelle : un objet de désir façonné selon ses fantasmes, sans volonté propre.

  4. La source de sa provision narcissique : à travers vos regards, votre admiration, ou plus souvent encore – votre douleur.

Le narcissique vous soumet à trois tests délirants :

Premièrement, il vous observe pour déterminer si vous êtes capable d’être idéalisé(e) par lui – grâce à vos centres d’intérêt, à vos traits de caractère, à certains atouts ou à une apparence particulière – des éléments auxquels il pourra s’accrocher en les idéalisant.

Deuxièmement, il vous analyse pour vérifier si vous êtes en mesure de lui fournir au moins deux des quatre « services » qu’il recherche, car il fonctionne avec une mentalité d’exploitateur.

  1. Concernant la sécurité, il se demande :
    « A-t-elle une disposition addictive ? Aime-t-elle me rendre des services ? »

  2. Concernant la sexualité, il se demande :
    « Suis-je à la hauteur de ses attentes ? Puis-je profiter de mon auto-érotisme ? »

  3. Concernant les services pratiques, il s’interroge :
    « Comment puis-je l’exploiter ? Puis-je la pousser à me soutenir ? Est-elle capable de répondre à mes besoins ? Puis-je lui prendre son argent indéfiniment ? Jusqu’où puis-je aller ? »

  4. Concernant sa provision narcissique, il se demande :
    « Est-elle capable de m’adorer, de m’admirer, de faire en sorte que je me sente unique et spécial ? »

Troisièmement, il vous observe pour évaluer votre vulnérabilité. Il se pose alors les questions suivantes : « Est-elle abîmée et brisée ? Est-elle une rêveuse ? Abhorre-t-elle la réalité ? »
Si oui, vous adhérez plus facilement à son fantasme partagé. Grâce à cela, il peut obtenir sa provision narcissique sadique, qui consiste à vous infliger de la douleur émotionnelle – se prouvant ainsi à lui-même qu’il est omnipotent, omniscient et divin.

À travers ces tests, son vide se révèle : il n’existe pas sans une proie. Que ce soit par votre attention ou par votre souffrance, il puise en vous la provision narcissique dont il a désespérément besoin pour se sentir exister.

La quatrième phase de la relation

À partir de cette phase, même si vous souffrez de dépendance affective et que votre besoin d’amour vous aveugle, vous commencez à découvrir son véritable visage et ses défaillances : son manque d’amour, d’empathie affective, de solidarité, d’authenticité, d’intégrité, d’honnêteté, de justice et de responsabilité.

Le renforcement intermittent

Le narcissique caché passif-agressif s’appuie sur une stratégie redoutablement efficace pour maintenir son emprise : le renforcement intermittent. Inconsciemment, il alterne chaleur et froideur, douceur et distance, attention et indifférence. Ce va-et-vient émotionnel crée un état de confusion affective qui vous lie davantage à lui, tout en affaiblissant votre clarté intérieure.

  • Il vous idéalise, puis vous dévalorise sans transition.

  • Il vous comble de gestes tendres, tout en vous négligeant sur des aspects fondamentaux.

  • Il fusionne avec vous dans une proximité intense, avant de vous rejeter dans un silence glacial.

  • Il vous flatte, puis glisse une remarque qui mine votre confiance.

  • Il affirme vous aimer, mais ses actions minent peu à peu votre intégrité psychologique.

Cette alternance crée une sorte de cercle de punition émotionnelle. D’abord vient la tension – souvent sourde, difficile à nommer. Ensuite, l’agression passive s’installe : mutisme, sarcasmes, retrait affectif. Puis, sans prévenir, un geste d’affection survient : un mot doux, un regard tendre, une main posée au bon moment. Et cela suffit à vous replonger dans l’illusion d’un lien sincère. Le cycle recommence, toujours plus désorientant.

Ce renforcement intermittent n’est pas une simple instabilité émotionnelle : c’est une méthode de conditionnement – toujours inconscient – par laquelle il vous pousse à espérer le retour de la phase « chaleureuse » en acceptant, de plus en plus, la violence silencieuse qui la précède. Et c’est ainsi que votre attachement se renforce, au détriment de vous-même.

Vos défenses adaptatives autoplastiques

Lorsque vous souffrez de dépendance affective, vous avez tendance à vous culpabiliser. Au fil de la relation, et face à la confusion émotionnelle installée par le narcissique passif-agressif, vos propres défenses adaptatives provenant de l’enfance – appelés autoplastiques – se réactivent.
Ces défenses vous poussent à chercher en vous-même la cause du malaise et des conflits, même quand celui-ci ne vous appartient pas. Ébranlé(e) par l’alternance entre chaleur et rejet, vous commencez à douter de vos perceptions, de vos réactions, de votre propre valeur. Vous croyez être à l’origine de ses silences, de sa froideur, de ses humeurs toujours changeants.

Là où le narcissique, protégé par ses défenses alloplastiques, rejette toujours la faute sur autrui, vous, sous l’effet de vos défenses autoplastiques, vous absorbez le poids de la responsabilité. Vous vous sentez fautif(ve), insuffisant(e), instable. Vous doutez de vous-même jusqu’à vous effacer.

Et pourtant, malgré la souffrance, vous gardez l’espoir. Car les bons moments existent — assez pour entretenir l’illusion. Un regard tendre, un mot attentionné, une période de calme suffisent à raviver la croyance qu’il est possible d’aimer et d’être aimé(e) dans cette relation. Mais pendant ce temps-là, vous dépérissez doucement. Car le venin qu’il distille est lent, invisible, et agit à petites doses.

Il s’oppose à vos désirs et à vos besoins

À un moment ou un autre, vous le remarquerez : chaque fois que vous lui demandez quelque chose qui compte vraiment pour vous, c’est précisément cette chose qu’il refusera de vous offrir. Il ne s’agit pas d’un malentendu ou d’un oubli – c’est une dynamique profondément ancrée. Il s’oppose systématiquement à vos objectifs, vos désirs, vos besoins essentiels. C’est un non, sec, sans appel. Ou pire, un silence prolongé, un détournement, une forme d’évitement glacial.

Il juge vos demandes comme étant déraisonnables, excessives, ou trop exigeantes – surtout lorsqu’elles touchent à ce qu’il est incapable de donner : l’amour, le respect, l’attention sincère. Votre demande de tendresse devient, à ses yeux, une intrusion ; et exprimer vos désirs, vos besoins ou vos émotions, un affront.

En réalité, ce n’est pas à vous qu’il s’oppose directement. C’est à ce que vous représentez dans son psychisme. Vous êtes devenu(e), malgré vous, une mère de substitution. Et c’est à cette figure blessante de son passé qu’il continue à résister. Ainsi, il rejette vos élans d’amour, votre joie de vivre, votre spontanéité – non pas parce qu’ils sont inacceptables, mais parce qu’ils activent en lui une blessure qu’il n’a jamais reconnue.

Ce qu’il rejette, au fond, ce n’est pas ce que vous dites – c’est que vous existiez. Il s’oppose à vous comme il s’est opposé, enfant, à une mère vécue comme absente, insécurisant, dure ou injuste. Et dans cette posture, il devient froid, indifférent, insensible à vos émotions comme à vos besoins. Il ne vous voit plus comme une personne – mais comme une projection de lui-même à neutraliser.

Son traitement silencieux

Le narcissique passif-agressif manie le traitement silencieux comme une arme. Ce n’est pas un simple retrait ou une absence de mots – c’est un outil de contrôle, de punition, de pouvoir. Son silence est stratégique, même s’il est inconscient : il l’utilise pour vous manipuler, vous dévaloriser, vous blesser, vous exclure psychiquement, tout en vous faisant porter la faute. Il ne dit rien, mais tout est dit. Et tout vous est adressé.

  • Ce mutisme glacial est l’expression directe de sa colère refoulée, de sa frustration, de l’insatisfaction chronique qu’il projette sur vous.

En refusant de parler et de communiquer, il vous signifie, par ce retrait, que vous avez mal pensé, mal agi, mal dit, mal été. C’est un silence coercitif, donc il vous puni(e). Il vous contraint à deviner ce qu’il ressent, à vous excuser pour une faute que vous ignorez. Et dans cet espace vide de mots, mais saturé de tension, naît une incertitude permanente. Ce flou est délibéré. Il attire votre attention, tout en vous maintenant dans un état de soumission psychologique.

Ce traitement silencieux est extrêmement douloureux. Il provoque en vous une cascade de sentiments : aliénation, confusion, impuissance, frustration, perte d’estime de soi, sensation d’inadéquation, et ce terrible sentiment d’être un « objet mauvais », indigne d’amour ou d’écoute. Voici quelques exemples concrets de ce silence maltraitant :

  • Comme les trois singes de la sagesse, il ne vous regarde pas, ne vous écoute pas, ne vous répond pas. Rien. Point final.

  • Il évite vos questions, agit comme si de rien n’était, refuse d’expliquer ce qui ne va pas ou ce qui vous a blessé.

  • Votre souffrance l’indiffère. Il garde une posture froide, distante, parfois cruellement ironique. Il peut dire, avec dédain : « Tes larmes tombent sur moi comme la pluie sur les plumes d’un canard. »

  • En dehors des échanges liés à la routine, il reste muet. Froid. Absent.

  • Il détourne toute tentative de communication en évitant le conflit… mais sans jamais écouter vos émotions ou reconnaître ce qui vous fait mal.

  • Aucun dialogue réel n’est possible : il vous ignore entièrement.

  • Il vous prive d’ARA : il ne vous donne ni Amour, ni Respect, ni Attention.

  • Il vous enferme dans un isolement psychique fait de mépris, d’indifférence et de rejet affectif.

  • Selon les circonstances de votre vie commune, il vous enferme aussi dans ce lieu qu’on appelle foyer, mais qui n’en est pas un : c’est devenu une prison.

  • Il se réfugie dans ses distractions : son travail, son ordinateur, ses pensées… vous laissant seul(e), exclu(e), invisible.

  • Même lors d’un moment censé être chaleureux – un repas, une fête, une célébration – il peut se retirer sans un mot, vous laissant coupable… sans savoir de quoi.

  • Il crée des coalitions secrètes contre vous, au sein de sa propre famille et, si possible, aussi de la vôtre. Ce sont de véritables campagnes de diffamation, menées lâchement derrière son masque de victime professionnelle.

Dans cette atmosphère d’absence, de punition et de contrôle, vous vivez dans l’agonie d’être constamment nié(e). L’intimité et la complicité sont impensables, car il ne s’abandonne jamais à vous. Vous êtes là, mais il n’est pas avec vous, il est contre vous.

En réalité, il reste relié par un fil invisible au fantasme de sa mère. C’est à elle qu’il s’adresse, à elle qu’il oppose ce silence devenu sa méthode de survie et de contrôle. À ce sujet, le film Phantom Thread, réalisé par Paul Thomas Anderson, en offre un portrait subtil et poignant. Daniel Day-Lewis y incarne avec brio cette figure masculine liée à une mère fantôme, où le lien amoureux devient un théâtre de pouvoir et d’aliénation.

Son exploitation financière

Dans une relation avec un narcissique caché passif-agressif, l’argent finit souvent par devenir un terrain de pouvoir. Au bout de quelques mois, les échanges affectifs cèdent la place à des attentes financières de plus en plus implicites… puis de plus en plus assumées.

S’il traverse des difficultés économiques, vous vous retrouvez à le soutenir. Vous lui prêtez de l’argent, vous assumez les dépenses du quotidien, parfois même les siennes. Mais loin de reconnaître votre générosité, il agit comme si tout cela allait de soi. À ses yeux, c’est un privilège de vivre à ses côtés. Vous ne faites que payer le prix de sa présence, qu’il considère comme une offrande précieuse.

  • Il s’attend à être servi, aidé, soutenu, sans jamais prendre en compte vos efforts ni votre fatigue.

  • Il ne vous remercie pas. Il ne vous rend pas la pareille. Et surtout, il ne vous rembourse jamais.

  • Il s’autorise à vous exploiter, convaincu que son exploitation est juste, voire méritée. Il se voit comme méritocratique : s’il reçoit, c’est qu’il y a droit. Point final.

Et si vous avez grandi avec la croyance – souvent issue de traumatismes anciens – que vous devez mériter l’amour, que vous n’êtes pas « naturellement aimable », il confirmera cette blessure. Par ses comportements froids, hostiles, intéressés, il ancrera l’idée que l’amour doit se payer, au prix fort.

Et pendant que vous travaillez dur, que vous donnez tout, il vous renvoie ce message cruel : « Tu es seule, même à mes côtés ». Ou encore, il vous tourne le dos en lançant : « Je te laisse seule. » Sa cruauté semble ne connaître aucune limite.

Son autoérotisme

Sur le plan sexuel, le narcissique caché passif-agressif reste figé dans une posture infantile. Il ne s’engage pas dans une sexualité partagée, vivante, ouverte à l’autre. Il est autoérotique, parfois même asexué. Il ne vous voit pas comme un(e) partenaire de désir, mais comme un prolongement de lui-même – un objet interne dénué d’autonomie.

Il ne vous trouve ni attirant(e), ni séduisant(e), car il n’est pas tourné vers l’altérité. Il rejette votre désir, et si, parfois, il accepte un rapport sexuel, ce n’est pas par envie ou par lien affectif : c’est uniquement pour éviter que vous ne l’abandonniez. Le sexe devient une transaction de contrôle, une manœuvre pour maintenir votre attachement.

Pendant l’acte, il projette sur vous son propre féminin intérieur, non pour se relier à vous, mais pour s’unir à lui-même à travers vous. Il vous instrumentalise comme un miroir, un support, un contenant – et ce qu’il cherche réellement, c’est à se faire l’amour à lui-même.

Dans certains cas, cette dynamique va jusqu’à l’exclusion complète de l’autre. Il peut se masturber devant vous, sans vous inclure, sans vous regarder, sans même tenir compte de ce que vous ressentez. Pour lui, vous n’êtes pas supposé(e) exister en tant que sujet désirant. Vous ne devez avoir ni volonté, ni besoins, ni élan propre. Votre désir n’est pas reconnu. Il est nié, étouffé, évacué.

Son invalidation de vos émotions

Comme tous les narcissiques, le narcissique caché passif-agressif invalide systématiquement vos émotions. Ce rejet, constant et insidieux, provoque une douleur sourde, mais déchirante. Peu importe ce que vous ressentez, il refuse d’y accorder de la valeur – et même d’en reconnaître l’existence.

  • Si vous vous mettez en colère face à ses comportements blessants, il s’éloigne sans un mot. Il vous ignore, froidement, comme si votre réaction n’existait pas.

  • Plus vous souffrez, plus il s’oppose à vous. Il résiste à vos protestations, surtout quand vous exprimez clairement votre douleur.

  • Il invalide aussi vos émotions positives. Il déteste vous voir enthousiaste, vivant(e), lumineux(se). Votre joie le dérange, car elle le confronte à ce qu’il ne peut ni ressentir, ni contrôler.

  • Quand vous chantez, dansez, riez, il reste distant, fermé, figé dans son monde intérieur. Votre vitalité l’agresse.

Dans tous les cas, votre monde émotionnel est nié. Qu’il soit douloureux ou lumineux, il est réduit au silence. Et dans ce vide, une vérité s’impose lentement : vous n’avez pas le droit d’exister en tant qu’être sensible. Vous vivez dans le déchirement d’être niée.

La cinquième phase de la relation

Dans cette phase, quelque chose de plus profond encore se produit : il ne se contente plus de vous dévaloriser en tant que personne extérieure. Il détruit aussi l’objet interne qu’il avait, un temps, idéalisé à travers vous. C’est la fin de son illusion. Et avec elle, la fin de toute forme d’attention, même minimale. Une fois cet objet interne discrédité, vidé de sa valeur, vous n’existez plus à ses yeux, ni psychiquement ni émotionnellement. Il vous fait sentir que vous n’avez plus aucune importance. Et sur ce vide qu’il a lui-même créé, il déverse une rage passive d’une cruauté extrême : silence, mépris, froideur, rejet et distance.

À travers son traitement silencieux, sa négligence constante, ses oppositions systématiques, son exploitation émotionnelle ou matérielle, il vous pousse à bout. Vous finissez par hurler, par craquer, par l’affronter, peut-être même par le trahir. Et c’est là qu’il attendait que vous tombiez : dans cette réaction qu’il provoque, il trouve sa justification.

Dans certains cas, il peut même provoquer inconsciemment une infidélité – ce que l’on appelle une infidélité collusive. Il vous pousse à la faute, à la rupture, pour pouvoir se poser en victime morale. Cela lui permet de mépriser, de dominer, et de renforcer l’illusion de sa propre supériorité. C’est ainsi qu’il tire, une fois encore, sa provision narcissique sadique.

Il se nourrit de votre douleur, car elle confirme ses fantasmes de toute-puissance, d’omniscience, de grandeur. Il a réussi à détruire ce qu’il avait d’abord idéalisé – et cette destruction, il la vit comme une victoire.

Son déni : un mécanisme de défense

Le narcissique caché passif-agressif refuse toute remise en question. Il vit dans un déni profond et structurant, qui constitue le socle de son fonctionnement psychologique.

  • Il nie vous utiliser, vous ignorer, vous négliger, vous exploiter ou vous maltraiter.

  • Il invalide vos émotions, nie vos besoins fondamentaux, tout en prétendant que vous exagérez ou dramatisez.

  • Il ne reconnaît jamais que sa rage passive, silencieuse et destructrice lui procure un sentiment de toute-puissance et d’omniscience.

  • Si vous lui dites qu’il est narcissique, il réagit avec mépris. Il se sent humilié par cette vérité et retourne votre évaluation contre vous.

  • Il ne voit ni sa cruauté, ni son sadisme, ni son mépris. À l’inverse, il se raconte qu’il est tolérant, patient, aimant, compréhensif, tendre, presque exemplaire.

Cette distorsion de la réalité n’est pas seulement une mauvaise foi passagère : c’est une défense. Un mur psychique.

Blâme et déni : son bouclier alloplastique

Comme vous l’avez vu, pour se protéger de toute souffrance intérieure ou de toute remise en question, il utilise un mécanisme bien connu : les défenses alloplastiques. Plutôt que d’assumer ses propres tensions, il les projette sur vous. Ce n’est jamais lui le problème. C’est vous.

S’il est manifestement paranoïaque, il continue à vous soupçonner, à vous harceler et à vous contrôler sans la moindre honte – peut-être comme depuis le début de la relation. Ou bien, s’il n’exprime pas ouvertement ses idéations paranoïaques, mais il vous attribue ses émotions, ses pulsions, ses conflits internes. Il vous accuse d’être à l’origine des tensions. Il vous fait croire que votre souffrance n’a rien à voir avec lui.

Et pour cela, il a un arsenal prêt à l’emploi : « Tu exagères. » « Tu es trop sensible. » « Tu es paranoïaque. » « Tu interprètes tout de travers. » « Tu devrais consulter. »

Il est totalement inconscient de ses propres jeux de pouvoir, de ses manipulations, de sa pulsion de mort, de son émotivité négative, de son agressivité passive et de ses fantasmes de contrôle. Et tant qu’il reste dans ce déni, rien ne change. Il est, à ses propres yeux, aimable, irréprochable, tolérant, calme et doux.

La sixième phase de la relation

Cette phase peut être très courte. Elle peut se caractériser par l’émergence d’un désir de vengeance – un besoin viscéral de mortifier le narcissique. Vous ressentez une colère légitime. Frustré(e), vidé(e), blessé(e), vous défiez son arrogance et souhaitez lui faire mal. Peut-être pour la première fois, vous ressentez une rage dévorante, une envie de le blesser, de l’humilier, de lui faire comprendre qu’il ne compte plus pour vous.

C’est la contagion de son émotivité négative : votre joie de vivre a été étouffée. Vous n’en pouvez plus. Alors vous le confrontez – avec hargne, avec douleur.

Vous lui crachez des vérités longtemps retenues : qu’il est malade, fou, sadique, un pervers narcissique ; que vous ne supportez plus sa rage, son contrôle, son vide affectif.

Mais cela ne l’atteint pas. Car c’est précisément ce qu’il attend. Sadomasochiste, il vous pousse à l’agresser – pour mieux se poser en victime. Votre agression, aussi légitime soit-elle, devient son alibi. Elle justifie à ses yeux votre rejet. Elle alimente son scénario.

  • Cependant, il se peut que ce soit l’inverse… Voyons comment.

Le narcissique caché pratique le gaslighting inconsciemment

Comme nous l’avons vu, dès le début de la relation, le narcissique caché, passif-agressif, pratique le gaslighting – ou décervelage hypnotique. Il s’agit d’une stratégie de manipulation redoutable qui vise à vous faire douter de votre perception de la réalité, de votre mémoire, de votre jugement, ainsi que de votre monde intérieur. Consultez l’article suivant en cliquant sur le titre : Le gaslighting.

Cette manipulation hypnotique génère une dépersonnalisation – une altération de la perception de soi. Il s’agit d’un sentiment subjectif d’éloignement, de détachement, de distance ou de déconnexion vis-à-vis de ses émotions, de soi et de son propre vécu. Cet état est produit par le narcissique caché, qui lui aussi, souffre de dépersonnalisation.

Son gaslighting génère également une déréalisation. Dans ce cas, vous vous détachez de l’environnement que vous percevez comme irréel, comme s’il y avait un voile entre vous et le monde extérieur. Lisez l’article suivant en cliquant sur le titre : La dépersonnalisation et la déréalisation.

Si vous vivez déjà dans un état de déréalisation et de dépersonnalisation – à cause de son décervelage hypnotique – cela vous rend trop soumis(e), incapable de le confronter, de ressentir vos émotions ou vos besoins, et de poser des limites. C’est ainsi qu’il vous maintient à ses côtés.

Dans le film Psychose réalisé par Alfred Hitchcock, un meurtrier tue sa mère et la momifie pour continuer à prendre soin d’elle pour toujours. C’est exactement ce que fait le narcissique. Si vous êtes symboliquement mort(e), si vous êtes comme une momie sans volonté propre ni autonomie, vous n’êtes pas susceptible de vous séparer de lui, de rompre avec lui, de partir, de l’abandonner ou de l’oublier. Vous lui êtes dévoué(e).

Cependant, dans cette sixième phase de la relation, même si vous ne le maltraitez pas, même si vous ne le quittez pas, et même si vous êtes devenu(e) son zombi docile, il finit par vous détester. Alors, il vous provoque délibérément pour que vous partiez ou pour que vous lui demandiez de partir.

Il vous pousse à le maltraiter en intensifiant son abus

Lorsqu’il décide de vous expulser de sa vie, il intensifie ses comportements passifs agressifs. Il devient encore plus sadique, franchissant toutes vos limites dans le but de vous pousser à le maltraiter. Il fait tout pour que vous partiez tout en s’arrangeant pour rester avec les biens communs : la maison, les meubles, les souvenirs…

Profitant de votre faiblesse et soumission, il ira jusqu’à tenter de garder vos enfants auprès de lui, s’évertuant à les retourner contre vous, subtilement, méthodiquement. Et ne soyez pas surpris(e) s’il retourne le miroir vers vous, en vous qualifiant de narcissique !

En réalité, sa vengeance ne vise que la figure maternelle en vous. C’est à travers vous qu’il règle ses comptes. Mais ce seront vos épaules qui porteront le poids financier de la séparation. Et ce sera encore vous qui souffrirez de l’éloignement de vos enfants, de ce lien fragilisé par sa manipulation perverse.

Son objectif : vous rendre folle

C’est à ce moment-là qu’il déclenche en vous des déferlements émotionnels incontrôlables, réveillant des souffrances anciennes, enfouies parfois depuis des décennies. Si vous pleurez abondamment, il intensifie la torture psychologique.

Il utilise votre souffrance pour vous dévaloriser, et vous faire passer pour une personne mentalement instable. Il ne vous touche plus, ne vous prend jamais dans ses bras, ne vous rassure pas. Et si vous osez exprimer votre colère légitime, il peut même aller jusqu’à vous maltraiter physiquement. C’est alors que vous verrez sa rage narcissique dans ses yeux – et cesserez de croire qu’il est simplement distant, froid ou autiste.

Son désir conscient de vengeance

Le désir de vengeance du narcissique, toujours inconscient, devient enfin conscient. Pourtant, sa rage véritable – dirigée contre sa mère d’origine – demeure enfouie dans son inconscient. À ce stade, le fantasme partagé, autrefois central pour lui, s’effondre.

Il ne supporte plus vos émotions, vos protestations chargées de colère, vos pleurs, ni votre manière de le confronter. Tout cela réveille en lui un rejet profond. Il veut vous faire souffrir. Il veut vous rendre fou (folle). Il est prêt à intensifier ses punitions, à orchestrer méthodiquement votre effondrement psychique.

Comme le disait déjà Freud, son faux self vous hait. Il vous exècre, car à ses yeux, vous êtes devenu(e) la source même de son déplaisir.

La septième phase de la relation

Dans cette septième phase de la relation toxique et traumatisante, il se sépare de vous, car vous ne lui servez plus à rien. Si ce n’est pas lui qui quitte votre foyer, il vous pousse à partir du sien – tout en profitant de la situation pour vous blesser davantage, vous traiter de manière indigne, froide et sadique.

Ou bien, si la maison vous appartient à tous les deux, il fait en sorte d’y rester sans se soucier des conditions de vie que vous allez avoir.

En vous voyant dévasté(e), anéanti(e), il renforce son image de perfection divine, de supériorité, d’omniscience et de toute-puissance. Il tire de votre effondrement un sentiment d’équilibre et même d’euphorie narcissique. Vous devenez, une fois de plus, la source de sa provision narcissique sadique.

Il vous oublie aussitôt : vous n’étiez là que pour être utilisé(e), abusé(e), puis jeté(e) – comme une pelle, comme une vieille machine. Consultez l’article intitulé La provision narcissique.

Lui et sa victimisation sont indissociables

Comme nous l’avons vu, en activant son mécanisme de projection, le narcissique caché passif-agressif provoque votre colère légitime dans le but de satisfaire son sadomasochisme. Ce procédé lui permet de se positionner en victime.

Sa victimisation se manifeste par une conviction profonde : il se croit autorisé à tout se permettre avec vous. Par exemple, lors de la séparation, il peut convaincre sa famille, la vôtre, ou vos amis, que vous êtes mentalement instable – se faisant ainsi passer pour votre victime.

S’il vous doit de l’argent, il ne le remboursera jamais. Se considérant comme la victime, il s’estime en droit de vous punir, de vous voler, de se venger. Son statut de victime donne un sens à sa vie. C’est pourquoi il s’octroie tous les droits.

Comme l’affirme Sam Vaknin : « Son narcissisme et sa victimisation ne font qu’un. »

Vivez-vous sous l’emprise d’un narcissique passif-agressif ?

Si tel est le cas, sachez que sa voix de Thanatos, émanant des profondeurs de sa pulsion de mort, agit tel un poison lent, insidieux, qui vous consume peu à peu.
Tandis que sa voix de Dieu murmure sa suffisance – enivré par votre affaiblissement, il goûte à une forme d’euphorie narcissique.
Et dans vos souffrances, il puise son plaisir le plus sombre : vous êtes devenu(e) la source de sa provision narcissique sadique, et c’est ainsi que sa voix de la vie se ranime.

  • « Votre souffrance est sa guérison, et votre crucifixion, sa résurrection ».
                                                                                                                – Sam Vaknin

Face à une telle spirale, il n’existe qu’une issue : la rupture totale. Il vous faut fuir ce vampire de l’âme, couper tout lien, toute communication. Alors – et seulement alors – commencera votre renaissance. Votre force érotique, votre élan vital, délivrés des chaînes de ce messager funeste, se réveilleront pour embrasser chaque recoin de votre être. Vous connaîtrez une joie, une intensité, un plaisir d’exister que vous pensiez à jamais perdus.

Partez. Osez le pas décisif.
Et si vous cherchez la première sortie de son labyrinthe, cliquez sur le titre de cet article : Quitter un narcissique pathologique.

Explorons maintenant la deuxième forme de compensation du narcissique caché – plus froide, calculée et dangereuse. C’est le moment où il bascule vers la psychopathie primaire.

Le narcissique caché devenu psychopathe


Depuis 1977, le Professeur Sam Vaknin affirme que chaque diagnostic au sein des troubles de la personnalité peut évoluer. Lorsqu’un narcissique caché se sent depuis longtemps trahi, rejeté, humilié, traité injustement et piétiné, il peut abandonner son narcissisme et basculer vers la psychopathie primaire.

Dans ce cas, il se dit : « J’ai été maltraité, agressé et humilié, on m’a escroqué, ça suffit ! Je vais mettre fin à tout cela. Ils vont voir qui je suis ! »

Il se donne alors le droit d’exploiter subrepticement les personnes à qui il rend service, qu’il s’agisse de son partenaire intime ou d’un collègue de travail.
Il devient ainsi un profiteur, un escroc, voire un criminel évasif, rancunier, ruminant, amer et déterminé, qui se présente aux autres avec un masque de politesse, de pseudo-civilité ou de bienveillance ostensible.

Si vous êtes le/la partenaire intime d’un narcissique caché devenu psychopathe, il sera en colère et vous serez la première personne à le savoir, car il cherchera à vous voler votre vie. Certainement, il pratiquera le « gaslighting ». Il s’agit d’une stratégie de manipulation psychologique d’une telle intensité qu’il induira chez vous des états dissociatifs de dépersonnalisation et de déréalisation. Pour plus d’informations, consultez cet article : Le gaslighting.

La psychopathie primaire

La psychopathie primaire peut se manifester aussi bien chez les narcissiques manifestes que chez les narcissiques cachés.

En 2020, le psychiatre et psychanalyste autrichien Otto Kernberg a décrit les symptômes suivants : une personne atteinte de trouble de la personnalité narcissique, qui devient psychopathe, présente un délire de grandeur et de supériorité, un égocentrisme extrême, une envie corrosive qui le pousse à vouloir détruire les autres, un mépris des autres, un manque d’investissement émotionnel, un vide abyssal, ainsi qu’un besoin compulsif de stimulation externe, comme l’alcool, les drogues, ou des excitations fortes, sexuelles ou autres.

Son manque de valeurs éthiques découle d’une interruption brutale du développement de son individualité et de l’évolution vers son autonomie.

Il projette sa paranoïa sur les autres sous forme d’agressions malveillantes et de comportements perturbateurs, antisociaux et interpersonnels tels que l’exploitation d’autrui et des infractions à la loi sans retenue morale. Ce sont les comportements typiques d’un prédateur impitoyable. Consultez l’article intitulé : La paranoïa des narcissiques.

Le reconnaître à travers ses réactions

Comment reconnaître un psychopathe avant qu’il ne vous détruise ?
Si la personne en qui vous avez confiance ne montre pas d’enthousiasme face à vos réussites, mais semble satisfaite et heureuse lorsque vous travaillez dur, vous sentez déprimé(e) ou échouez, ou qu’elle vous ignore simplement, c’est probablement qu’elle est envieuse.

Si vous croisez un individu envieux, soyez vigilant, avertit Sam Vaknin, car il pourrait s’agir d’un narcissique masqué devenu psychopathe. Si vous réussissez précisément dans le domaine où il se considère comme un génie, sa rivalité et son désir de vous détruire deviennent dévorants, car, en se comparant à vous, il se sent écrasé, vaincu et effondré.

Son envie déchirante envers son rival

L’envie et la convoitise sont les émotions qu’un narcissique caché devenu psychopathe ressent envers la personne qu’il perçoit comme son rival. L’envie est l’émotion la plus négative qui soit. Rien n’est plus envahissant, virulent et toxique que l’envie, affirme Sam Vaknin. Elle est la source de tous les conflits, de tous les crimes et de toutes les activités malveillantes.
Lorsqu’un narcissique caché se compare à l’objet de son envie, il se sent déficient, dévalorisé, humilié et honteux. Sa honte toxique est si intense et anxiogène qu’il peut vouloir se suicider.
Ou bien, il devient un malfaiteur : un criminel évasif, rancunier, ruminant, amer et déterminé, qui se présente aux autres avec un masque de politesse, de pseudo-civilité ou de bienveillance ostensible.
Son envie se traduit alors par une agressivité destructrice envers les autres, qui est aussi autodestructrice, car elle se retourne contre lui-même.
Cela s’explique par le fait que son émotivité est extrêmement négative, car sa cathexis, c’est-à-dire son énergie libidinale et psycho-émotionnelle, est uniquement investie dans son personnage envieux, rempli d’antagonisme et de rivalité.

Son délire grandiose

Le narcissique caché devenu psychopathe rumine un délire grandiose, surréaliste, exigeant, dévorant et agressif, qui correspond à son envie corrosive. Il est frustré et amer, car il pense que l’objet de son envie lui est supérieur. Inconsciemment, il idéalise cette personne et pense qu’il devrait être comme elle.

  • Son besoin d’équilibre interne le pousse à développer une relation imaginaire avec elle, ce qui génère un dialogue mental obsessionnel.

  • Cependant, il n’atteint jamais cet équilibre, car les voix persécutrices dans son esprit l’accusent constamment d’être un mauvais objet.

Il s’agit de messages toxiques provenant de ses parents ou d’autres personnes, dont il a fait l’introjection. Il est furieux que le monde ne l’ait pas remarqué, lui, qui se perçoit comme si spécial, unique, supérieur et extraordinaire. Et il ne peut tolérer cette défaite.

  • Il projette donc sa haine amère sur la personne qu’il envie, car elle représente ce qu’il voudrait être mais n’est pas.

Pour cette raison, il développe des comportements compulsifs, cherchant à détruire cette personne. Il ressent le besoin de lui infliger de la souffrance, car il en tire la gratification de son image grandiose et de ses fantasmes d’omniscience et de toute-puissance.

Que fait-il concrètement ?

Lorsqu’un narcissique caché devenu psychopathe éprouve une envie haineuse envers quelqu’un, il cherche à le détruire. Il veut que cet objet de frustration disparaisse de sa vie, car cette personne déclenche en lui des bouffées d’envie qui le rongent. Il ressent continuellement ce déchirement.

  • Sa rage consiste à annihiler symboliquement l’autre, par le biais de l’envie malveillante et de la rivalité pathologique.

  • Et le seul moyen qu’il trouve pour le détruire est de lui voler tout ce qu’il possède, devenant ainsi un traître.

L’hypnotiseur psychopathe

Comment ce type de psychopathe parvient-il à attirer les autres à sa merci ?

He bien, il vit dans une sorte de rêve lucide, où il contrôle les images et le déroulement de son propre rêve. Chaque personne qu’il rencontre doit appartenir à ce rêve. Il utilise donc des tactiques hypnotiques pour manipuler à sa guise les personnes qui y apparaissent.

  • C’est un menteur pathologique, dont le seul but est de voler la vie de l’autre.

  • Pour accomplir cela, il recourt à des subterfuges et à des stratégies machiavéliques pour nuire à celui qu’il considère comme son rival.

  • Il s’approche de l’objet de son envie tel un serpent dans l’herbe ou un loup déguisé en mouton, afin de lui voler sa vie.

Si cette personne possède la beauté, le succès, l’intelligence, le savoir, la richesse ou le bonheur qu’il convoite, il cherchera à lui voler son identité et sa vie.
Il peut agir ainsi envers un narcissique accompli qui, grâce à son succès ou à sa bonne fortune, a réussi à obtenir sa provision narcissique.

  • Il s’approprie le travail et les connaissances des experts, les présentant comme s’il s’agissait de sa propre érudition ou de son propre travail.

  • C’est un parasite qui vole votre vie, votre identité, votre travail et tout ce qui lui est accessible.

  • C’est un exploiteur qui ne se sent exister qu’en vous voyant dépérir.

Son mimétisme

Sa dynamique interne est psychotique, car elle inclut le mimétisme. Par ce mécanisme, il suspend son propre psychisme pour devenir vous.

  • Rongé par une envie corrosive, une rivalité et une ambition dévorante, il se présente comme votre associé, ami, collaborateur ou partenaire.

  • Ensuite, à travers un mécanisme mimétique ou un jeu de miroirs, il devient vous : il adopte vos comportements, intérêts, attitudes et votre manière de parler.

  • Il s’empare alors de votre activité, ou fait tout ce qui est en son pouvoir pour vous détruire, ruiner votre carrière et votre réputation, ou même vous envoyer en prison et vous humilier publiquement. Il se montre ainsi extrêmement sadique.

Il agit de manière ouverte, impudente, cynique, indigne, sans aucune honte ni ménagement, totalement inconscient de la malveillance de ses actes. Mais, de son point de vue, il ne fait que fixer ses limites et s’affirmer.
C’est ainsi qu’il obtient sa provision narcissique, car il se sent supérieur, tout-puissant, omniscient et euphorique de sa victoire.

Sa frustration

Le narcissique caché devenu psychopathe sait qu’il n’est pas reconnu pour ce qu’il aurait pu accomplir lui-même, mais pour ce qu’il a prétendu être, juste une copie de quelqu’un d’autre.
S’il a volé vos idées, il est frustré de ne pas être reconnu pour les siennes. Il n’est pas apprécié pour ce qu’il est vraiment, ce qui alimente sa rage. Il continue donc à manipuler et à détruire l’intégrité psychique des autres.

Sa moralité ostentatoire et déviante

Le narcissique caché devenu psychopathe n’a pas de surmoi.

  • Il est donc irrespectueux de l’autorité et des normes sociales, s’appuyant sur sa propre éthique déviante.

  • Autrement dit, il dissimule ses actes inadmissibles sous l’apparence d’une moralité ostentatoire.

  • Dans les cas extrêmes, il agit comme un criminel diabolique ou profondément malveillant.

Le film « Le Talentueux M. Ripley », réalisé en 1999 par Anthony Minghella, avec Matt Damon et Jude Law, illustre bien ce thème.

Il s’agit d’une description à glacer le sang de la guerre à mort entre un narcissique caché, nommé Tom Ripley, qui vit par procuration aux dépens d’un narcissique classique appelé Dickie Greenleaf. Tom Ripley sombre alors dans la psychose primaire.

Le narcissique caché devient psychopathe pour trois raisons :

La première raison est qu’il doit compenser son insécurité ontologique, son complexe d’infériorité, sa honte toxique et son vide abyssal. Son vide existentiel et ses insuffisances l’érodent et le corrodent, le plaçant au bord du gouffre, de la désintégration, de la décompensation et de l’abîme.

La deuxième raison est qu’il doit éviter l’effondrement. En raison de ses insuffisances, il n’a pas les capacités nécessaires pour obtenir sa provision narcissique, même en tant qu’escroc. C’est pourquoi il est prêt à suspendre l’activité de son propre faux self pour adopter l’identité d’une autre personne.

La troisième raison est qu’il a intégré les messages dénigrants reçus dans son enfance, qui deviennent sa voix de Thanatos, générant une pulsion de mort. Il veut se détruire, car cette voix lui répète sans cesse qu’il est un mauvais objet, qu’il est incapable d’accomplir quoi que ce soit et qu’il sera toujours un perdant.
C’est pourquoi il éprouve une envie corrosive envers les personnes qui, grâce à leurs idées, leur travail ou leur chance, obtiennent la célébrité, l’argent, le succès ou le prestige qu’il convoite. Cela, il ne peut pas le tolérer !
Il entre donc en compétition avec ces personnes et, pour leur voler leur vie, il se transforme en elles ou devient leur extension. C’est ainsi qu’il obtient sa provision narcissique.

Ses défenses narcissiques

Pour se voir dans le miroir et apaiser sa peur justifiée du châtiment, sachant que ce qu’il fait est honteux, maléfique et abject sur le plan éthique, le psychopathe caché déploie une multitude de défenses primitives et infantiles qui lui semblent appropriées.

Sam Vaknin mentionne le psychiatre américain Hervey Cleckley, qui, dans son livre The Mask of Sanity, parle du masque de santé mentale porté par les psychopathes.

Le Professeur affirme que le narcissique caché devenu psychopathe est l’individu le plus fou qu’il connaisse, car derrière son masque se cache une folie béante, sans précédent, incroyable et débridée.

  • Il se protège des conséquences de ses actes malsains grâce à ce masque.

  • C’est un simulateur déguisé en ange, un serpent dont le venin agit lentement. Il est dangereux, car son système de défenses est démentiel.

  • Il se croit le gardien des valeurs et de sa propre moralité déviante, se voyant comme le chef des forces du bien contre les démons.

  • Bien sûr, dans cette guerre, il y a toujours un butin. La propriété de l’autre est le butin qu’il obtient en vertu de sa propre « justice ».

  • C’est quelqu’un qui, selon ses besoins, agit tour à tour comme prédateur ou comme proie.

  • Il s’octroie le droit d’agir ainsi, car en sombrant dans la folie, il perd toute notion d’entraide, se définissant lui-même comme un escroc.

Voici quatre mécanismes défensifs :

Le déni

Le narcissique caché devenu psychopathe filtre les informations qui contredisent son image et nie ses actions.
Il se dit alors : « Tout ce que j’ai volé à cette personne - ses idées, ses réalisations, son succès, son argent, voire son identité - ne lui appartient pas vraiment. Même si je fais cela pour mon propre profit, pour gagner en notoriété et en célébrité, je suis en mission, en croisade. Je suis une bonne personne qui accomplit de bonnes choses, et c’est ma seule motivation. Tout ce que cette personne a obtenu, elle l’a acquis par des moyens détournés. J’ai donc le droit de m’approprier les résultats que je mérite. »

La répression

Le narcissique caché devenu psychopathe réprime la conscience de ses pensées et désirs interdits. Cependant, le contenu refoulé ne disparaît pas ; il reste puissant, fermentant dans son inconscient.
Il se dit : « Je ne crois pas avoir volé quoi que ce soit ou avoir commis un plagiat. Je pense que les idées, le travail et les accomplissements de l’autre personne sont disponibles gratuitement pour tout le monde, et donc pour moi ! Je ne savais pas que j’étais en train de voler l’identité ou la propriété intellectuelle de quelqu’un. Je suis convaincu que ce que je fais est correct. »

Le clivage

Pour le narcissique caché devenu psychopathe, tout est soit bon, soit mauvais. En état de régression infantile, il perçoit les autres comme mauvais et se voit lui-même comme une bonne personne. Il justifie donc ses actes criminels, car sa cible est considérée comme mauvaise.
Il se dit : « Oui, c’est vrai que je plagie son travail, mais il/elle le mérite, car ses comportements me déplaisent. Je fais donc justice moi-même. Je suis un superhéros qui combat les méchants. »

La projection

La projection consiste à attribuer aux autres ses propres insuffisances, ses émotions négatives et ses traits de caractère inacceptables.

À travers la projection, le narcissique caché devenu psychopathe se dit : « Cette personne méritait ce que je lui ai fait. Elle me devait de l’argent et devait payer pour l’aide que je lui ai apportée. C’est elle qui m’a volé mon argent et mon temps. Sans moi, elle n’aurait rien pu accomplir. Je ne fais que réclamer ce qui m’appartient. »

Examinons maintenant une stratégie hypnotique utilisée par toutes sortes de narcissiques cachés devenus psychopathes : le décervelage hypnotique.

Le décervelage hypnotique « gaslighting »

Si vous êtes une personne psychologiquement fragile, le narcissique caché devenu psychopathe profite de votre vulnérabilité, de votre anxiété, de votre dépression ou de votre trouble de stress post-traumatique pour supplanter votre réalité par la sienne.

  • Le psychopathe est orienté vers un objectif précis, mais il n’est pas toujours conscient de ce qu’il fait, car il vit dans son paracosme, un monde imaginaire, une réalité virtuelle. Il est donc profondément hypnotisé.

  • Il déstructure votre psychisme en vous manipulant, vous contrôlant et vous anéantissant. Pour ce faire, il utilise le décervelage hypnotique.

  • Il répète des milliers de fois les mêmes mots dévalorisants et les mêmes phrases dénigrantes issus de sa réalité virtuelle, tout en alternant avec des discours d’amour contradictoires à ce dénigrement.

  • Ou bien, il vous enveloppe dans son monde mental fantasmatique en vous proposant des solutions irréalistes à vos souffrances et à vos problèmes.

En fait les narcissiques cachés, qu’ils soient passifs agressifs ou psychopathes avalent leur partenaire intime, le consomment, le digèrent et l’assimilent.
Ce qui correspond aux mécanismes connus en psychologie sous les termes d’introjection (avaler), d’incorporation (consommer), d’internalisation (digérer) et d’identification (assimiler).

Les guides spirituels autoproclamés et certains gourous sont des experts dans l’utilisation du décervelage hypnotique. Lisez mon article sur le sujet en cliquant ici : Le gaslighting.

Votre réalité intérieure est complètement altérée

Votre réalité interne est constamment remise en question par l’hypnotiseur psychopathe qui prend le pouvoir sur vous. Attention ! C’est ce que font les pédophiles sur Internet, la mafia ou encore les terroristes qui radicalisent des jeunes en détresse.

  • Il vous transmet ses idées délirantes, son univers virtuel, et ses perceptions déformées de la réalité, tout en vous convainquant que c’est la seule réalité qui existe.

  • Une fois hypnotisé(e), il peut abuser de vous, s’approprier votre identité, voler vos connaissances, vos idées, votre activité, vos accomplissements, vos biens et votre argent, vos amis, voire votre entreprise ou votre poste de travail.

  • Il vous manipule alors à sa guise et fait de vous ce qu’il veut.

  • Il vous déstabilise et vous plonge dans un état de dépersonnalisation et de déréalisation. Vous pouvez lire l’article intitulé : La dépersonnalisation et la déréalisation.

Après avoir examiné les sujets précédents, nous pouvons maintenant nous concentrer sur votre situation, votre vécu et la manière de transcender vos traumatismes.

Votre partenaire intime est-il un narcissique caché ?

Si vous vivez avec un narcissique caché, étudiez cet article : Quitter un narcissique pathologique.
Si vous vous en êtes déjà séparé(e), vous et vos enfants souffrez des effets traumatiques de son abus narcissique.
Qu’il soit vulnérable, passif-agressif ou psychopathe, vous ressentez sans doute une honte profonde d’avoir été piégé(e) par ses manipulations insidieuses.

Inconsciemment, vous avez introjecté, incorporé et intériorisé son abus, ce qui vous amène à vous identifier à ses messages hypnotiques, devenus des voix intérieures. Vous vivez ainsi sous son emprise et souffrez d’un trouble de stress post-traumatique.

Un tourment se cache donc derrière des portes fermées, car personne ne voit ce que vous traversez. La guérison commence par comprendre que les actions du narcissique passif-agressif reflètent sa propre réalité, et non la vôtre. La liberté naît de la reconnaissance de votre histoire, de la recherche de soutien, de la confiance en votre force intérieure et de l’établissement de frontières psycho-émotionnelles.

Le rétablissement ne consiste pas seulement à survivre, mais aussi à se redécouvrir et à trouver la paix intérieure. Êtes-vous prêt(e) à découvrir les ressources pour amorcer votre guérison ? Il est crucial de vous engager dans un processus d’introspection approfondie pour vous libérer de cet état traumatique et hypnotique.

Êtes-vous un narcissique caché ?

Si vous vous reconnaissez dans ce portrait du narcissique caché, il n’est jamais trop tard pour entreprendre un travail d’introspection et guérir du trouble de stress post-traumatique (TSP). Face à cette souffrance silencieuse, il est essentiel de comprendre que la guérison de votre traumatisme est possible.

Le traumatisme n’est pas l’événement en lui-même, mais la manière dont votre psychisme y a réagi. Votre narcissisme est en réalité une forme d’hypnose identitaire. Comprendre la complexité de votre dynamique interne n’est que le début ; agir pour vous en libérer est une autre étape essentielle. Il est impératif de vous faire accompagner par un professionnel spécialisé dans le traitement des troubles de stress post-traumatique.

Avez-vous eu un parent narcissique caché ?

Si l’un de vos parents était un narcissique caché, il ne vous a pas donné l’amour, l’attention ou le respect dont vous aviez besoin. Vous avez peut-être intériorisé ses comportements, ce qui peut entraîner un manque d’estime de soi et de confiance.

Cela peut se manifester de différentes manières :

  • Vous avez peut-être développé une dépendance affective, recherchant des partenaires narcissiques également émotionnellement absents.

  • Il se peut également que vous ayez adopté des traits de narcissisme pathologique et des mécanismes primitifs narcissiques.

  • Ou bien, vous tentez de combler ce manque d’amour en adoptant des comportements autodestructeurs comme l’abus d’alcool, de drogues ou en ayant une sexualité débridée.

Tous ces signes montrent que vous souffrez d’un trouble de stress post-traumatique. Cependant, il n’est jamais trop tard pour sortir de l’emprise du parent narcissique caché de votre enfance et retrouver votre pouvoir personnel.

La Déshypnose Identitaire

Dans les trois cas mentionnés, il est crucial d’acquérir des outils efficaces pour guérir du stress post-traumatique et se libérer de l’influence d’un parent ou d’un partenaire narcissique caché. Mes outils de déshypnose identitaire sont conçus pour vous offrir un chemin vers la déprogrammation et la liberté intérieure.

Grâce à des puissants outils d’introspection, vous allez discerner le vrai du faux et écouter enfin la voix de votre être authentique, et non celle de votre parent ou de votre ex-partenaire narcissique. Cette approche vous aide à explorer la dynamique mentale qui s’est installée dans votre psychisme à la suite de votre vécu. Consultez l’article explicatif ici : L’introspection.

Je vous invite à entreprendre cette aventure exceptionnelle, qui vous amènera à vous réveiller, à écouter la voix de votre être authentique et à vivre dans la sérénité, l’amour inconditionnel « sans objet » et la joie d’être.

Prabhã Calderón